In lieu of an abstract, here is a brief excerpt of the content:

Reviewed by:
  • Terrains d’écrivains. Littérature et ethnographie ed. by Alban Bensa et François Pouillon
  • Annick Louis
Alban Bensa et François Pouillon (dir.)
Terrains d’écrivains. Littérature et ethnographie
Toulouse, Éd. Anacharsis, 2012, 405 p.

Ce volume réunit des travaux de spécialistes en sciences humaines et sociales (shs), qui interrogent, depuis leurs disciplines respectives, l’inscription de l’enquête dans les œuvres littéraires. Il part du constat que les écrivains semblent tirer de leurs enquêtes quelque chose qui échappe au regard de l’anthropologie, ce qui les mène à adopter d’autres modes d’écriture. Ainsi se définit le questionnement essentiel du volume : « Comment rendre compte de l’enquête ? » Car le terrain, fondement des sciences sociales, reste à la fois un lieu de naissance de la vocation et une source de déception.

En examinant la contribution des textes littéraires à l’élucidation des liens qui unissent le terrain à l’élaboration d’un texte, le volume cherche à ouvrir de nouvelles perspectives à la discipline anthropologique. Outre l’affirmation de la nécessité d’assumer que l’enquête est toujours à la fois le terrain et son écriture, les articles interrogent la situation de celui qui réalise l’enquête. Comme le remarquent Alban Bensa et François Pouillon en introduction, la posture qui consiste à se prendre pour matériau de son enquête n’est guère appréciée de l’ethnologie savante, peu disposée à retourner vers soi le « scalpel ethnographique » (p. 29). Poser les enjeux qui s’inscrivent sur les positionnements adoptés par les écrivains permet ainsi de réfléchir à de nouveaux modes d’inscription de l’enquêteur dans l’écriture du terrain; la « leçon que l’écrivain donne aux professionnels de l’enquête » étant définie par A. Bensa et F. Pouillon comme la possibilité de faire surgir « le contexte de l’enquête, la marge du champ de vision, l’indicible et le peu convenable du rapport de l’observateur à son objet » (p. 26). Si cette question reste un enjeu majeur de la discipline anthropologique, comme l’avait signalé Jean Bazin 1, c’est parce que la place de celui qui enquête et qui écrit l’enquête se construit dans le contact à l’autre, tel que le rappelle Bernard Traimond à propos des Essais de Montaigne.

Le corpus, qui comprend des écrivains considérés comme relevant du canon littéraire, puisqu’il s’agit d’auteurs présents dans la collection « La Pléiade », permet de saisir une variété de déclinaisons de l’enquête qui rend difficile, voire impossible, et peut-être dérisoire, tout effort de synthèse. Si l’éventail comprend Michel de Montaigne, Alphonse de Lamartine et Alexandre Pouchkine, la plupart des auteurs choisis se situent entre 1860 et 1960, et relèvent du courant réaliste et de ses descendances; l’époque correspond à la mise en place des sciences sociales, à la définition d’un objet qui leur serait propre, et de protocoles d’écriture disciplinaire. L’ensemble des travaux montre que, dans la démarche de ces écrivains et dans celle des SHS, la description s’érige en composante privilégiée, et que certains écrivains ont pratiqué des méthodes d’enquête proches de celles des savants d’aujourd’hui, comme Montaigne, étudié par B. Traimond, ou George Sand, qui préfigure, d’après Rose-Marie Lagrave, l’ethnologie des campagnes et l’anthropologie des sexes, ou encore comme Gustave Flaubert par rapport à l’archéologie, à en croire Clémentine Gutron. Les rapports entre SHS et littérature se définissent souvent en termes de convergence : la littérature semble dire avant et mieux ce que les SHS veulent exprimer. Cependant, il arrive aussi que des liens de l’ordre de la concurrence [End Page 551] s’établissent, comme le montre C. Gutron à propos de la réception de Salammbô de Flaubert, où écrivains et spécialistes se réclament du même objet et tentent d’imposer leurs approches.

Au centre de l’échantillon proposé, qui n’a pas la prétention d’être représentatif...

pdf

Share