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  • L’angoisse cosmopolite. La citoyenneté et l’appartenance remises en question par les Turcs d’Allemagne par Ruth Mandel
  • Anke Patzelt and Jessica Anne Déry
Mandel, Ruth, L’angoisse cosmopolite. La citoyenneté et l’appartenance remises en question par les Turcs d’Allemagne, Québec : Presses de l’Université Laval, 2014, 414 pages.

L’Allemagne a pendant longtemps nié être une « société d’immigration », ce qui a eu une profonde influence sur la perception qui s’y est forgée autour des travailleurs immigrés venus des pays du sud de l’Europe, et principalement de la Turquie, durant les années 1960 et 1970. Effectivement, plutôt que d’être considérés comme des immigrants qui devaient être intégrés de manière permanente dans la société, ces derniers ont été perçus comme des Gastarbeiter – soit des travailleurs invités–, séjournant au pays sur une base temporaire avant de repartir à la fin de leurs contrats de travail (p. 61). Or, ces travailleurs invités et leurs familles vivent encore en Allemagne aujourd’hui. Les « invités » sont devenus des résidents permanents et parfois des citoyens qui façonnent de plus en plus la vie sociale, économique et politique en Allemagne. Cela est particulièrement évident pour les personnes d’origine turque qui forment la majorité de la population dite « étrangère » sur le territoire allemand et qui sont au centre du livre de Ruth Mandel intitulé L’angoisse cosmopolite.

S’appuyant sur plus de vingt années de recherche sur le terrain, menées principalement à Berlin et en Turquie, le livre de Mandel présente un travail ethnographique perspicace et nuancé sur les questions de citoyenneté, d’ethnicité et d’appartenance à la société allemande de la population germano-turque. À l’aide de nombreux exemples tirés de la vie diasporique « turque » berlinoise, l’auteure offre au lecteur un ouvrage singulièrement riche en données ethnographiques qui questionne le cosmopolitisme allemand tout en dessinant les contours et les enjeux du transnationalisme. Mandel explore les luttes d’identification et d’appartenance parmi les immigrés turcs, qui ne semblent ni appartenir à l’Allemagne, où ils sont perçus comme des Ausländer – des étrangers–, ni à la Turquie, où ils sont considérés comme des Almanyali – des Allemands (p. 176). En examinant les processus de l’identification de soi et de l’autre, elle analyse la manière dont la législation allemande et la compréhension des concepts de nation/communauté allemande ont influencé la façon dont les immigrés turcs sont perçus et se perçoivent en Allemagne, d’une part, et d’autre part, la façon dont l’attachement à leur patrie influence aussi ces perceptions.

Dans son ouvrage, Mandel situe d’abord son sujet en présentant une analyse de la représentation sociale de la communauté turque par le peuple allemand. Les membres de cette communauté sont fréquemment perçus comme un « Autre », culturellement uniforme, qui par ses valeurs et ses pratiques quotidiennes ne peut pas et ne veut pas s’intégrer à la société, constituant de ce fait une menace pour l’intégrité sociale et justifiant du même coup des politiques d’immigration restrictives. Le lecteur peut ainsi saisir les subtilités des mécanismes par lesquels sont exclus les migrants turcs et leurs descendants de la société allemande. Plus précisément, l’auteure fait valoir que l’exclusion et la soi-disante non-intégrabilité de ce groupe s’expliquent par la manière historique de voir et de construire l’identité allemande, laquelle se base sur une compréhension commune d’une culture, d’une langue et de traditions partagées (p. 225-227). L’entrée dans cette communauté repose sur l’appartenance par le sang et ne peut donc être accomplie que par la naissance (p. 209). Cela est démontré par deux points. Premièrement, dans les lois et les législations sur la citoyenneté allemande qui sont traditionnellement fondées sur l’idée du jus sanguinis – droit du sang–, ce qui signifie que la citoyenneté est transmise de...

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