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Reviewed by:
  • Cultures temporaires et féodalité. Les rotations culturales et l’appropriation du sol dans l’Europe médiévale et moderne dir. by Roland Viader and Christine Rendu
  • Aline Durand
Roland Viader et Christine Rendu (dir.) Cultures temporaires et féodalité. Les rotations culturales et l’appropriation du sol dans l’Europe médiévale et moderne Toulouse, Presses universitaires du Mirail, 2014, 282 p.

En consacrant les XXXIVe journées internationales d’histoire de Flaran, dont est issu cet ouvrage, aux cultures temporaires, Roland Viader et Christine Rendu ont fait un choix courageux et ambitieux. Courageux parce qu’il s’agit de réhabiliter des pratiques qui, quand elles ne sont pas tout simplement passées sous silence ou niées, sont généralement décriées par les historiens, les géographes, les agronomes, les écologues, les pédologues, les sédimentologues et les autres spécialistes du monde des campagnes. Ambitieux parce qu’il s’agit d’écrire l’histoire de l’invisible, de l’itinérance, du fugace, de l’instabilité, bref l’histoire de pratiques qui, parce qu’elles sont non permanentes, non régulières, ne s’inscrivent ni dans l’espace ni dans le temps. Malgré les études pionnières d’Ester Boserup ou François Sigaut sur la question1, l’historiographie, quand elle existe – ce qui n’est pas le cas en Italie comme le rappelle Sandro Carocci –, les a considérées au mieux comme marginales ou hors normes et ne leur accorde que quelques lignes dans les synthèses d’histoire et d’archéologie. Bien plus, ainsi que le remarquent R. Viader ou Giulia Beltrametti et ses coauteurs, elle les néglige sciemment, comme l’a fait Emilio Sereni2.

Soulignée dès l’introduction, l’une des raisons avancées à cet état de fait, que l’on retrouve dans les onze contributions de l’ouvrage, est la réelle difficulté à débusquer l’enregistrement des cultures temporaires dans les sources non textuelles comme textuelles, notamment celles qui sont antérieures au xiiie siècle (Nicolas Schroeder). Parce qu’elles ne produisent pas régulièrement, les inventaires et les sources fiscales les ignorent et, lorsqu’elles les mentionnent, ce sont des cas exceptionnels (Juan José Larrea).

Ces traces existent, mais elles sont ténues, presque imperceptibles. L’historien doit prêter attention au singulier, au vocabulaire, en cerner le sens, convoquer nombre de sources dont la documentation juridique – qui en traite indirectement au travers des conflits et des amendes, ce sur quoi insistent J. J. Larrea et N. Schroeder, ou de l’appropriation postérieure. L’archéologue se heurte, selon Nicolas Poirier et C. Rendu, à la trop grande imprécision de la datation des vestiges archéologiques, aux raisonnements déductifs et à la difficulté d’interpréter les vestiges matériels car ils sont insuffisamment discriminants dans cette perspective. Quant au géographe, G. Beltrametti et ses coauteurs précisent qu’il doit travailler sans géométrie spatiale. Tous doivent traquer les indices, relire les sources autrement, chercher les associations qui font sens et, souvent, combiner plusieurs approches comme l’ont fait Annie Antoine, G. Beltrametti et ses coauteurs, Aurélie Reinbolt et C. Rendu.

Cette fugacité est aussi un atout : la plasticité de ces systèmes est une formidable réponse à la conjoncture démographique ou économique. Pour Jean-Pierre Devroey, elle accompagne dès le haut Moyen Âge les processus d’expansion agraire et constitue ainsi, d’après Pegerto Saavedra et Marc Conesa, une variable d’ajustement en période de crise ou de pression démographique. Certes, les cultures temporaires peuvent être synonymes de défrichements souvent consécutifs à un incendie maîtrisé, donc de fronts pionniers, mais elles ne doivent pas être réduites à ce seul aspect, au demeurant restreint : elles sont véritablement partie prenante de l’économie des campagnes, soit qu’elles offrent une vraie complémentarité organique aux cultures permanentes, mise en avant par Audrey Beaudoin en Europe du Nord et M. Conesa en Cerdagne, soit que l’organisation de la production ne repose presque que sur elles, comme dans les...

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