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  • Je me souviens ? Le passé du Québec dans la conscience de sa jeunesse by Jocelyn Létourneau
  • Sonia Dussault
Je me souviens ? Le passé du Québec dans la conscience de sa jeunesse. Jocelyn Létourneau. Anjou, QC: Fides, 2014. 258pp., 19,95 $ papier

Dans cette étude spécialisée, Jocelyn Létourneau, historien réputé et titulaire de la Chaire de recherche du Canada en histoire et économie politique du Québec contemporain, cherche à accéder à la conscience historique des jeunes québécois. Audacieuse, sa recherche repose sur sa conviction que ceux-ci, « malgré leurs carences en matière de connaissances historiques, se font une idée assez forte de ce que fut le passé du Québec » (10). Bien que les résultats de son analyse soient fascinants, la force essentielle de cette recherche provient de la démarche simple et porteuse de l’auteur qui transcende le caractère inachevé des sources sur lesquelles elle s’appuie. On peut penser que la contribution de cet ouvrage, sans véritable équivalent dans l’historiographie jusqu’ici, sera tout particulièrement appréciée d’un public érudit s’intéressant aux rapports entre mémoire, histoire et identité.

L’analyse se base sur un corpus de 3 423 phrases amassées au terme d’une enquête panquébécoise menée, de 2003 à 2013, auprès de jeunes de la 4e secondaire à l’université. Au cours de cette enquête, l’historien leur a demandé : « Si vous aviez à résumer, en une phrase ou une formule, l’aventure historique québécoise, qu’écririez-vous personnellement? ». Après avoir présenté, avec force de détails, sa méthodologie et l’éventail des énoncés obtenus, l’auteur adopte une démonstration thématique qui repose sur une analyse qualitative et quantitative nuancée des locutions. Même si la classification initiale [End Page 323] des formules peutêtre critiquée, les efforts d’objectivation du chercheur méritent, quant à eux, d’être soulignés. Au terme de l’examen, il en ressort que la vision malheureuse, tragique ou mélancolique du passé québécois domine les représentations mentales des jeunes québécois (100). Mentionnons que le chapitre traitant de l’impact du cours Histoire et éducation à la citoyenneté (HEC), implanté en 2007, suscite maints questionnements quant aux espoirs et aux limites de telles réformes pédagogiques.

La force principale de l’ouvrage réside sans conteste dans la sélection d’une méthode simple et porteuse. Son unicité se manifeste d’abord par le souci de l’auteur de susciter une réflexion subjective et volontaire sur l’expérience québécoise. En 2003, grâce au concours de nombreux enseignants et professeurs, il entreprend « d’interroger » leurs apprenants : « Racontez-moi l’histoire du Québec comme vous la connaissez, depuis le début ». L’historien amasse ainsi, jusqu’en 2013, près de cinq mille récits. Une fois cet exercice de synthèse complété, 76 % des jeunes ont résumé, en une phrase, l’aventure historique québécoise. La nature ouverte des sources écrites ainsi recueillies, créées à l’initiative d’un historien, distingue cette recherche des précédentes. C’est également dans la « cartographie des visions du passé » que réside l’originalité de l’approche. Conscient que son classement des énoncés selon cinq rubriques sera probablement contesté, le chercheur rend accessible, en ligne, l’entièreté du corpus (www.tonhistoir-eduquebec.ca) afin que le lecteur puisse éprouver sa classification ou en créer de nouvelles. Plus qu’un simple lieu de diffusion, le site transforme la collection d’énoncés en source « vivante », offrant au visiteur la possibilité d’y ajouter sa propre phrase ou formule.

L’intérêt de ce livre vient également des constats tirés de ces sources. L’analyse révèle tout d’abord que « le récit tragique du passé québécois est en effet celui qui prédomine dans l’espace public » (100). Le « paradigme de la pensée historique », au coeur du cours HEC, n’a...

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