In lieu of an abstract, here is a brief excerpt of the content:

L'Autofiction en langue française chez Hector Bianciotti Axel Gasquet Ma patrie a toujours été loin des origines, ailleurs—encore ailleurs. Hector Bianciotti Dans quelle langue écrire les mémoires quand il η 'a jamais eu une langue maternelle autorisée? Jacques Derrida BIANCIOTTI REPRÉSENTE LE DERNIER CHAÎNON d'une tradition multilingue bien étoffée propre à la région du Rio de la Plata mais aussi à l'Amérique latine. Cette tradition évoque une lignée souvent maudite d'écrivains qui ont choisi une langue d'expression autre que la maternelle , de façon définitive ou temporaire1. Ce n'est pas un phénomène nouveau . L'histoire littéraire recèle d'un nombre impressionnant d'écrivains bilingues ou multilingues. Mais l'avènement du nationalisme au XIXe siècle fut une période marquée par le discrédit d'une telle pratique—c'était le moment de l'affirmation nationale par l'homogénéité linguistique. Depuis son indépendance, l'Amérique latine est devenue un laboratoire d'exception dans ce domaine, traversée par un regain d'hostilité envers la langue espagnole alors qu'on s'apprêtait à bâtir partout des États-Nations. Au contraire, la nouvelle période ouverte au XXe siècle fut, comme jadis le Moyen Age, la Renaissance et le baroque, un siècle propice pour l'épanchement de ces écrivains inclassables. Certains critiques ont tenté de relever le défi conceptuel que représente l'étude de ce corpus en marge des littératures nationales, en concluant sur un ton de résignation qu'il y a autant de cas particuliers que d'auteurs polyglottes2 . D'autres ont cependant essayé d'avancer une typologie plus ou moins efficace quoique souvent très limitée par sa prétention universelle3. Ailleurs nous avons esquissé quelques considérations spécifiques sur le cas Bianciotti et nous chercherons ici à ébaucher quelques hypothèses à propos de son dernier ouvrage en date que nous n'avions pas pu inclure dans le travail précédent4. Comme la trace de l'oiseau dans l'air est le dernier volet de son œuvre d'autofiction sur un total de quatre5. Mais il convient de rappeler ce que nous entendons par autofiction et dans quel contexte ce virage s'opère chez Bianciotti. 40 Summer 2004 Gasquet Cosmogonies intimes Graciana Vázquez Villanueva avait signalé qu'on ne pouvait pas constater une évolution dans l'œuvre de Bianciotti sans tomber dans une explication téléologique qui permettrait de justifier un parcours à la lumière de son (ou de ses) dernier(s) ouvrage(s). Ceci irait aussi à rencontre du propre avis de l'auteur , d'après le critique6. Nous ne partageons pas cette opinion: Bianciotti est persuadé qu'il existe une destinée pour chacun et que l'écrivain (lui-même) est ainsi déterminé7. Cependant, il est inévitable d'observer une cassure de parcours quand on jette un regard rétrospectif. Il est aussi tentant d'expliquer ce virage déterminant qu'est le changement de langue d'expression en cherchant des raisons dans les deux rives: en creusant dans ses ouvrages en espagnol et dans ceux en français, mais aussi en étudiant sa vie là -bas et celle d'ici, cette double traversée héroïque de l'Atlantique (d'abord celle de ses parents et ensuite la sienne). Malgré la rupture linguistique il doit y avoir des éléments qui permettent de rattacher ces deux aspects de l'œuvre et de la vie pour expliquer la cassure littéraire et existentielle à l'intérieur d'une même vie. C'est l'une des raisons—d'ailleurs avouée—qui le poussent à écrire encore. On doit pouvoir trouver des ponts qui unissent les univers littéraires espagnol et français, dénicher quelques symboles ou métaphores primordiales communs aux deux côtés. Cette quête littéraire est l'expression d'une vie, la vie de l'auteur. Mais il ne faut pas pour autant confondre vie et écrit, vie et littérature. Le récit soidisant autobiographique n'est pas la vie...

pdf

Share