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  • La Critique du voyage dans la pensée de Diderot: de la fiction au discours philosophique et politique by Eszter Kovács
  • Juliette Morice
La Critique du voyage dans la pensée de Diderot: de la fiction au discours philosophique et politique. Par Eszter Kovács. (Les Dix-huitièmes siècles, 180.) Paris: Honoré Champion, 2015. 280pp.

Dans l’ouvrage qu’elle tire de son travail de thèse, Eszter Kovàcs annonce le caractère paradoxal de sa recherche: Diderot a peu voyagé et n’a laissé que des récits de voyage brefs ou compilés, pourtant la critique des voyages et des voyageurs occuperait une place essentielle dans sa pensée. L’ambition de l’auteure est double: il s’agit à la fois de recontextualiser la pensée de Diderot en prenant en compte le rôle qu’eurent les voyages dans sa démarche philosophique, et de lier entre eux des propos disséminés dans son œuvre entière. Sa méthode consiste à réunir des textes de portées différentes, depuis les premières œuvres de fiction, notamment Les Bijoux indiscrets, jusqu’à L’Histoire des deux Indes, pour montrer qu’il y aurait une évolution de la critique diderotienne des voyages: d’un [End Page 438] discours de méfiance dans les premiers ouvrages on irait vers une critique raisonnée dans les ouvrages philosophiques et politiques de la fin de sa vie. L’ordre d’exposition est à la fois diachronique, en rapport avec ce que serait l’évolution de la pensée de Diderot, et thématique, puisque Kovács choisit de distinguer dans son plan le travail littéraire et philosophique sur le voyage et le voyage comme réalité historique concrète. Après une brève première partie qui ancre la pensée de Diderot dans le contexte des débats sur l’utilité des voyages au dix-huitième siècle, l’auteure s’attache plus longuement à l’étude des voyages dans les œuvres de fiction. Dans la troisième partie, elle cherche à montrer l’importance que les voyages et les récits de voyage de Diderot tiennent dans la définition de sa pensée politique dans les années 1770, en s’attardant notamment sur l’épisode russe. Enfin, la dernière partie analyse les contributions diderotiennes à L’Histoire des deux Indes et met au jour la critique des voyages d’exploration, mais aussi, thème récurrent chez Diderot, le doute permanent sur la véracité des voyageurs. L’hypothèse de lecture générale de l’ouvrage reste cependant quelque peu implicite: si l’auteure souligne le caractère ‘polémique’ du discours de Diderot et déclare que ‘la critique des voyages a une véritable fonction dans [s]a pensée’ (p. 8), on peine à identifier explicitement cette fonction. Cette imprécision est sans doute liée à l’étendue du sujet, mais si l’auteure fait le constat, dans son Introduction, de la diversité de phénomènes que recouvre la notion de voyage, on ne trouve pas de typologie ou de distinctions conceptuelles rigoureuses qui permettraient de préciser les enjeux de la critique diderotienne. Or il est difficile de tenir ensemble la pensée de l’errance, présente dans Jacques le fataliste et qui trouve sa source dans une tradition ancienne, et le caractère précurseur de la dénonciation des dérives des conquêtes du Nouveau Monde. Enfin, si l’ouvrage est impressionnant par la quantité de textes qu’il explore, on regrettera qu’il s’intéresse davantage à la critique ouverte par les voyages et fasse quelque peu l’impasse sur le fait que la critique du voyage pour lui-même entretient un lien très original avec le matérialisme de Diderot.

Juliette Morice
Université du Maine
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