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Reviewed by:
  • Signature et pouvoir au Moyen Âge by Claude Jeay
  • Brigitte Miriam Bedos-Rezak
Claude Jeay
Signature et pouvoir au Moyen Âge
Paris, École des chartes, 2015, 608 p.

Dans l’ouvrage passionnant que Claude Jeay consacre à la signature en France du XIIe au XVe siècle, la densité intellectuelle du propos module harmonieusement l’immense masse des documents consultés pour offrir un produit rare dans l’historiographie de ce phénomène d’écriture, une histoire de la signature. Cette dernière a amplement profité des problématiques soulevées par la remise en question des modalités signifiantes du langage et des temporalités à l’œuvre dans une inscription dont les effets de présence, anachroniques, relèvent [End Page 485] autant de la permanence que d’une absence fondamentale. Son étude s’est nourrie de la reconnaissance du figural dans l’écrit et du performatif dans le geste scripturaire. De ce fait, la richesse des travaux consacrés à la signature émane d’approches anthropologiques, sémiotiques et sociologiques, lesquelles ont bien fait ressortir l’enjeu pour l’être de se faire lettre. C. Jeay, toutefois, s’écarte de cette approche universaliste pour proposer une archéologie qui suit la signature à la trace, et les résultats sont remarquables.

Diversités lexicales, formelles et fonctionnelles caractérisent la signature médiévale et semblent l’apparenter particulièrement aux monogrammes, souscriptions, seings manuels, et autres signes de validation documentaire, le sceau en particulier. De fait, elle partage avec ces signes deux caractéristiques fondamentales : le renvoi à un individu dont elle engage la responsabilité et l’emplacement sur un support œuvré à qui elle confère identité et autorité. La signature médiévale, toutefois, combine de façon unique le nom, le paraphe et l’autographie, et cet aspect distinctif permet à C. Jeay de situer l’apparition et le cheminement de ce signe particulier en France, non sans avoir au préalable jeté un coup d’œil à la situation européenne.

Premier constat, l’usage de la signature se déploie au sein d’écritures officielles : les clercs de la chancellerie pontificale, les souverains de la péninsule Ibérique et les notaires de l’Italie du Nord signaient dès le début du XIIe siècle. La France n’innove pas en la matière puisque c’est seulement vers la fin du XIIe siècle, au sein des cours d’officialités nouvellement établies par les évêques dans les régions septentrionales du royaume, que les clercs produisirent des actes scellés du sceau d’officialité et signés de leur patronyme et paraphe. Souveraine, laïque et publique en Europe méditerranéenne, la signature en France est, à ses débuts, septentrionale, ecclésiastique et destinée à rassurer des impétrants modestes sur l’authenticité de documents que leur nouveauté rendait suspects. Il est vrai que, au même moment à Toulouse, les notaires investis par les consuls de la ville introduisaient une pratique de la signature, empruntée à leurs collègues italiens mais nouvelle dans le cadre de la France. Toutefois, cette marque notariale et autographe sera de nature iconique et graphique avant de se mouler dans la formule nom-paraphe, en une trajectoire qui résume l’expansion considérable du modèle ébauché par les clercs d’officialité.

C’est là que la seconde partie du titre de ce grand livre prend tout son sens puisque, comme l’auteur le démontre de façon convaincante, l’usage croissant de la signature en France ne peut s’expliquer sans voir en elle un enjeu d’envergure dans les stratégies expansionnistes de la royauté française, puis dans la formation des élites valoisiennes. Pour l’auteur, c’est sa présence d’ailleurs tout à fait circonstancielle au cœur du vortex des ambitions royales qui propulsa la signature hors des officialités, lors de la compétition intense qui s’établit entre ces dernières et les tabellionages royaux pour le contrôle de la juridiction gracieuse pardelà le royaume. Une fois entrée (à partir des années 1270) dans la pratique instrumentale des officiers royaux...

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