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Préface Nelly Chabrol Gagne OSONS LE DIRE: LA LITTÉRATURE DE JEUNESSE FRANÇAISE ne s'est jamais aussi bien portée que depuis ces dernières années. En effet, elle occupe non seulement avec force l'espace editorial, en se permettant de remporter en 2004 et en 2005 les premiers prix à la Foire Internationale de Bologne, mais encore toutes les médiathèques municipales via des secteurs jeunesse très actifs ainsi que les écoles primaires via des listes d'oeuvres très contemporaines inscrites au programme des élèves du cycle III. Les acteurs de cette littérature ainsi que les médiateurs et les «passeurs» d'histoires ont donc de bonnes raisons d'êtres comblés. Pour appréhender d'un peu plus près ce large champ de la production française, il nous a paru intéressant d'interroger plus précisément nos contributeurs américains, anglais et français sur la place et l'image de l'enfant dans des livres qui lui sont a priori destinés et qui figurent en tant que tels dans des collections spécifiques. Est-ce dire que nous avons voulu céder à la facilité en mettant l'enfant et lui seul au cœur des réflexions? Rien de moins sûr. En effet, à vouloir enquêter sur l'enfant dans une littérature qui dit lui appartenir—n'est-ce pas au fond le sens plein de l'expression anglaise «Children 's Literature»? —, il se peut bien que nous découvrions sinon des contradictions , au moins des paradoxes. L'idée selon laquelle l'écrivain adulte et le jeune lecteur avancent dans leur chemin de vie et spéculent sur l'existence tout en considérant le territoire d'enfance comme un lieu fondateur auprès duquel il est toujours nécessaire de revenir n'est sans doute pas le moindre des paradoxes qu'il faut examiner attentivement. En optant pour cette perspective, nous nous doutons bien que les représentations d'enfants ou d'enfance, en vertu même de leur statut de «représentations », seront largement redevables aux projections des écrivains adultes, lesquels d'une façon ou d'une autre ont un compte/conte à régler avec leur propre enfance et leurs propres souvenirs de lectures d'enfance. Allons plus loin: les lecteurs critiques eux-mêmes, plus ou moins ouvertement, qu'ils le revendiquent ou non, en choisissant de sonder la littérature de jeunesse, même par les biais les plus académiques, retournent voir du côté de ce pays que l'on ne quitte jamais vraiment et qui se nomme l'enfance. Pays au relief contrasté que l'on traverse, enfant, sans vraiment s'en rendre compte et que l'on redessine , adulte, suivant des plans très personnels ou alors dans une visée plus ou L'Esprit Créateur moins idéologique. Car les images d'enfants proposées par les écrivains—que ces enfants soient héros, enfants lecteurs ou encore les deux à la fois—répondent le plus souvent à l'injonction suivante: oublie qui tu es et sois comme la société te veut; parfois l'écrivain adulte relègue la demande sociale en exprimant un autre désir: n'oublie pas qui tu es et deviens ce que tu dois devenir. Ainsi écrivent, vivent et parfois s'opposent deux catégories d'écrivains pour la jeunesse: d'une part, ceux qui formatent l'enfance et lui inculquent les règles premières du contrat social; d'autre part, ceux qui lui font confiance et misent à chaque coup sur ses capacités à donner du monde une lecture libertine , au sens étymologique du terme. Pour que le lecteur de L'Esprit Créateur puisse se faire une idée juste des enjeux de la littérature de jeunesse, nous n'avons pas hésité à confronter plusieurs points de vue, du plus théorique au plus pratique. C'est également la raison pour laquelle la parole des universitaires croise celle d'une directrice de collection et d'une écrivaine. Sébastien Chapleau ouvre ce numéro pour nous permettre de faire d'abord le...

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