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  • Des toits sur la grève. Le logement des travailleurs et la question sociale à Bombay (1850-1950) by Vanessa Caru
  • Claire Fredj
Vanessa Caru. - Des toits sur la grève. Le logement des travailleurs et la question sociale à Bombay (1850-1950). Paris, Armand Colin, 2013, 412 pages.

La question du logement des classes populaires et de ses implications politiques a peu retenu l’attention des historiens de Bombay. C’est pourtant dès le début du XXe siècle que le logement devient une revendication ouvrière, le sujet du discours des autorités coloniales et des mouvements nationalistes ainsi que l’objet d’une intervention de l’État. Quel processus amène les autorités coloniales puis congressistes, à partir des années 1930, à choisir d’en faire l’un des principaux terrains du traitement politique de la question sociale ? Quel est le rôle tenu par cette question dans la politisation des ouvriers ? Ces interrogations forment le cadre de réflexion de l’ouvrage de Vanessa Caru, issu d’une thèse soutenue en 2010.

Le décor d’une ville qui devient industrielle au milieu du XIXe siècle et connaît une forte croissance démographique (220 000 habitants en 1814, 820 000 en 1891) est brossé dans un chapitre liminaire qui insiste sur la forte composante ouvrière de la cité (40 % du total de la population en 1904). D’abord logés dans la « vieille ville indigène », les ouvriers s’installent de plus en plus au nord où sont implantées les usines textiles, logés dans des chawls (immeubles de rapport) ou des zavli (huttes). Dans le cadre d’une alliance appelée à durer entre le pouvoir colonial et les élites urbaines, la municipalité est gérée depuis 1872 par un administrateur nommé par le gouvernement provincial, le Municipal Commissioner, et une assemblée municipale, la Bombay Municipal Corporation (BMC), où les intérêts immobiliers autochtones sont largement représentés. Au cours des années 1870-1880 émerge une « ville des élites utile aux intérêts du capitalisme colonial et local au sud et sur la côte est, qui commence à être planifiée et dotée d’infrastructures » et « une ville de travailleurs au nord qui se développe sans contrôle, sans plan d’ensemble » (p. 61).

C’est avec l’épidémie de peste qui ravage la cité à partir de 1896 que le logement des travailleurs commence à être reconnu comme un problème politique, processus qui fait l’objet de la première partie. La crise sanitaire entraîne l’intervention accrue des autorités sur l’espace urbain : la municipalité peut déclarer insalubre un immeuble, en interdire l’occupation, en ordonner la destruction. Entre 1898 et 1912, 37 % du parc immobilier a été visité et 10 % remodelé à la suite d’injonctions municipales. D’un effet limité, ces mesures, qui provoquent les résistances des propriétaires, installent cependant le logement populaire dans le débat public. Le deuxième chapitre est centré sur le Bombay City Improvement Trust (BCIT, 1898) et sa politique d’éradication de l’habitat insalubre, accusée de favoriser la spéculation et d’aggraver les conditions d’entassement : en 1918, les travaux ont entraîné le déplacement de 64 000 personnes, dont une minorité seulement est relogée dans des chawls construits à cet effet. Le choix de cet habitat réputé sale, encombré, difficile à surveiller, ne fait pas l’unanimité dans l’administration coloniale. Les procédures choisies pour disposer de parcelles libérées permettent au BCIT de rentrer dans ses frais mais aussi d’assurer l’emprise foncière des populations aisées.

La deuxième partie analyse la manière dont le logement devient le terrain principal du traitement politique de la question sociale. Au cours de la Première Guerre mondiale, Bombay a été confrontée à un afflux de main-d’œuvre et à une augmentation du coût de la vie. Liée à la dégradation des conditions de vie du prolétariat et des classes moyenne, l’agitation sociale enfle, alors que les mouvements nationalistes prennent de l...

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