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Reviewed by:
  • Clubs politiques et perestroïka en Russie. Subversion sans dissidence
  • Françoise Daucé
Carole Sigman . - Clubs politiques et perestroïka en Russie. Subversion sans dissidence. Paris, Karthala, 2009, 476 pages. « Recherches internationales ».

La perestroïka, période à la fois très proche et déjà lointaine de l'histoire de la Russie, a généralement été étudiée dans le vif de l'actualité institutionnelle de l'époque. Le recul permet aujourd'hui d'en proposer des analyses plus documentées et fondées sur des approches scientifiques mieux élaborées. Carole Sigman propose ainsi une étude approfondie des clubs informels de l'époque gorbatchévienne et offre des éléments nouveaux de compréhension de cette période. En effet, à partir de l'arrivée de M. Gorbatchev au pouvoir en 1985, l'URSS sort d'une période dite de « stagnation » pour connaître des changements profonds dont nul, à l'époque, ne connaît l'issue. Les citoyens soviétiques, qui savent, partiellement parfois, de quoi est fait leur passé, n'ont que peu de repères pour comprendre les évolutions qui s'annoncent. C'est dans ce contexte d'incertitude, qui va croissant au fil des initiatives gorbatchéviennes, que des personnalités, d'abord marginales et rares puis de plus en plus nombreuses, choisissent de s'engager du côté des réformes mais hors du Parti et des structures dirigeantes de l'Union. Comprendre l'itinéraire de ces personnes, leurs choix et leurs difficultés permet de mieux analyser les modalités de déconstruction de l'Union et leurs conséquences pour le devenir de la Russie.

La première partie de l'ouvrage est conçue comme un portrait collectif des militants des clubs informels moscovites qui, profitant de l'ouverture gorbatchévienne, entendent réfléchir puis agir en marge du pouvoir. A partir de l'identification d'environ 160 animateurs de clubs qui ont assumé des fonctions de direction, d'organisation ou de représentation, C. Sigman a réalisé 65 entretiens approfondis. Ils constituent le matériau de base de son étude, auquel s'ajoute la consultation des textes et de la presse de l'époque. À partir de cet échantillon, C. Sigman identifie deux cohortes de militants : ceux qui entrent dans le mouvement entre la fin de l'année 1986 et le milieu de l'année 1988 (cohorte I), et ceux qui y entrent à partir du milieu de 1988 (cohorte II). À travers les parcours de militants, elle définit les cadres chronologiques qui structurent son ouvrage. Le milieu de l'année 1988 apparaît comme un tournant au sein de la perestroïka, le moment où le mouvement réformateur s'intensifie et se densifie.

À l'origine, les membres des premiers clubs informels présentent des caractéristiques générationnelles et sociales relativement précises. C. Sigman présente ces militants de la première heure et montre leurs liens avec les réseaux académiques réformateurs et avec la dissidence. Elle souligne le rôle de la formation universitaire dans leurs trajectoires. Plus encore, elle propose leur généalogie, s'intéressant au destin de leurs parents et grands-parents. Dans cette première partie de l'ouvrage, c'est d'une certaine façon une histoire sociale de l'URSS qui apparaît à travers l'étude des lignées familiales des membres de ces premiers clubs informels. Elle s'intéresse ensuite aux militants qui s'engagent plus tardivement, à partir de 1988. Les types idéaux sont alors plus difficiles à définir. Les nouveaux entrants ont généralement effectué des études dans le domaine des sciences dures et font preuve d'un plus grand conformisme par rapport à leurs parents. Il est difficile de catégoriser des parcours de plus en plus variés.

Après avoir fait le portrait des membres des clubs informels, la seconde partie du livre est consacrée chronologiquement à l'activité de ces clubs durant les premières années de la perestroïka, en 1987-1988. Durant cette période, l'action des clubs informels est placée, selon les termes de...

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