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Reviewed by:
  • Gustav Radbruch: Juriste de gauche sous la République de Weimar by Nathalie Le Bouëdec
  • Jean-Philippe Mac Kay
Nathalie Le Bouëdec Gustav Radbruch: Juriste de gauche sous la République de Weimar. Québec: Presses de l’Université Laval, 2011. 464 pp.

L’articulation entre théorie et politique est sans conteste un défi incontournable pour tout intellectuel engagé: le juriste qui intervient dans l’espace public n’y échappe pas. Dans l’ouvrage Gustav Radbruch: Juriste de gauche sous la République de Weimar, Nathalie Le Bouëdec, germaniste et maître de conférences à l’Université de Bourgogne, explore cette tension entre les sphères de la théorie et de la politique en prenant pour exemple le juriste allemand Gustav Radbruch (1878–1949). L’auteure nous invite à découvrir en ce dernier l’archétype du juriste engagé à gauche sous la [End Page 292] République de Weimar. L’auteur a porté son choix sur ce juriste dont l’identité plurielle ouvre sur trois dimensions: une réflexion théorique sur le droit, une appartenance politique sociale-démocrate qui se manifeste par une participation à la politique active et une présence dans l’espace public en tant qu’intellectuel. Nous ne sommes pas ici devant une biographie à proprement parler, mais plutôt face à une étude de cas qui constitue un point de départ afin de dresser un portrait plus global d’une certaine culture intellectuelle et politique sous Weimar.

L’ouvrage repose sur une double interrogation. La première s’intéresse à la cohérence entre le discours théorique du juriste philosophe du droit et son engagement politique social-démocrate. De ce point de vue, l’ouvrage démontre que le rapport complexe entre théorie et politique chez Radbruch est fonction du rôle qu’il joue (professeur, député, ministre ou intellectuel engagé) et dépasse une simple opposition entre les deux sphères. La seconde interrogation concerne la représentativité du cas spécifique pour déterminer ce que pouvait bien être un juriste de gauche sous la République. L’auteure, dans cet ouvrage, n’a pas la prétention d’identifier un discours juridique commun à tous les juristes de gauche sous Weimar. Néanmoins, ce sont les contours d’un discours juridique de gauche qu’elle parvient à mettre en exergue, et ce, malgré l’absence d’homogénéité au sein des juristes qui entrent dans cette grande catégorie.

Sur le plan méthodologique, une étude des discours est préconisée par l’auteure (pp. 11–12 et 105). Cette dernière est consciente de l’effort périlleux que représente un tel exercice analytique et rejette d’emblée toute forme d’« illusion rétrospective » (p. 3). Loin de se confiner à une simple étude textuelle, l’auteure prend soin en tout temps de placer l’analyse dans le contexte politique, philosophique et juridique des textes.

La première partie de l’ouvrage se divise en trois chapitres et s’intéresse au moment où Radbruch s’engage en politique. Le premier chapitre traite de ses premiers travaux avant l’avènement de la République en 1919. Il comporte des explications générales sur les débats du moment en philosophie du droit et sur le positionnement de Radbruch dans ceux-ci. On y apprend notamment que sa philosophie du droit est résolument relativiste et antipositiviste. Le second chapitre porte sur le « socialisme éthique » d’un Radbruch qui a adhéré aux thèses marxistes sans toutefois les embrasser complètement. L’auteure note que le trait commun aux juristes sociauxdémocrates est le rapport entre marxisme et une conception culturelle et éthique du socialisme (p. 70). Un troisième chapitre aborde le discours de Radbruch sur le droit à partir de 1919 qui se dessine dans la brochure Ihr Jungen Juristen, publiée la même année. Radbruch cherche dans ce texte à réconcilier droit et justice en sortant du positivisme et en conférant au droit une fonction sociale en phase avec la réalité qu’il entend régir (pp. 74 et 75...

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