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Reviewed by:
  • Le poids de la guerre. Les poilus et leur famille après 1918 by Dominique Fouchard
  • Manon Pignot
Dominique Fouchard Le poids de la guerre. Les poilus et leur famille après 1918 Rennes, PUR, 2013, 287 p.

L’ouvrage de Dominique Fouchard se situe dans un champ en plein renouvellement, celui d’une histoire intime des familles à l’épreuve de la guerre. Comme l’écrit Annette Becker dans sa préface, l’auteure « se place au croisement d’une histoire sociale et culturelle du genre, de la famille comme cellule de base au temps où, au sortir de la Grande Guerre, elle tente de scruter la société française dans ses profondeurs » (p. 12). D. Fouchard a choisi de limiter la famille à sa dimension nucléaire – le couple parental et ses enfants–, autrement dit de laisser de côté la parentèle élargie, dont le rôle est pourtant encore important en 1914-1918; un objet d’étude largement imposé par un corpus archivistique déjà très ample. La famille est alors définie, à raison, comme « un observatoire de choix pour appréhender l’articulation des vies individuelles et des vies collectives et pour approcher les effets des événements et de leur inscription mémorielle » (p. 18). Le livre porte en effet sur l’après-guerre, c’est-à-dire sur les modalités du retour à la paix vécu à l’échelle de l’intime, s’inscrivant dans la continuité des travaux de Bruno Cabanes sur la « sortie de guerre » comme temporalité, comme concept et comme objet historiques1.

Pour capter ce qu’elle nomme joliment « le bruit des vies », l’historienne s’appuie sur un corpus divers. Aux archives autobiographiques – correspondances et journauxintimes, recours logique et précieux aux historiens de l’intime–, elle ajoute des documents sans doute plus inédits pour le grand public, notamment des archives médicales: l’auteure va en effet chercher dans les thèses de médecine et les publications médicales des années 1920 et 1930 les manifestations physiques et/ou psychiques des répercussions de la guerre et du deuil. L’inventaire des sources, en fin de volume, est à cet égard un outil extrêmement utile. De la même manière, D. Fouchard interroge le « poids de la guerre » sur la jeunesse en s’attachant aux archives juridiques, judiciaires et associatives consacrées à la délinquance juvénile et à sa prévention; le fonds de la Fondation des apprentis d’Auteuil en est l’exemple le plus efficace, grâce aux dossiers personnels des pupilles que l’historienne a pu consulter. Enfin, l’auteure fait usage de la presse, notamment féminine – avec un genre en plein essor, le courrier des lectrices–, « comme un espace de parole incontournable qui autorise elle aussi une incursion, plus ou moins directe, dans l’intime » (p. 23).

L’enjeu est donc bien d’interroger l’ombre portée de la Grande Guerre sur le long terme: comment, tout au long de l’entre-deux-guerres, les familles ont eu à en supporter le poids, parfois le fardeau, et à le transmettre à la génération suivante. L’ouvrage se découpe en trois parties. La première sert en quelque sorte de passerelle entre le temps de la guerre et celui de l’après-guerre à travers la question du retour des hommes: retour imaginé, fantasmé pendant le conflit, retour concret et parfois décalé à partir de l’armistice. Passage obligé pour faire le lien avec la sortie de guerre, cette première partie est sans doute la moins aboutie, car elle ne constitue pas véritablement le cœur du livre, ni celui des recherches de l’auteure.

La deuxième partie, en revanche, nous plonge pleinement dans le cœur du sujet. Elle interroge de manière concrète les répercussions de la guerre dans la vie quotidienne des hommes, des femmes et des enfants après le conflit. Aménorrhée, alcoolisme – masculin et féminin–, toxicomanie, divorce, délinquance juvénile: autant de manifestations physiologiques et psychiques, autant de comportements largement hérités du temps de la [End Page 277] guerre. Outre...

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