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  • Réguler Les Risques Industriels et Environnementaux
  • Laurent Coumel
Thomas LE ROUX et Michel LETTÉ. - Débordements industriels : environnement, territoire et conflit, XVIIIe-XXIe siècle. Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2013, 402 pages. « Histoire ».

Cet ouvrage est issu d’un projet de recherche collectif inscrit dans le Programme interdisciplinaire de recherche Ville-Environnement (PIRVE) co-financé par le CNRS et le ministère de l’Écologie de 2006 à 2012. Il reprend les travaux de plusieurs colloques et ateliers en France et en Belgique et d’un séminaire tenu au Conservatoire national des arts et métiers et aux Archives nationales à Paris. La liste totale des participants dépasse celle des 24 auteurs, ce qui témoigne du dynamisme de ce champ d’études à la croisée entre l’histoire urbaine et environnementale et d’autres sciences sociales. On apprécie l’effort éditorial dans l’introduction, modèle de synthèse et d’invite heuristique, ainsi que dans les courtes mais incisives présentations de chaque partie. Vu le grand nombre des contributions, dix-sept, on se contentera d’en exposer ici quelques conclusions qui renouvellent la compréhension des réactions face aux nuisances industrielles et des réponses qui y ont été apportées. Les conflits étudiés sont situés en France et en Belgique, à l’exception d’une incursion en RDA.

Qu’est-ce qu’un débordement? Reprenant l’historiographie existante et empruntant à la sociologie et à l’anthropologie – mais aussi à la géographie et à ses jeux [End Page 212] d’échelles – dans la perspective d’une « histoire interdisciplinaire », Thomas Le Roux et Michel Letté le définissent comme ce qui, dans l’industrie, « impose son existence matérielle et symbolique par des externalités dont les populations environnantes contestent la légitimité ». L’approche en termes de conflits rejoint celle en termes de régulations, déjà empruntée avec succès par les historiens (Sabine Barles, Geneviève Massard-Guilbaud, Jean-Baptiste Fressoz, Thomas Le Roux, pour ne citer que des travaux français récents). Insérés dans l’univers social, les débordements ont une temporalité et une rationalité qui ne sont pas toujours évidentes ; ils en disent autant voire plus sur les rapports de forces que sur l’impact réel des pollutions dénoncées. Ils donnent lieu à des modes de résolution variables, dont on peut voir des caractères récurrents, notamment au XIXe siècle qui est la période la plus traitée ici. De façon attendue, le décret impérial du 15 octobre 1810 « relatif aux manufactures et ateliers qui répandent une odeur insalubre ou incommode » constitue un des repères majeurs de cette chronologie, sans forcément en être le pivot. S’il contribue à transférer le contrôle des installations polluantes de la justice vers l’administration (ce que J.-B. Fressoz a appelé ailleurs « dépénalisation de l’environnement »), ses effets en termes de judiciarisation des litiges se font surtout sentir dans les décennies suivantes. Le recours aux tribunaux civils pour l’attribution de dommages et intérêts aux riverains des usines et ateliers est tributaire des positions sociales : les notables parviennent à être indemnisés, à la différence des riverains modestes, ou encore des ouvriers, finalement peu évoqués ici. L’indemnisation puis le rachat de terrains ont ainsi constitué, comme disent Le Roux et Letté, un « schéma explicatif global » dans les stratégies des industriels de la métallurgie et de la chimie. Autre élément commun à plusieurs travaux publiés ici : le rôle paradoxal de l’expertise, à la fois instrumentalisée par les auteurs des pollutions – qui ont souvent partie liée avec les autorités, et sont donc capables d’influencer leurs conclusions – et indispensable aux riverains cherchant à faire reconnaître le débordement. Le mouvement qui voit l’administration supplanter la justice dans la régulation des conflits s’accompagne d’un recours croissant à une expertise institutionnalisée, aux dépens d’observations tenant compte des situations locales.

Même si elle est un peu artificielle (les titres ne correspondant pas vraiment aux contenus...

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