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Reviewed by:
  • L’invention de Dieu by Thomas Römer
  • Bernhard Lang
Thomas Römer L’invention de Dieu Paris, Éd. du Seuil, 2014, 340 p.

L’invention de Dieu n’est pas un livre sur les origines de la religion humaine, origines qui se perdent dans la préhistoire de l’humanité. Le dieu dont l’auteur recherche l’invention est celui de la Bible - le Dieu Yahvé ou Yahou, qui, lors de son histoire, est devenu Dieu tout court. Pour comprendre cette « invention », il faut prendre en compte les grandes lignes de l’histoire du peuple biblique.

L’histoire d’Israël à l’époque biblique est marquée par deux grandes crises politiques et culturelles au Proche-Orient. L’une, aux alentours de 1200 av. notre ère, consiste en la dissolution des grands empires de l’âge du Bronze, suivie de l’émergence de nouveaux regroupements politiques et culturels tels que l’empire néo-assyrien et la monarchie de l’ancien Israël. L’autre crise, qui s’annonce vers la fin du VIIIe siècle av. notre ère et culmine au VIe siècle, mène à la disparition d’Israël comme État monarchique, à la dispersion des juifs dans les mondes babylonien, égyptien et méditerranéen, ainsi qu’à la survie d’un groupe d’habitants juifs en Palestine, formant une communauté religieuse fondée sur un culte sacerdotal et des livres sacrés. Cette crise, qui est liée à la dernière floraison de l’empire néobabylonien et à l’émergence de l’empire perse, a vu également la métamorphose de l’ancienne culture religieuse et littéraire en plusieurs formes primitives du judaïsme ancien.

Les détails de l’histoire culturelle du peuple hébreu restent complexes et discutés parmi les historiens. La grande majorité des spécialistes s’accorde sur l’existence d’une identité religieuse israélite qui a dû émerger dans une situation historique précise, voire à un moment de fondation. Mais cette identité, dans quelle situation s’est-elle constituée? D’un côté, on peut considérer que c’est la situation des origines - l’ethnogenèse du XIIe siècle, avec l’exode d’Égypte et l’invention d’un système tribal - qui a donné naissance à la religion de l’Ancien Testament. D’un autre côté, la monarchie, qui prend forme au IXe siècle, avec ses scribes et ses prophètes, marque sûrement l’étape décisive dans le développement de la culture et de la religion bibliques. Ces deux réponses, parfois intégrées dans un système complexe, étaient à la base des manuels de l’histoire biblique utilisés dans l’instruction de tous les spécialistes de la génération de Thomas Römer.

Mais à partir des années 1970, ces deux réponses se sont révélées insuffisantes pour nombre de chercheurs, et l’on a alors parlé d’une « crise » des études bibliques. Il fallut attendre une vingtaine d’années pour qu’apparaisse une nouvelle explication qui emporta majoritairement l’adhésion et T. Römer en a été l’un des premiers défenseurs : ce n’est pas avant l’époque tardive, post-monarchique et diasporique que se serait formée l’identité religieuse du groupe à qui l’on doit la Bible hébraïque. Dans cet ouvrage, T. Römer offre ainsi la synthèse de ses recherches à un public spécialisé en études bibliques et en histoire des religions anciennes.

La religion la plus primitive, dont on peut discerner des « traces de mémoire » dans les sources bibliques, est polythéiste : d’abord, Yahvé, ou plutôt Yahou, est une divinité parmi d’autres, et il est accompagné d’une parèdre nommée Ashérah. Comme elle, Yahou était vénéré sous forme de statues et d’artéfacts symboliques. Ni l’aniconisme ni le célibat [End Page 999] n’ont caractérisé ce dieu. Dans les sources les plus anciennes, Yahou était un dieu résidant à Séïr, au sud du Néguev, un dieu de l’orage...

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