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Reviewed by:
  • Paroles et silences chez Marie-Célie Agnant. L’Oublieuse Mémoire d’Haïti
  • Eloise A. Brière and Vincent O’Leary
Boucher, Collette et Thomas C. Spear, coords. Paroles et silences chez Marie-Célie Agnant. L’Oublieuse Mémoire d’Haïti. Paris: Karthala, 2013. isbn 978281109547. 204p.

Depuis la fin des années 1990, l’œuvre de Marie-Célie Agnant est le sujet de mémoires de maîtrise, thèses de doctorat, d’interviews, ainsi que d’un nombre grandissant d’articles; il manquait à ces études un volume consacré à l’écrivaine haïtienne-québécoise. Publié dans la collection Études littéraires chez Karthala et coordonné par Collette Boucher, chargée de cours à l’Université Laval, et Thomas C. Spear de Lehman College et du Graduate Center de cuny, ce volume réunit douze essais d’universitaires d’Amérique, d’Europe et de l’île Maurice; comme l’indique le titre, le fil conducteur de ces travaux se situe entre la prise de parole et son contraire: la parole refoulée suite aux traumatismes particuliers à Haïti, qu’il s’agisse de l’esclavage et de ses suites ou de ceux infligés par le régime Duvalier. Les essais de ce volume ont l’avantage d’offrir de multiples éclairages sur le corpus et les problématiques liés à la mémoire occultée et à sa difficile transmission, tout en démontrant l’intérêt que suscitent les œuvres de cette auteure diasporique, féministe et engagée.

Maintes analyses offrent une perspective globale de l’œuvre telle que celle de Beatriz Calvo Martin qui se penche sur les aspects de la langue, des premiers poèmes publiés en 1994 (Balafres) au dernier roman (Un Alligator nommé Rosa 2011). Elle démontre la cohérence sémantique de l’œuvre en y appliquant une grille de lecture composée d’éléments récurrents marquant une progression qui va du traumatisme refoulé à son expression écrite. Deux essais, l’un de Collette Boucher et l’autre de Kumari Issur, examinent les trois volumes de l’œuvre romanesque: La Dot de Sara (1995), Le Livre d’Emma (2001) et Un Alligator nommé Rosa (2011) et en particulier les mécanismes qui libèrent les protagonistes face à la parole refoulée (Boucher) et à la mémoire étouffée (Issur). Les deux auteures établissent un contraste entre la transmission libre de la parole-mémoire dans La Dot de Sara et son refoulement dans Le Livre d’Emma. Pour Issur, l’esclavage des origines et le rejet universitaire contemporain constituent le double viol d’Emma, ainsi enfermée dans un huis clos infernal qui ne lui laisse aucune autre option que le meurtre et le suicide. Quant à la problématique inhérente à l’écriture de la parole refoulée, Boucher examine la stratégie de l’expression d’Agnant à travers le personnage récipiendaire dans ces deux romans. Pour ce qui concerne le troisième roman, Un Alligator nommé Rosa, les deux auteures analysent la relation entre victimes et tortionnaire à travers la difficile récupération de la mémoire (Issur) et de la parole (Boucher) de Rosa, bourreau au service du régime Duvalier, mais qui doit faire face à ses victimes Antoine et Laura en France où elle a pris la fuite. L’essai de Françoise Naudillon, qui situe la poésie [End Page 239] d’Agnant dans le sillage de la poésie féminine haïtienne, met en lumière de multiples indices autobiographiques et gynocentriques doublés d’une conscience historique et politique (Balafres). Dans Et puis parfois quelquefois . . . (2009), Naudillon souligne le contenu plus philosophique, coloré par le renoncement à l’amour, qui caractérise le recueil, œuvre de maturité.

Deux articles, consacrés au Livre d’Emma (Serrano et West), abordent les personnages d’Emma et Flore à travers des analyses psychosociales. Lucienne Serrano examine l’inconscient d’Emma afin d’éclairer sa lutte avec le double non-être imposé par le passé (esclavage) et le présent (thèse refusée) qui aboutit à l’infanticide, ainsi que la parole qu’elle transmet à Flore, seules voies...

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