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Reviewed by:
  • La Nuit et le silence des images : penser l'image avec Pascal Quignard
  • Agnès Cousin de Ravel
Bernard Vouilloux . La Nuit et le silence des images : penser l'image avec Pascal Quignard. Paris: Hermann, 2010. Pp. 241.

Bernard Vouilloux explore depuis longtemps les liens qui unissent littérature et peinture. Ici, il concentre son étude sur le concept d'image. Il en montre l'ancrage dans la culture occidentale et chez Pascal Quignard. Pour cela, il retrace sa généalogie. Homère, Platon et Aristote sont, à cette fin, convoqués ainsi que l'analyse étymologique des termes d'oneiros, de psuchè, ou encore d'eidôla ou de phantasmata, deux termes que le latin a traduits par le seul « simulacra », à entendre comme frontière instable entre la dimension physique et la dimension psychique de l'image. L'image, c'est encore l'imago (le masque mortuaire à Rome) telle que l'a analysée Pline l'ancien, posant ainsi les questions de son origine archaïque, de la mimésis qui y est à l'œuvre, et de sa capacité à suggérer une présence (comme le fait l'image photographique).

Vouilloux rappelle les trois propriétés de l'image, telles que Quignard les pense. Parce qu'elle est liée à la filiation, l'image est biologique et rappelle l'acte copulatoire qui l'a précédée ; l'image est sexuelle (les images érotiques représentées dans Le Sexe et l'effroi et La Nuit sexuelle ne sont pas seulement représentations de scènes érotiques, mais le geste même de la monstration) ; l'image est zoologique, car si l'homme est le seul à pouvoir représenter les images qui s'imposent à lui, les animaux en créent aussi dans leur cerveau. D'où son caractère prédateur.

Ceci posé, Vouilloux articule son analyse autour de noyaux problématiques. De quoi, l'image, quelle qu'elle soit, est-elle trace et représentation ? Ressemble-t-elle à l'objet ou le représente-t-elle ? Si l'image est un espace de concentration de traces à un instant donné, ou l'instant du retour en soi de l'image ancienne qui habite chacun de nous, est-elle, dans cette perspective, un récit en attente ? Question subséquente : l'image parle-t-elle ? Si oui, de quelle nature est ce quelque chose qui parle et se tait, en particulier, dans la peinture, comme le donne à entendre le titre même de l'essai « le silence des images » ? (titre qui reprend celui de Quignard sur La Tour, La Nuit et le silence, publié en 1995). Par ailleurs, dans quel rapport se trouvent respectivement l'image et le langage ? Pour Quignard, l'image est dans un statut de « co-implication », de polarisation face au discours et non dans une position hiérarchique. En effet, elle est porteuse d'une potentialité de signes et interroge en chacun le statut de la vision que l'écrivain définit dans Les Paradisiaques comme « vision d'avant la vue » qui est celle, par exemple, du rêve fœtal.

Enfin, quelle est l'origine de toute image ? Qu'est-ce qui gît au fond de nos images de rêves qui ne représentent rien tout en s'imposant à nous comme venues de nulle part ? Au fond de nos images hallucinatoires ? Pour Quignard, dont Vouilloux analyse longuement le discours sur la fameuse scène du puits dans la grotte de Lascaux, le fond de l'art, comme celui de la vie, est une scène de fascination, de prédation et de meurtre dans laquelle il n'est, cependant, pas facile de savoir qui est le prédateur et quelle est la proie.

Dans son essai, qui abonde en références précises aux discours théoriques les plus pertinents et en citations des écrits de Quignard, Vouilloux analyse, avec un manifeste souci d'exhaustivité, les composantes de l'image. Sa démarche est proche de celle de l'écrivain. Comme lui, il recourt, très souvent, à l'étymologie et interroge les champs conceptuels des sciences humaines, mettant ainsi en résonance quelques-unes des problématiques-cl...

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