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LA CONNAISSANCE INTELLECTUELLE DU SINGULIER MATÉRIEL CHEZ DUNS SCOT CHAPITRE II MÉTAPHYSIQUE ET EXPÉRIENCE La question de la connaissance du singulier matériel se meut, chez Duns Scot, sur un double plan, celui de la métaphysique et celui de l'expérience. Elle y reçoit des solutions dont l'antithèse ne laisse pas de surprendre le lecteur novice. La métaphysique, en effet, étale les richesses intelligibles de l'individu. Elle en fait l'intelligible par excellence parce qu'il est l'être par excellence. L'expérience, par contre, atteste que cette richesse intelligible ne nous est pas actuellement accessible. Plus précisément, la métaphysique scotiste tient que tout singulier n'est susceptible, dans sa plénitude intelligible, que d'une intellection directe et distincte tandis que l'expérience témoigne que notre connaissance de ces mêmes individus n'est ni directe, ni distincte mais indirecte et confuse. Elle est le fruit d'une conversion de l'intellect aux espèces sensibles selon le mode proposé par Aristote et ses commentateurs patentés, Avicenne et Averroès. Ces quelques propositions résument l'enseignement global du Docteur Subtil. Après avoir corrigé la métaphysique aristotélicienne de l'individu et semblé justifier radicalement l'intellection directe soutenue avec brio et ensemble par ses confrères franciscains, Scot les remet, à la faveur de la théorie augustinienne des états historiques de l'humanité, à l'école de la psychologie d*Aristote. C'est là un fait brut que le lecteur de Duns Scot ne peut que constater, même s'il n'en peut deviner toute la signification. Mais c'est un fait que les scotistes, anciens et même contemporains, semblent avoir eu à coeur de faire oubliertant ilsmettent en lumière un autre fait auquellelecteurpressé eut peut-être attaché peu d'importance et que d'ailleurs les tout premiers disciples du Subtil ont mis quelque temps à apercevoir. En marge, en effet, de l'intellection abstractive, indirecte et confuse, reçue d'Aristote, le Docteur Subtil affirme, et de plus en plus nettement même pour l'état présent, l'existence d'une intuition intellectuelle du singulier ma27 28CAMILLE BÉRUBÉ tériel dont Aristote n'a rien dit. Mais, selon la technique même du Subtil, cette intuition ne peut être à son tour qu'indirecte et confuse. Et c'est là précisément que git la pierre d'achoppement pour les scotistes , comme si la subtilité pourtant bien établie de leur maître y eût subi quelque échec. Nous avons, au chapitre précédent1, constaté leur embarras et la diversité de leurs positions. Nous voulons seulement tirer ici parti de cet état de choses pour arrêter notre propre méthode de travail. Or, il nous semble que l'attitude assez commune des commentateurs anciens a été d'utiliser les dires de Duns Scot pour établir des positions philosophiques personnelles plutôt que de reproduire à la lettre l'enseignement personel du Maître. Certes, leurs soucis de philosophes valaient bien nos propos d'historiens. Il ne nous en incombe pas moins de faire notre métier en donnant à leur usage des textes sa signification pour l'histoire de la pensée de Duns Scot. Nous devons, en tout cas, savoir que l'école scotiste n'a pas réellement commencé avec Scot, mais qu'elle était, en réalité aussi vieille que l'école franciscaine et comptait quelque trois-quarts de siècle d'existence. A mesure qu'on les étudie davantage, on constate que les maîtres de cette première période de la pensée franciscaine savaient allier une forte dose d'indépendance doctrinale à l'acceptation de certaines doctrines devenues, avec le temps, patrimoine de famille. Et sur le point précis qui nous occupe, nous avons établi, dans une étude antérieure,2 qu'une commune aversion pour l'universaUsme soi-disant aristotélicien dénoncé par Roger Bacon s'y était concrétisée, entre 1275 et 1295, en une doctrine fort populaire de la connaissance du singulier qui semble avoir reçu son développement ultime avec les...

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