In lieu of an abstract, here is a brief excerpt of the content:

Reviewed by:
  • (Post) colonisation-(post) migration. Ces Allemands entre Allemagne et Roumanie by Gwénola Sebaux
  • Ségolène Plyer
Gwénola Sebaux (Post) colonisation-(post) migration. Ces Allemands entre Allemagne et Roumanie Paris, Le Manuscrit, 2015, 496 p.

Les identités collectives des germanophones de Roumanie jouissent d'un intérêt qui ne se [End Page 1049] dément pas dans l'université française avec plusieurs thèses de qualité récemment soutenues1. Dans la même veine, Gwénola Sebaux, publie ici sa thèse d'habilitation sur le petit groupe, catholique et paysan, des Allemands du Banat (à la frontière entre l'ex-Yougoslavie et la région de Timişoara), qui a récemment connu la notoriété grâce au portrait au vitriol qu'en a tiré son «enfant terrible» Herta Müller, prix Nobel de littérature en 2009. Les Allemands de Roumanie sont l'une des rares minorités d'Europe centrale et orientale qui aient échappé à l'expulsion en 1945. Ils furent cependant victimes de déportations vers l'Urss puis durement touchés par la réforme agraire roumaine et un désavantageux statut de minorité, si bien que 120 000 d'entre eux émigrèrent entre 1950 et la chute du mur de Berlin vers la République fédérale d'Allemagne (Rfa), un mouvement encore amplifié après 1989.

G. Sebaux étudie leurs autodéfinitions en comparant les propos de ceux qui sont partis en Allemagne avec ceux de leurs compatriotes restés dans leur région natale. Après avoir présenté son outillage conceptuel, tiré de l'histoire migratoire et de l'étude des identités collectives, elle retrace la mise en récit de l'identité banataise, dont l'épisode fondateur est la colonisation des terres prises sur l'empire ottoman par l'Autriche au xviiie siècle et administrées au xixe siècle par la partie hongroise de la double monarchie. Cette célébration d'une identité coloniale allemande n'est pas antérieure à 1900. Auparavant, les Allemands du Banat étaient plutôt enclins à se laisser magya-riser (du moins leurs élites, telles que les propriétaires terriens et citadins de Temeschwar/Timişoara). Ils continuèrent après 1918 à se réclamer d'une identité allemande considérée comme supérieure (du fait de son développement juridique, économique et civilisationnel) par opposition à la politique minoritaire roumaine jusqu'à la fin des années 1930. Ils étaient alors environ 300 000 et furent, comme les autres Volksdeutsche (Allemands ethniques), les instruments souvent consentants de la politique d'expansion du iiie Reich vers l'est.

Ces faits étant peu connus en France, leur exposition est bienvenue, mais le récit historique critique à peine ses sources, ne se fondant que sur peu d'archives (toutes mises sur le même plan) et sur des productions artistiques ou littéraires dont le statut informatif n'est pas évident. Il est difficile de suivre l'auteure quand elle adhère à la vision d'une identité allemande idéalisée par sa documentation, d'autant plus qu'elle s'appuie surtout sur une historiographie allemande de valeur mais concentrée sur les germanophones, qui aurait gagné à être croisée avec d'autres, comme la thèse de Benjamin Landais qui rétablit les faits sur l'origine souvent mythifiée du peuplement du Banat2. Quant au débat sur la participation des Banatais allemands au iiie Reich, il est escamoté, de même que l'absence de prise en compte des Allemands du Banat yougoslave demeure inexpliquée.

L'auteure compare les autodéfinitions des Banatais dans deux corpus originaux: vingt interviews de personnes restées en Roumanie et 145 questionnaires d'émigrés en Rfa (remplis à 60 % par des membres d'associations culturelles banataises). Le résultat est une vision très méliorative de l'identité allemande du côté «roumain» et l'image (elle aussi souvent positive) d'un passé disparu du côté «allemand». Mais alors que les Banatais de Rfa entretiennent – au plus – des liens amicaux avec leur village...

pdf

Share