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Les écrits de l'intime : l'écrivaine en justicière et criminelle Evelyne Ledoux-Beaugrand Catherine Mavrikakis Je ne RACONTEpas. Je ne raconte pas MON histoire. Je ne racontepas une HISTOIRE. Je ne débrouille pas MON affaire. Je ne lave pas MON linge sale. Mais le drap social. Christine Angot, Quitter la ville C'est dangereux un écrivain. C'est obsédépar la vérité. Par sa vérité. C 'est enfantin, un écrivain. Ça rapporte. Ça répète. Ça nepeut rien garderpour soi. C'est infréquentable, un écrivain. Ça oblige à mentir, à dissimuler et à se défendre ensuite. Nina Bouraoui, Garçon manqué Depuis quelques années les femmes qui pratiquent l'autofiction, le récit de soi et le récit familial donnent l'impression de faire de l'espace du récit le lieu d'un règlement de compte avec la famille bien sûr, mais aussi avec éditeurs, collègues écrivains et journalistes qui font partie de ce qu'on pourrait nommer« la grande famille littéraire ». Ce faisant, elles sortent la littérature d'une marginalisation qui la confine à des considérations esthétiques et ouvrent le dialogue avec les instances sociales et familiales qu'elles interpellent, dénoncent, voire invectivent. Le juridique est en ce sens devenu un enjeu important et dans son sillage apparaît la question des conséquences d'une littérature qui investit le social. Jusqu'où peut-on en effet aller dans la dénonciation publique sans connaître des répercussions dans le réel ? C'est sur cette question que nous nous penchons ici en analysant la place de l'intime et du public dans la littérature contemporaine des femmes ainsi que l'articulation du privé et du juridique qui s'y fait jour. Les femmes ont depuis de nombreuses années travaillé sur la notion de privé comme fondement du social, mais il semble que ce qui apparaît aujourd'hui c'est la place du juridique dans la dialectique privé-public. À partir de l'exemple très concret de l'affaire Laurens-Darrieussecq dans laquelle Camille Laurens a, à la suite de la parution de Tom est mort de Marie Darrieussecq, accusé cette dernière de « plagiat psychique », il s'agit d'interroger la prise de parole des femmes à l'intérieur comme à l'extérieur des limites du livre de même que la place de l'écrivaine dans la communauté et sous Ledoux-Beaugrand and Mavrikakis1 1 7 le regard de la loi. Il faut ainsi voir ce que mettent en jeu les notions de plagiat psychique et de crime commis par le texte, toutes deux sous-tendues par l'idée de la dangerosité de l'écriture (et) des femmes lorsqu'elle ne se tient pas bien et déborde jusque dans l'espace social. Pour y arriver, cet article s'intéresse d'abord à la famille comme premier espace communautaire et montre comment le juridique a depuis peu envahi l'espace familial. Si dans cet espace, les filles sont nombreuses à prendre la parole à la façon d'Antigone, dans une dénonciation qui déplace le complexe d'Oedipe vers un complexe d'Antigone, elles ne sont toutefois pas les seules à le faire. Une telle forme de dénonciation, corrélée à une posture du minoritaire, est présente chez les écrivains homosexuels et queer qui se sont aussi permis de dénoncer et d'énoncer un désir de mise à mort, comme si le texte pouvait tuer ceux qu'il prend à partie. À la lumière de ce cheminement, nous voulons penser la dénonciation à l'intérieur même de la famille des femmes, et surtout des écrivaines. Dénonciation qui donne lieu dans le contexte des accusations croisées de Laurens et de Darrieussecq à une prolifération discursive hors de l'espace proprement littéraire. La famille comme espace public Si nous avons pu concevoir la famille moderne comme un espace domestique, domestiqué, pacifié, privé où les membres trouvaient une place naturelle ou naturalisante dans le clan ou le giron parental, de nos jours, la famille est devenue un lieu qui n'est plus naturellement...

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