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  • La grande peur de 1610. Les Français et l’assassinat d’Henri IV by Michel Cassan
  • Jean-François Dubost
Michel Cassan
La grande peur de 1610. Les Français et l’assassinat d’Henri IV
Seyssel, Champ Vallon, 2010, 281 p.

Se référant à l’ouvrage de Georges Lefebvre, La Grande Peur de 1789 (1932), Michel Cassan cherche à appréhender l’impact de l’assassinat d’Henri IV sur les Français de 1610. Parce que ce roi apparaissait comme seul garant d’une concorde civile fragile en raison de clivages religieux persistants et renforcés par le processus de confessionnalisation, sa disparition semblait devoir faire replonger le pays dans le chaos. Ces inquiétudes, dont on rencontre de nombreux échos dans les documents contemporains, expliquent que le maintien de la paix civile en 1610 fut considéré comme une « merveille » : en rendre compte comble une lacune historiographique.

Distingué du simple « fait » par sa puissance de perturbation de l’ordre établi (« il précipite les hommes au bord de l’inconnu », p. 14), le « grand événement » est « un objet d’histoire se suffisant à lui-même » (p. 16) : c’est le cas de l’assassinat d’Henri IV, dont l’impact sur le royaume, « personnage central de l’événement étudié », est scruté à travers les réactions de l’appareil d’État (le gouvernement et ses relais provinciaux) et des communautés urbaines. L’auteur a retenu les sources qui enregistrent à chaud les réactions des municipalités (registres de délibérations, correspondances de ville à ville, avec le gouvernement ou avec les lieutenants généraux) ou celles de simples particuliers (livres de raison, à l’exclusion des mémoires). La documentation balaye l’ensemble du royaume, mais concerne exclusivement la France des villes, la nouvelle de la mort du roi n’ayant pas laissé de trace dans les archives des communautés rurales.

Pour éviter que les nostalgiques de la Ligue ou les zélateurs de l’Espagne ne s’en emparent et ne l’instrumentalisent dans un sens défavorable au pouvoir royal – comme cela avait été le cas avec la Saint-Barthélemy, le double meurtre de Blois (1588) ou la mort d’Henri III (1589) –, sa divulgation à l’ensemble du royaume est prise en main par le gouvernement et ses relais, soit l’armature supérieure des pouvoirs provinciaux – gouverneurs et lieutenants généraux, premiers présidents des cours souveraines, maires et premiers consuls, gouverneurs de villes et de places fortes –, évaluée à un millier de personnes. Grâce à une vitesse d’acheminement exceptionnelle par les courriers royaux, la nouvelle gagne Aix-en-Provence en quatre jours, et les zones les plus reculées le 21 mai au plus tard. Dans cette diffusion, le contrôle étatique a été effectif : seuls quelques très rares secteurs (montagnards et méridionaux) ont été informés de la mort du roi par des canaux non institutionnels. Le renforcement du pouvoir monarchique éclate dans cette emprise spatio-temporelle sur le royaume, emprise que traduit le beau travail de cartographie qui, dans la lignée de l’étude de G. Lefebvre, spatialise l’événement à l’échelle du royaume entier et, lorsque les sources le permettent, à l’échelle régionale (dans l’arrièrepays provençal et autour de Millau). Signalons cependant que, dans les cartes générales, les frontières ne tiennent pas compte de l’annexion de la Bresse, du Bugey, de Valromey et du pays de Gex ; que la carte de la Provence laisse apparaître l’indication anachronique des retenues aménagées au XXe siècle sur la Durance et le Verdon.

Les tentatives pour occulter la mort du roi sont rares : à Paris, immédiatement après le geste de Ravaillac ; en Bourgogne et en Languedoc, par crainte de réactions incontrôlables [End Page 222] dans la population. Le plus souvent, l’annonce est distillée pour rendre la nouvelle plus tolérable. Ces choix répondent à la capacité variable des localités à surmonter les clivages civils et religieux passés. Une fois connue des édiles, la nouvelle devient information officielle lorsqu’elle est port...

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