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Reviewed by:
  • L’Homme trace. Perspectives anthropologiques des traces contemporaines dir. by Béatrice Galinon-Mélénec
  • Philippe Boissinot
Béatrice Galinon-Mélénec (dir.) L’Homme trace. Perspectives anthropologiques des traces contemporaines Paris, Cnrs Éditions, 2011, 410 p.

Quiconque s’est livré à la publication des séances d’un séminaire doit se rendre à l’évidence : les attendus n’y sont pas toujours respectés ou sont parfois introduits de manière artificielle. Ce recueil n’échappe pas à ces imperfections malgré un plan bien charpenté en trois « livres » : « Questions de langage », « Le corps comme entour sémiotique » et « L’intentionnalité de la marque » (précédés d’un liminaire, d’arguments et de prolégomènes bienvenus, auxquels s’ajoutent deux index fort utiles). Cet écueil était d’autant plus prévisible que le champ disciplinaire étudié est large, variant entre la géographie, la sociologie, la psychologie, la linguistique, l’anthropologie et, au premier chef, les sciences de l’information et de la communication. Pour gagner en cohérence, Béatrice Galinon-Mélénec, signant pas moins de six contributions sur dix-huit, s’est particulièrement investie dans la formulation des questions théoriques, avec une dette revendiquée envers les travaux de Jacques Derrida, mais également à travers des exemples concrets : la médiatisation de la conquête de l’espace ou le diagnostic médical. Les indices de circulation entre certaines contributions existent çà et là, ainsi qu’une communauté partagée de [End Page 543] références : Charles Sanders Peirce, Michel Foucault, Roland Barthes, Paul Ricœur, Carlo Ginzburg, assez attendus pour cette problématique, et même Pierre Bourdieu, qui voit son habitus revisité.

Le point de départ affiché est l’inquiétude suscitée par l’utilisation des traces laissées par les internautes sur internet, traces d’une vie sociale, de pensées, d’actions ou simplement d’un passage, toutes potentiellement objet d’une surveillance – préoccupation d’autant plus légitime qu’elle vient d’être illustrée par de récentes révélations médiatiques (Wiki-leaks). Cette traçabilité est également en question dans l’usage des téléphones portables ou vis-à-vis des sans-papiers, et se voit déclinée dans trois contributions, l’une à propos des réseaux sociaux de type Facebook (Fabienne Martin-Juchat et Julien Pierre), la deuxième concernant la pratique du happy slapping, une farce destinée à être filmée par les téléphones portables (Christian Papilloud), et la troisième sur le rôle de l’intrus dans le cadre normatif des institutions (Gino Gramaccia).

Traces et traçabilité, mais aussi indices, symptômes, empreintes, tracés, inscriptions et marques, voilà le champ sémantique que l’ensemble des auteurs tentent de clarifier et d’exemplifier dans cet ouvrage, afin de contribuer à une sémiotique renouvelée qui, selon les mots de l’éditrice, est ouvertement inspirée par les travaux de C. Ginzburg. L’ouvrage essaie de dégager « un nouveau paradigme » et de questionner un fait anthropologique devenu chaque jour plus sensible, au gré des innovations techniques : l’incapacité de l’homme « à ne pas produire des traces de son passage, de ses pensées, de ses actions » (p. 369). Ces propos rappellent inévitablement ceux de Paul Watzlawick, l’un des chefs de file de la « nouvelle communication », qui affirmait, en 1972, que l’on ne pouvait pas ne pas avoir de comportement, que l’on ne pouvait pas ne pas communiquer. En effet, selon B. Galinon-Mélénec, qui s’était déjà intéressée aux relations homme-animal1, le projet de L’Homme trace est véritablement anthropologique dans la mesure où ses traces sont investies selon une vision élargie dans l’espace et dans le temps, avec une plus grande capacité d’abstraction et de connaissance, d’une façon et d’une intensité que l’animal n’atteint jamais. Il relève de la communication, en étudiant la façon dont « l’Homme est relié à l’Homme par des traces, extérieures à lui-même ou non », pouvant éventuellement être inscrites dans...

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