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Reviewed by:
  • Indispensable Immigrants: The Wine Porters of Northern Italy and Their Saint, 1200-1800 by Lester K. Little
  • Eleonora Canepari
Lester K. Little Indispensable Immigrants: The Wine Porters of Northern Italy and Their Saint, 1200-1800 Manchester, Manchester University Press, 2015, x-229 p.

L’ouvrage de Lester Little s’intéresse aux porteurs de vin du Nord de l’Italie (brentadori), ainsi qu’à Sant’Alberto, le saint patron de cette communauté de travailleurs migrants. Saint Alberto, qui vit au xiiie siècle, émigre des montagnes de la région de Bergame pour travailler comme porteur de vin dans la ville de Crémone. Ce faisant, Alberto parcourt un chemin, géographique et professionnel, bien connu des habitants des montagnes, les migrants « à usage d’autrui », selon la définition de Fernand Braudel.

Dans son introduction, L. Little pose deux questions qui servent de fil directeur problématique : comment un homme issu des couches les plus démunies a-t-il pu devenir l’objet d’un culte qui dura pendant cinq siècles ? Comment, au cours de la même période, les travailleurs émigrés en ville ont-ils réussi à établir des solidarités, à défendre leurs intérêts et à « garder le respect d’eux-mêmes » (p. 8). Selon l’auteur, la réponse à ces deux questions peut se résumer en un seul mot-clé : « la sainteté » (sainthood) (p. 8).

On remarque assez rapidement que le véritable objet de l’ouvrage n’est pas les porteurs de vin, mais plutôt saint Alberto. L. Little est un spécialiste d’histoire religieuse et, en effet, cette dimension prime nettement sur l’histoire [End Page 1030] des brentadori, tandis que le titre choisi laisse croire le contraire. À l’histoire du culte de ce saint est consacrée une reconstruction qui sert de fil rouge aux différents chapitres, et qui semble être en définitive le centre d’intérêt de l’auteur.

Tout au long de cette reconstruction, L. Little met en évidence la particularité de ce culte. Ainsi, alors que la plupart des saints canonisés en Europe occidentale entre le ixe et le xiie siècle étaient membres des élites (familles royales, noblesse, religieux de haut rang), saint Alberto est un humble personnage, issu des milieux populaires. C’est grâce aux fragments de biographie qui nous restent que l’auteur est à même de l’identifier comme un homme originaire du village de Villa d’Ogna, situé à 33 km de Bergame, qui a travaillé comme porteur de vin à Crémone, où il a émigré et où il meurt en 1279. L’autre information disponible est relative au lieu de résidence d’Alberto, là où ses funérailles sont célébrées, à savoir la paroisse de San Mattia, située au cœur de la Città Nuova, un quartier pauvre de la ville de Crémone. Ainsi, malgré les tentatives de certains auteurs d’« anoblir » Alberto en le décrivant comme un homme issu d’un milieu aisé, L. Little précise qu’Alberto était l’un des nombreux porteurs de vin de Crémone, et qu’il n’était ni un travailleur occasionnel, ni un homme riche ayant les moyens de partir pendant des mois en Espagne, Italie et Palestine ou d’héberger des pèlerins et des mendiants dans sa maison.

L’autre particularité du culte de saint Alberto est qu’il a été entièrement créé et promu, dans un réseau de villages et de petites villes de l’Italie du Nord, par les brentadori, tandis que le rôle des hiérarchies ecclésiastiques se limite à sa diffusion dans les principaux centres urbains. De ce fait, comme l’auteur le souligne, la suppression de la corporation des porteurs de vin, à la fin du xviiie siècle, coïncide avec le déclin du culte de saint Alberto, qui est rapidement oublié et dont les restes sont ramenés dans son village d’origine en 1903.

Grâce à la reconstruction historique du culte de saint Alberto, l’auteur parvient efficacement à répondre à la première question posée dans...

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