La Nouvelle-France et la bourgeoisie

Compte rendu: la Nouvelle-France et la bourgeoisie FERNAND OUELLET Dans son livre: le professeur Nish nous apprend a nouveau que l'hypothese qu'il avait formulee en 1963 concemant la bourgeoisie a l'epoque de la Nouvelle-France se verifie. En somme son intuition etait juste et son modele s'applique. Il en est d'ailleurs tellement convaincu qu'il n'hesite pas asuggerer que l'homme intelligent sera d'accord (p. 173). I1 faut dire en toute humilite que ce verdict ne nous semble pas sans appel. En fait son livre qui recele certaines richesses, comporte aussi d'enormes lacunes . Il faudrait, pour rendre compte adequatement des unes et des autres, y consacrer un long article. Ce livre qui fait table rase de tous les travaux anterieurs est ne de la controverse entre deux groupes d'historiens et il s'y enferme sans presque jamais s'en liberer. Encore si les points de Vue adverses OU qualifies de tels avaient ete suffisamment bien exposes et non pas trop souvent simplifies ou encore mal compris. Ce fait est tellement frequent qu'on y sent parfois le prejuge achame. Encore si le livre du professeur Nish tranchait pour de bon le debat ou s'il eliminait la plupart des doutes. Une incidente dans la conclusion serait meme revelatrice de !'incertitude au moins apparente qui subsiste dans l'esprit de l'auteur: "Admettons dit-il en n?us fo.ndant sur certains de leurs cri~eres, ~u'il n y ava1t pas de bourgeoisie en Nouvelle-France (p.182)." Les vingt-quatre premieres pages sont consacrees aux eclaircissements sur la methode. Desireux d'eviter les confusions et les anachronismes qui sont le lot, explique-t-il, des autres historiens dans la specialite, l'auteur amorce une definition des termes. Avouons qu'il n'est pas°Cameron Nish, Les Bourgeois-Gentilhommes de w Nouvelle-France, 1729-1748: Fides Montreal et Paris 1968. ' ' ]ournal of Canadian Studies alle tres loin: ses elucidations s'arretent aux mots hypothese, these et bourgeois et en depassent pas en general le contenu du dictionnaire Larousse . On souhaiterait meme qu'il ait englobe le mot classe soc-iale, tellement sa conception semble obscure. Quant a son modele d'analyse, il est un peu court. "La base de la classification sociale, dit-il, doit tenir compte des fonctions, des actions et ceci est le seul instrument analytique valuable (p. 17) ." Nous aurions aime que !'auteur explicitat davantage ce qu'il appelle sa theorie fonctionnelle dont l'originalite est evidente . Car il laisse !'impression d'avoir utilise un seul critere particulierement simpliste; un individu est un bourgeois parce qu'il a des activites commerciales. Ainsi tout individu qu'il soit noble, seigneur, militaire ou fonctionnaire devient bourgeois en s'engageant dans le commerce . Ce genre de fonctionnalisme repose a notre avis sur la confusion entre occupation et classe, et il fonctionne dans une seule direction fixee a l'avance. Un noble qui est seigneur et militaire, qui au surcroit detient des pastes administratifs , est automatiquement et sans discussion classe parmi les bourgeois s'il se livre au surplus ades activites de caractere commercial. Pourtant, aux termes memes des decisions royales citees par !'auteur, cet engagement ne constituait pas une derogation. Le professeur Nish a beau repeter a l'envie qu'ils etaient des bourgeois, cet argument d'autorite ne remplace pas une preuve. Selon nous, il est impossible de trancher la question sans faire appel aux motivations , aux valeurs et aux etats de conscience qui avaient cours parmi ces hommes du XVIIIe siecle. Nous touchons ici a des facteurs qui sont peut-etre les moins anachroniques de tous. Contrairement ace que pense le professeur Nish, ils ne sont pas en contradiction avec un sain fonctionnalisme. C'est peut-etre a ce niveau qu'une demarche qui fait appel aux systemes de valeurs (ce qui n'est pas necessairement parler d'ethique protestante ou catholique), aux psychologies individuelles et collectives et aux consciences de classes, est la plus efficace. Elle procure de la vie aux chiffres. A propos de stratification sociale, l'auteur ecrit: "La question 57 de structures de classes en Nouvelle-France n'etait tout simplement pas un probleme...