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Reviewed by:
  • Hydro-Québec et l’État québécois, 1944-2005. Québec, Éditions du Septentrion by Stéphane Savard
  • Dominique Perron
Savard, Stéphane– Hydro-Québec et l’État québécois, 1944-2005. Québec, Éditions du Septentrion, 2013, 452 p.

En établissant une histoire politique des relations entre l’entreprise nationalisée de production hydroélectrique Hydro-Québec et l’État québécois, Stéphane Savard s’est lancé dans une entreprise complexe qui a exigé la manipulation d’un immense corpus archivistique et historique dans lequel un autre chercheur aurait pu facilement sombrer. C’est qu’en fait l’histoire proprement dite d’Hydro-Québec, dans tous ses détails, nécessiterait sans aucun doute plusieurs volumes et serait l’entière tâche de toute une vie de recherche. Stéphane Savard a plutôt choisi de dresser une synthèse extrêmement bien documentée des différents rôles qu’a pu jouer Hydro-Québec, depuis sa première nationalisation de 1944, pour la société québécoise. Il montre comment cette entreprise a servi de vecteur à de nombreuses représentations, successives et simultanées, du Québec et de l’État, portant à la fois sur les notions d’espace, de territoire, de société, et surtout sur le rapport à la nature et à l’altérité.

À chacune de ces thématiques est consacré un chapitre de l’ouvrage, chacun desquels reprend la chronologie depuis 1944 jusqu’à 2005. Ce choix méthodologique, qui malheureusement entraîne de nombreuses redites, a le mérite de bien examiner les façons dont la création de l’entreprise et son expansion a permis à l’état québécois, au gré de ses différents dirigeants, de donner forme, pour ainsi dire, à diverses conceptions de la modernité, du progrès et de la problématique environnementale. De la sorte, Savard démontre magistralement [End Page 224] comment la Société d’État a été l’objet de plusieurs types d’instrumentalisations de la part du politique pour illustrer cette large variété de conceptions. Et nous pourrions tout aussi bien nommer idéologies ces représentations ayant chacune leur logique propre.

Ainsi de la représentation d’une nature hostile à laquelle devait s’adapter un Canadien français résilient, à celle d’un Québécois domptant les immenses forces du territoire pour les transformer en richesses, il y a tout un transfert prométhéen parfaitement démontré par Savard. Le chercheur module bien par la suite cette image triomphale fortement remise en question par les crises environnementales, et surtout par l’imposition subséquente de la thématique du développement durable. Les différentes formes d’appropriation de l’espace permises par l’évolution d’Hydro-Québec, et surtout son influence sur les modes de territorialisation accompagnant l’expansion des sites d’exploitation hydroélectrique, sont aussi bien établies par le chercheur.

On lira avec beaucoup d’intérêt le chapitre cinq où est solidement exposé le rôle central qu’Hydro-Québec a joué dans le développement des techniques et des savoirs reliés à la recherche sur l’énergie, de même que les grandes remises en question de la compétence de la Société d’État en ce domaine lors des crises de 1984, 1997 et 1998.

Le chapitre sur la conception de l’altérité autochtone, non seulement de la part d’Hydro-Québec, mais de tout l’ensemble de la société québécoise, s’impose comme une référence pour quiconque s’intéresse à l’épineuse question des enjeux de l’exploitation des ressources naturelles et des droits des Premières Nations. Et la conclusion de l’auteur sur la façon somme toute remarquable dont Hydro-Québec a fonctionné comme un levier qui a « fait société », pour reprendre son expression, s’avère aussi très importante pour comprendre ce rôle singulier de représentation du social qui est si régulièrement dévolu dans l’histoire à toute entreprise de production d’énergie.

Le chapitre quatre sur...

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