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Reviewed by:
  • Vaincre Louis XIV. Angleterre, Hollande, France, histoire d’une relation triangulaire, 1665-1688 by Charles-Édouard Levillain
  • Bertrand Fonck
Charles-Édouard Levillain Vaincre Louis XIV. Angleterre, Hollande, France, histoire d’une relation triangulaire, 1665-1688 Seyssel, Champ Vallon, 2010, 456 p.

Historien de l’Angleterre de la Restauration et des relations anglo-néerlandaises, Charles-Édouard Levillain s’est imposé comme l’un des meilleurs spécialistes des cultures politiques de l’Europe moderne et du développement d’une opinion publique internationale. Il a choisi de consacrer son premier ouvrage, lauréat du prix Guizot de l’Académie française, à une étude des relations entre la France, l’Angleterre et les Provinces-Unies entre 1665, date du début de la seconde guerre anglo-hollandaise, et la Glorieuse Révolution de 1688. En analysant dans une perspective triangulaire le regard porté sur la politique belliqueuse et l’absolutisme de Louis XIV en Angleterre et en Hollande, de même que les réponses qu’elle suscite, l’auteur dépasse l’étude des relations bilatérales qui constitue le cadre classique de l’histoire diplomatique pour mieux prendre en compte les interactions entre les trois puissances, y compris dans toute la complexité des débats qui traversent alors les sociétés politiques anglaise et néerlandaise.

Avec la mise en relief des enjeux et des effets des conflits en politique intérieure, à un moment où la guerre entre définitivement dans le domaine public, C.-É. Levillain offre un ouvrage fondateur sur la prise en compte des aspects culturels des politiques étrangères et sur l’impact de la circulation des idées et des représentations. Il propose ainsi une vision décentrée des guerres de conquête de Louis XIV et place au cœur de son analyse l’émergence du « roi de guerre sans royaume » qu’est Guillaume III, à la fois dans le cadre proprement hollandais, à travers les résistances internes à son « potentiel absolutiste », et sur la scène internationale, au gré du rapprochement entre les deux puissances maritimes. Vaincre Louis XIV fut la raison de vivre et l’obsession de Guillaume III, au moins autant que l’emporter sur le parti des États et la puissante Amsterdam. L’auteur constate d’ailleurs à quel point ces deux combats, dont la scène publique fut l’un des champs de bataille, sont indissociables, les agressions du roi de France ayant largement contribué à construire le destin politique du prince d’Orange.

L’ouvrage est bâti sur un plan chronologique. La première partie, consacrée à la guerre anglo-hollandaise de 1665-1667, en rappelle les enjeux économiques et juridiques (la question de la souveraineté des mers), et permet de réévaluer l’importance et l’impact de l’intervention française. Dès avant la guerre de Dévolution, Louis XIV passe en effet à l’offensive contre l’évêque de Münster au cours d’une courte guerre qui peut être vue comme une répétition générale des conflits à venir. Le soutien armé qu’il apporte à la Hollande produit une impression de puissance qui encourage la francophobie et divise l’opinion dans les Provinces-Unies, annonçant la guerre de Hollande dans les débats sur le rétablissement du stathoudérat. Outre-Manche, où la guerre réveille aussi un sentiment anti-français plus enraciné, Louis XIV est identifié à un nouveau Cromwell au mode de gouvernement tyrannique. Charles II, « roi de guerre sans armée », louvoie quant à lui en fonction de ses intérêts et de ses maigres res-sources, ce qui contribue à donner à ce conflit aux ramifications déjà mondiales le caractère d’une guerre d’usure. Plus généralement, c’est dès cette période, correspondant à un « temps fort dans l’affirmation de la présence française en Europe du Nord » (p. 127), que l’image d’une France belliqueuse, intrigante et interventionniste commence à s’installer.

Le grand talent de C.-É. Levillain est d’articuler les enjeux diplomatiques et militaires avec les débats institutionnels et l’arrière-plan des luttes religieuses, en recourant à des éclairages institutionnels bienvenus et...

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