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Reviewed by:
  • The Physiocrats and the World of the Enlightenment by Liana Vardi
  • Loïc Charles
Liana Vardi The Physiocrats and the World of the Enlightenment Cambridge, Cambridge University Press, 2012, viii-315 p.

Liana Vardi livre ici un ouvrage important. Comme elle le note dans son introduction, les études physiocratiques sont en plein renouveau depuis une quinzaine d’années. Toutefois, ce renouveau, sous l’impulsion d’une part de l’histoire culturelle et politique des Lumières et de la Révolution française, et d’autre part des historiens de la pensée sociale – qu’ils soient philosophes comme Michel Foucault, sociologues comme Philippe Steiner ou économistes comme l’auteur de ces lignes–, n’avait pas débouché sur un ouvrage de synthèse prenant en compte ces avancées historiographiques. C’est là tout l’intérêt du livre de L. Vardi. De ce fait, il échappe à toute catégorisation simple, puisqu’il emprunte aux travaux des spécialistes de l’histoire de la pensée tout en proposant d’interpréter le mouvement physiocratique dans la perspective de l’histoire générale des Lumières et des origines de la Révolution française.

L’ouvrage est construit sur la conviction que la nature du mouvement physiocratique s’appréhende à partir de la pensée et des conceptions scientifiques de son fondateur, François Quesnay. L’argument développé par l’auteure est que la complexité et la singularité, pour ne pas dire la bizarrerie, de la doctrine physiocratique nécessite à la fois d’élucider ses fondements épistémologiques et philosophiques et de rendre compte des évolutions que lui font subir ses principaux disciples et porte-parole, en l’occurrence Victor Riqueti, marquis de Mirabeau, et Pierre-Samuel Du Pont de Nemours. Il en découle une structure en trois parties et huit chapitres, deux chapitres étant consacrés au docteur et trois à chacun de ses deux disciples.

Le premier chapitre s’attache à fournir des détails biographiques sur la vie de Quesnay, insistant notamment sur les périodes de sa formation et de sa vie à la cour. Si la seconde est aujourd’hui bien connue grâce à des travaux récents, l’étude de la première confirme l’importance prise par la culture visuelle dans l’apprentissage de Quesnay auprès du graveur de l’Académie des sciences au cours des années 1710. Le deuxième chapitre développe cet aspect en s’attachant à reconstituer l’épistémologie scientifique de Quesnay autant dans ses écrits médicaux, qui s’échelonnent de 1730 au début des années 1750, que dans ses écrits économiques, à partir du milieu des années 1750. L. Vardi montre notamment le rôle central joué par Le tableau économique (1758), véritable création visuelle, qui incarne pour elle la conviction de Quesnay selon laquelle le visuel doit primer sur l’écrit, source d’imperfection et d’incompréhension.

Les trois chapitres suivants sont consacrés à Mirabeau, principal disciple de Quesnay et chef autoproclamé de l’école physiocratique qu’il a largement contribué à fonder. Si les années de formation du jeune Quesnay étaient marquées par la volonté de domestiquer la connaissance par une raison toute puissante et infaillible, celles de Mirabeau sont rythmées [End Page 788] par les élans de la passion : pour la gloire tout d’abord lorsqu’il rentre dans l’armée, pour la morale ensuite sous l’influence de son ami Luc de Clapiers Vauvenargues, militaire et provençal comme lui, pour les lettres enfin, guidé par les succès de ce dernier et de Jean-Jacques Lefranc de Pompignan.

La publication du Mémoire concernant l’utilité des états provinciaux en 1750 offre à Mirabeau la possibilité d’allier la littérature à la morale politique, le tout au service de ses deux patries, la France et la Provence. Dès lors, il a trouvé sa vocation, d’autant que son ouvrage suivant, L’ami des hommes, qui paraît au début de 1757, connaît un succès exceptionnel. À la suite de sa rencontre avec Quesnay, il embrasse sa doctrine avec une ferveur étonnante. Abandonnant le...

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