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Reviewed by:
  • Anthologie québécoise 1977–2000 by Françoise Collin
  • S. Pascale Dewey
Collin, Françoise. Anthologie québécoise 1977–2000. Montréal: Éditions du remue-ménage, 2014. isbn 9782890914780. 267 p.

Marie-Blanche Tahon préside ce recueil et l’ouvre sur une préface intitulée, dans l’esprit de Françoise Collin: “Il n’y a pas de libération sans liberté,” le clôturant de notes biographiques (163–66). Tahon rend hommage à l’action déterminante de celle qui fut son amie et mentor, Françoise Collin (1928–2012). Elle met aussi en exergue la pensée lucide et rigoureuse de celle qui fut son maître à penser en dressant le bilan de cette philosophe du politique et de cette féministe incomparable [End Page 206] dans l’épreuve que traversent actuellement les féminismes québécois. Cette nouvelle anthologie rassemble donc une sélection de vingt textes issus d’entrevues et de colloques auxquels Collin a participé au Québec de la fin des années 70 aux années 90. Les textes retenus répondent à des invitations ponctuelles autour de la philosophie, de la littérature et du féminisme.

Collin, écrivaine wallonne franco-belge, féministe laïque, romancière, essayiste, éditrice, philosophe passionnée de littérature québécoise, fut aussi—ce que cette anthologie tient à souligner—poète et critique. Elle demeure toutefois pionnière par son engagement indéfectible pour la cause des femmes, par-delà les frontières. Ses premières publications étant littéraires, l’on retrouve dans ses premiers romans des échos du nouveau roman: Le Jour fabuleux (1960) et Rose qui peut (1962). Si sa carrière ne fut guère rectiligne, son engagement féministe ne fléchit jamais. À son retour des États-Unis en 1973 elle avait cofondé, à Bruxelles, la première revue francophone féministe, Les Cahiers du Grif (Groupe de Recherches et d’Informations Féministes). Dans cette nouvelle entreprise, il s’agissait de créer un espace pour que la pensée soit portée par chacune et toutes les femmes, en donnant la parole à celles qui ne l’avaient jamais eue. Son succès éclatant se poursuivit cinq ans pendant lesquels chaque numéro abordait des thèmes chers aux créatrices: le travail, y compris domestique, la politique, le corps, le langage, la création, la sexualité y compris l’homosexualité, les violences, la maturité, thèmes qui donnaient lieu à des débats publics très animés avant la parution de chaque numéro. Pour Collin et ses collaboratrices, il fallait assumer deux enjeux majeurs: la transformation des rapports entre les sexes et celle du régime de la génération et de la filiation, soit la question du lien social entre femmes et celle de leur statut de sujet. En 1981, Collin relança à Paris une deuxième série de ces Cahiers pour lesquels Véronique Degraef, bien avant Internet, lança Grace, une banque de données de recherches féministes européennes. C’est à la même époque que Collin, infatigable, cofonde l’université des femmes à Bruxelles, partageant son temps entre Paris et la capitale belge pour organiser séminaires et conférences. Dès 1971, elle avait publié Maurice Blanchot et la question de l’écriture chez Gallimard (réédition Tel, 1986). C’est ce philosophe, souvent cité mais peu commenté avant elle, qu’elle avait choisi pour sa thèse de doctorat en philosophie à l’Université catholique de Louvain. Comme lui, elle s’interrogeait sur le décalage entre parole et écriture puisque l’écrit permet de dire après le dit et que ce décalage met en évidence une écriture décentrée. Elle se retrouva à New York lors des élections présidentielles de Richard Nixon et rédigea 331 w20, Élection du président (1975) pour rendre compte de sa rencontre avec la ville dans cette conjoncture. La multitude de voix qui l’assaillaient provoquèrent sa réflexion sur l’écriture critique, l’écriture de création et sur celle résultant de son engagement féministe soit trois registres...

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