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  • L’histoire, entre enseignement et recherche
  • Étienne Anheim and Bénédicte Girault

Les liens entre l’enseignement de l’histoire au collège et au lycée et la recherche historique telle qu’elle se mène dans les laboratoires des universités, des écoles et du Cnrs semblent souvent ténus. Quand ces liens sont évoqués, ils sont aisément réduits à la question de la mise à jour des programmes scolaires, à l’invocation, souvent non dénuée d’arrière-pensées politiques, de l’unité d’un corps enseignant pourtant traversé par les différences et les inégalités ou, au contraire, à la dénonciation d’un objectif idéaliste, voire démagogique et dénué de sens. Il peut paraître singulier de consacrer à cette question un dossier dans le cadre d’une revue scientifique internationale1. Ce choix a été l’occasion d’un débat contradictoire au sein du comité de rédaction des Annales, d’autant que ce dossier revêt un caractère particulier, puisqu’il s’appuie sur des expériences de terrain et donne la parole principalement à des acteurs de l’enseignement secondaire ou de la formation des enseignants, plutôt qu’à des chercheurs en sciences sociales spécialisés dans l’étude de ces objets.

Ce qui relève à certains égards d’une forme d’intervention s’explique cependant par une transformation majeure dont l’université française est actuellement le théâtre et qui devrait concerner l’ensemble des acteurs de la chaîne de production et de transmission du savoir historique, dans les collèges et les lycées aussi bien que dans l’enseignement supérieur. Depuis 2009 s’est en effet déroulé un nouvel épisode de la réforme de la formation des enseignants, qui s’est achevé en 2013 avec la création des écoles supérieures du professorat et de l’éducation (espe). [End Page 141] Il s’inscrit dans un mouvement de plus longue durée, qui remonte au moins à la fin des années 1980, c’est-à-dire à la création des instituts universitaires de formation des maîtres (iufm) et à leur intégration progressive dans le paysage et les institutions de l’enseignement supérieur français, au cours des années 1990 et 2000. Parce que les universitaires sont institutionnellement mis en demeure de prendre position, jamais la question de leur positionnement dans la formation des enseignants ne s’est posée avec une telle acuité.

Une nouvelle fois, mais dans un contexte spécifique d’austérité qui n’a pas été sans influencer certains choix dont l’inspiration a été plus comptable qu’intellectuelle, la question de l’équilibre entre compétences disciplinaires et compétences pédagogiques dans la formation et le métier d’enseignant en histoire est revenue sur le devant de la scène, accompagnée des simplifications inhérentes à cette opposition réductrice. La réforme alimente un débat public entamé depuis la fin des années 1970, portant sur les méthodes mais surtout sur les programmes scolaires de l’enseignement secondaire en général. Ce débat prend souvent, dans le domaine de l’histoire, un tour passionné et vient régulièrement agiter non seulement les professionnels, mais aussi le personnel politique, les médias et toute une série d’acteurs collectifs, associations ou sociétés savantes diverses. On voit parfois dans cette situation une spécificité française du rapport de l’école – et plus largement de la société – à l’histoire, comme passé et comme discipline.

Le problème se pose pourtant dans bien d’autres pays en des termes souvent comparables, comme le montrent les débats de la dernière décennie, de l’Italie jusqu’à l’Inde, ou les contributions sur l’Allemagne, l’Angleterre et les Pays-Bas réunies en 2013 dans le dossier de la revue Le Débat sur l’enseignement de l’histoire2. Cette conscience de la dimension internationale du problème est d’autant plus forte que la mobilité nouvelle, depuis deux décennies, des élèves, des...

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