In lieu of an abstract, here is a brief excerpt of the content:

Reviewed by:
  • La Rome des Français au temps des Lumières. Capitale de l’antique et carrefour de l’Europe, 1769-1791 by Gilles Montègre
  • Irene Fosi
Gilles Montègre La Rome des Français au temps des Lumières. Capitale de l’antique et carrefour de l’Europe, 1769-1791 Rome, École française de Rome, 2011, x-624 p.

La présence de communautés, de nationes, de personnalités « étrangères » dans la Rome de l’époque moderne a été, ces dernières années, au centre de nombreuses recherches. Le paysage d’une Rome cosmopolite, capitale de la catholicité, s’est enrichi de nouvelles facettes qui ont permis de corriger une image excessivement statique, marquée par la fermeture culturelle qu’imposa la défense de l’orthodoxie et que relaya une inquisition sourcilleuse, dans un contexte qui voyait la papauté exclue du grand jeu politique européen. Les études sur le Grand Tour, sur la redécouverte du classicisme, sur la fascination qu’exercèrent sur les voyageurs du xviiie siècle la cour pontificale et ses fastueuses cérémonies ont ouvert la voie à de nouvelles perspectives de recherche pour comprendre la manière dont les étrangers de passage percevaient et se représentaient la Cité Éternelle. La représentation qui en résultait était ensuite véhiculée dans leurs terres d’origine et réélaborée, moyennant une inévitable standardisation, dans la riche littérature de voyage européenne.

La perspective adoptée par Gilles Montègre est différente et assurément originale : la Rome des Français n’est pas celle des voyageurs, mais celle des Français résidents, établis dans l’Urbs depuis longtemps et, dans bien des cas, totalement intégrés au contexte social, culturel et politique de la cité pontificale. Polymorphe, présentant plusieurs visages, mais aussi caractérisée par une identité « nationale » précise, toujours bien affichée et défendue, cette communauté entrait occasionnellement en contact avec les voyageurs qui arrivaient des régions situées au-delà des Alpes et qui enrichissaient la communauté française « romaine ». Celle-ci exerçait donc une fonction de relais vers la France et l’Europe des événements qui avaient lieu en ville, à la cour et à la Curie pontificale.

Ces échanges ne consistaient cependant pas seulement à communiquer des nouvelles ou à participer activement aux conversations de salons, plutôt fermés aux étrangers, ni à prendre part aux activités des académies, plus ouvertes aux pérégrins. Il s’agissait bel et bien d’un transfert culturel depuis Rome vers la France, et vice versa : une histoire croisée riche de lieux, d’acteurs et de savoirs. La dimension plus spécifiquement politique de ces échanges n’est pas non plus oubliée : des idées républicaines pénétrèrent à Rome grâce aux artistes français, de même que certains membres de la loge maçonnique appelée « Réunion des amis [End Page 1041] sincères de l’Orient de Rome » étaient français.

Issu d’une thèse de doctorat, le livre de G. Montègre en conserve l’ampleur et la prolixité, qui rendent la lecture un peu éprouvante et qui font que les concepts clés, ceux qui fondent la recherche, se perdent quelque peu dans une myriade d’exemples, de situations, de personnages. La première partie identifie les espaces et les lieux dans lesquels se concrétise la participation des Français à la vie culturelle romaine. Émergent en particulier les salons, les académies, la librairie française de Bouchard et Gravier, la banque d’Étienne Moutte. La deuxième est plus particulièrement consacrée à la circulation et au partage des « savoirs ». L’observatoire privilégié de ces phénomènes est la cour du cardinal François de Bernis – le vrai protagoniste du livre. Ambassadeur de France à Rome de 1760 à 1791, il fut un médiateur non seulement politique – il joua un rôle fondamental dans le difficile tournant qui conduisit à la suppression de la Compagnie de Jésus (1773) – mais aussi culturel, ainsi que le montrent les...

pdf

Share