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  • La Turquie et le fantôme arménien : Sur les traces du genocide by Laure Marchand et Guillaume Perrier
  • Sylvia Kasparian
Marchand, Laure et Guillaume Perrier – La Turquie et le fantôme arménien : Sur les traces du génocide. Arles, Solin- Actes Sud, 2013, 218 p.

C’est dans le contexte de l’approche du centenaire du premier génocide du XXe siècle – perpétré par l’Empire ottoman contre les Arméniens, impuni et farouchement nié par le gouvernement turc – que deux journalistes, Laure Marchand et Guillaume Perrier, tous deux correspondants de presse en Turquie, l’une pour Le Figaro et Le Nouvel Observateur, l’autre pour Le Monde, nous offrent ce livre. Ce récit passionnant est une synthèse originale et surprenante d’une dizaine d’années d’enquêtes de terrain que les auteurs ont effectuées, surtout dans des lieux historiques en Turquie. Cet ouvrage, qui a eu un écho important dans les médias, a d’ailleurs été publié sous forme de bande dessinée en 2015.

Les auteurs nous proposent un voyage de l’intérieur, un voyage dans le temps et dans l’espace où l’ici et l’ailleurs se mélangent, les documents officiels et les témoignages conversent, où la diaspora et la Turquie se rejoignent et ce, en partant [End Page 668] de Marseille pour sillonner la Turquie d’Istanbul à la frontière de l’Irak, de la mer Noire à la Méditerranée et ainsi dresser à partir de récits de vie un tableau sensible et très nuancé de la réalité actuelle et passée, de la dynamique entourant la question arménienne en Turquie et à l’international.

Ces deux journalistes, ont réussi à rassembler une quantité de preuves bien vivantes et tangibles du génocide en interviewant des survivants cachés ou islamisés, des Kurdes qui ont aidé les victimes, des descendants de Kurdes qui ont participé au crime, des opposants farouches au régime turc, mais aussi en retrouvant des traces préservées sur la pierre des églises et d’autres monuments. De façon très subtile, les auteurs abordent le sujet en prenant des plans d’attaque insoupçonnés et inédits. Dans chaque chapitre, à partir d’une étude de cas, d’un nouveau récit ou du portrait d’un personnage, ils traitent des aspects historiques, humains, juridiques, économiques, politiques de la question et dressent un tableau complet, une compréhension du problème dans sa globalité en montrant avec autant d’indices que la négation des faits relève, à l’évidence, de « la névrose collective » (p.24). D’après le portrait tracé par les auteurs au gré des rencontres et des témoignages, c’est une Turquie dialectique, malade de son négationnisme, hantée par ce fantôme arménien que nous percevons.

Après quelques repères historiques, une introduction reprend le parcours de la loi liée à la pénalisation du négationnisme du génocide arménien en France et pose la problématique particulière du déni de ce génocide par la Turquie et l’obligation pour tous les pays d’affronter l’histoire. Les auteurs expliquent l’unicité du génocide arménien qui est le seul génocide nié par le légataire de ses auteurs, la Turquie, « le seul pays qui met autant d’énergie à travestir l’histoire » (p. 25) et effacer ses traces.

Les 18 chapitres suivants sont autant de petites histoires, de voyages qui mettent en scène des lieux, des personnages étonnants qui surgissent d’on ne sait où. Un petit détour par Marseille, la « petite Arménie », lieu de la première immigration arménienne après le génocide, permet, avant de se rendre sur les lieux en Turquie, de planter le décor et de définir la problématique. Des portraits témoignent du parcours des rescapés et de leurs descendants, de l’organisation de la communauté, de la résilience et du combat pour la survie de la culture.

La suite nous mène dans un...

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