In lieu of an abstract, here is a brief excerpt of the content:

Reviewed by:
  • Nelly Arcan. De l’autre côté du miroir by Marguerite Paulin and Marie Desjardins
  • Isabelle Boisclair (bio)
Marguerite Paulin et Marie Desjardins, Nelly Arcan. De l’autre côté du miroir, Marieville (Québec), Les éditeurs réunis, 2011, 302 p., 24,95$

Admettons-le d’emblée, c’est avec réticence qu’on aborde le livre de Marguerite Paulin et Marie Desjardins, Nelly Arcan. De l’autre côté du miroir. Réticence causée d’abord par l’annonce, en quatrième de couverture, qu’il s’agit d’un « portrait biographique non autorisé par la famille de Nelly Arcan », puis la promesse que ce portrait « aborde certaines énigmes de la vie de [l’]écrivain [sic]». Enfin par la question qui y est posée : « Nelly vivait-elle avec un secret? » Tous les éléments sont en place pour que la lectrice anticipe des bassesses sensationnalistes et racoleuses, plus pornographiques que la pornographie même. L’inconfort perdure devant la première de couverture. La photo qui l’orne montre une Nelly boudeuse, fermée sur elle-même – elle regarde par terre, les bras entrecroisés, la main droite serre le bras gauche, la main gauche à hauteur du cou. Les tons de gris, puis l’éclairage qui provient de derrière elle l’entourant d’un halo qui va en se dégradant n’est pas sans conférer une aura mortuaire à l’ensemble.

Très tôt, il apparaît que ces craintes disparaissent. L’ouvrage est aussi inoffensif … qu’inintéressant. Mais n’était-ce pas joué d’avance? Car en effet, que veut-on nous apprendre de plus sur Nelly Arcand que ce qu’ellemême a livré, non seulement sur elle, mais sur notre monde? Et puis chez Nelly Arcand, il y avait la manière. Tout réside dans cette écriture, qui a su élever le discours, le plaçant si haut qu’il transcendait tout le scabreux qui aurait pu se trouver dans les descriptions qu’elle fait de ses relations avec les hommes et qui l’instrumentalisaient. Sa voix la détachait de ces réalités auxquelles elle prenait part : c’est là, dans cette distance entre le corps et la conscience, que le discours d’Arcan prend – prenait – tout son sens. [End Page 792]

Or, on est bien loin de la manière Arcan ici. Aussi, redire ce qui nous a été déjà été dit de si belle façon en le ramenant à la terre, redire tout cela là d’une plate écriture littérale là où Nelly Arcand faisait de la littérature semble bien inutile. Car en effet sur le plan littéraire, malgré ce qu’on perçoit comme des velléités de faire beau, on ne parvient pas à offrir une nourriture qui serait un peu bonne. Qu’on en juge : « la première graine d’un phénomène nommé Nelly Arcan [ … ] a germé, un arbre extraordinaire ayant toutes les chances de naître de cette graine ».

Mais le plus gênant, sûrement – oui, la lectrice ressent un malaise, de la gêne – réside en grande partie dans la « romantisation » de la vie de Nelly Arcand. Les auteures prêtent une vie intérieure à l’écrivaine. Certes, le procédé n’est pas nouveau. La biographie historique, notamment, emprunte largement à l’imaginaire, et n’hésite pas à imputer réflexions et paroles au personnage, qui se trouve ainsi resitué dans son contexte. Une très grande différence distingue cependant ce type d’ouvrages et celui-ci : la distance temporelle. Mettre des paroles dans la bouche d’une Laure Conan, par exemple, qui est morte il y a presque cent ans – comme Louise Simard l’a fait dans son roman La romancière aux rubans – est une chose ; faire parler une jeune femme décédée deux ans plus tôt (Arcan est morte en septembre 2009) en est une autre : c’est pure usurpation. Là est l’indécence, assurément. Ainsi, oui, la lectrice est dépassée lorsqu’elle tombe sur des passages pourtant anodins comme : « elle ajuste une dernière fois...

pdf

Share