In lieu of an abstract, here is a brief excerpt of the content:

Reviewed by:
  • L'identité interdite. Les expulsés allemands en RDA (1945-1953) by Claire Trojan
  • Fabien Théofilakis
Claire Trojan L'identité interdite. Les expulsés allemands en Rda (1945-1953) Rennes, Pur, 2014, 356 p.

Lors de la journée mondiale des migrants et réfugiés, le 15 janvier 2017, la Haus der Geschichte (Maison de l'histoire) du Bade-Wurtemberg accueillait une conférence rappelant les nombreux déplacements forcés de population dont les Allemands avaient été victimes depuis le xviiie siècle. Ces expulsés continuent d'occuper une place particulière dans la mémoire des Allemands en raison de leur nombre, qui constitua un défi majeur à la sortie de guerre de l'Allemagne vaincue (12 à 13 millions de Vertriebenen, d'expulsés des territoires perdus après 1945), mais aussi de leur présence à l'échelle d'un territoire de plus en plus divisé par une rivalité entre modèles communiste à l'Est et libéral à l'Ouest, de leur statut ambigu et, consécutivement, de leur traitement. Ontils été des auxiliaires d'Adolf Hitler ou bien des victimes collatérales de l'expansionnisme nazi? Le débat les classe parmi l'une des trois grandes catégories qui, avec les victimes des bombardements alliés en Allemagne et les prisonniers de guerre allemands, véhiculent, dès l'immédiat après-guerre, un discours présentant les Allemands comme les premières victimes du iiie Reich.

Cette forte charge politique – et polémique – résonne jusqu'à aujourd'hui en ce qu'elle renvoie à une lecture comparée de la déprise de guerre à l'aune des méfaits de la dictature nazie et du régime communiste, une autre spécificité allemande. Une telle configuration explique le développement inégal de la recherche des deux côtés du rideau de fer, dont les contours et les thématiques ont été fortement renouvelés depuis 1989, l'accès à des archives inédites ayant permis d'élargir les problématiques, comme en témoignent les travaux de référence de Michael Schwartz sur la question de l'intégration des réfugiés à l'Est ou l'exposition «Fuite, expulsion, intégration» au Musée historique allemand à Berlin en 2006.

L'ouvrage de Claire Trojan – issu de sa thèse – s'insère dans ce large renouveau historiographique qu'elle a choisi de convoquer pour suivre le destin du quasi-million d'expulsés en Saxe de 1945 à 1953. Son étude, qui rend avantageusement accessible au lectorat français un pan central de l'histoire allemande, replace le facteur humain au cœur d'une histoire politique et sociale de l'intégration des expulsés dans un contexte de transition de la guerre totale vers des logiques de guerre froide. L'historienne infléchit la préoccupation historiographique en privilégiant une approche multi-scalaire qui fait varier les acteurs et les niveaux d'interprétation à partir d'archives nationales – celles des ministères et des bureaux centraux de la Zone soviétique d'occupation puis de l'État est-allemand et de ses dirigeants –, régionales – avec les services administratifs en charge de l'accueil et de l'intégration des expulsés en lien avec leurs antennes locales, sans oublier les positions et interventions du parlement saxon et du président de la région – et municipales – à partir de Leipzig, capitale de la Saxe qui concentre, en 1949, 20 % des expulsés accueillis.

Dans cette approche, les réfugiés euxmêmes apparaissent comme les acteurs de leur intégration dans la société est-allemande, audelà de l'apparente homogénéité diffusée par le régime. Les premiers sont déjà arrivés à l'été 1945, alors que la Saxe ne sert encore que de zone de transit; elle en compte 416 000 en octobre 1945, bientôt répartis en 110 camps, et 952 601 en décembre 1949, soit 17% de la population totale. La question des réfugiés est devenue un déterminant de la politique des autorités autant qu'une r...

pdf

Share