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  • Quelques pensées sur les femmes et la lecture
  • Catherine R. Montfort (bio)

Les livres ne sont pas des objets comme les autres pour les femmes ; depuis l’aube du christianisme jusqu’à aujourd’hui, entre nous et eux, circule un courant chaud, une affinité secrète, une relation étrange et singulière tissée d’interdits, d’appropriations, de réincorporations. Adler et Bollmann, Les Femmes qui lisent sont dangereuses, Flammarion, 2006.

Deep-reading skills—the sophisticated process involving not just the deciphering of words but engagement with ideas, critical thinking and careful evaluation—are withering because of the habits we develop while browsing the Internet. Nicholas Carr, The Shallows: What the Internet is doing to our Brains. W.W. Norton and Co, 2010.

La citation ci-dessus de Laure Adler dans Les Femmes qui lisent sont dangereuses est celle que nous avons utilisée dans notre ‘Appel à Contributions’ pour ce volume spécial de Women in French Studies sur « Les femmes et la lecture ». Ce sujet avait provoqué un vif intérêt au congrès de PAMLA (2009) avec des présentations sur Sévigné, Desbordes-Valmore et Nothomb. Le projet initial était de parcourir l’éventail du Moyen Age au XXIe siècle, avec comme thèmes possibles la création du livre, l’accès des femmes à la culture selon les époques, l’influence des lectures, la lecture comme objet de l’écrit, la représentation des lectrices dans les romans, et bien d’autres.

Ce numéro spécial de Women in French Studies, tout en gardant l’ambition de couvrir plusieurs siècles du XVIe au XXIe siècle, se propose un objectif plus restreint, celui de présenter des études de cas. Il ne s’agit donc pas ici de l’histoire du livre, de femmes mécènes ou femmes-imprimeurs, de statistiques d’analphabétisme, etc. ni même de théories de la lecture, mais de pratique de la lecture. Pour les théories générales, nous renvoyons aux nombreuses études — de Riffaterre à Genette en passant par Iser et Eco pour n’en nommer que quelques-uns. [End Page 6] Nous renvoyons aussi aux études de Roger Chartier, Pratiques de la lecture, dont fait partie l’essai de Jean Marie Goulemot sur la lecture comme production de sens. Goulemot analyse trois ordres que nous retrouverons souvent dans les essais : la bibliothèque (ce que les gens lisent), la physiologie (le contexte dans lequel se fait la lecture), et le hors-texte (l’histoire personnelle ou collective du lecteur qui donne sens au texte)1.

En ce début d’introduction, au moment de présenter des essais qui vont des nouvelles de l’Heptaméron de Marguerite de Navarre, inspirées de celles de Boccace, à Fahrenheit 2010 d’Isabelle Desesquelles dans lequel l’auteure déplore la disparition de vraies librairies, nous sommes frappées par deux moments clés de l’histoire du livre dus à deux découvertes technologiques à plusieurs siècles d’intervalle, d’un côté dans le passé l’invention de l’imprimerie suivie de la lente accession à la lecture et à l’écriture d’un nombre de plus en plus grand de femmes à travers les siècles ; de l’autre, de notre temps, la révolution technologique, et le défi que représente l’accès à l’internet et aux livres électroniques dans la production, la vente et la lecture que permettent ces nouveaux moyens. D’un côté, une invention qui a permis une émancipation de la femme, de l’autre un grand point d’interrogation quant à l’avenir des livres. L’on sait que, dans les siècles passés, compte tenu du taux d’analphabétisme et d’autres causes bien connues — comme la peur des effets émancipateurs de la lecture — la lecture n’était pas toujours chose aisée ou possible pour les femmes, et qu’il a fallu attendre les progrès de l’éducation au XIXe siècle pour éventuellement ouvrir l’accès à la lecture au plus grand nombre. Si lire était mal vu, écrire était pire, et le débat entre « la plume...

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