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Dido Sotiriou, ou l'écriture impartiale de la guerre Georges Fréris DIDO SOTIRIOU1 EST UNE FEMME ÉCRIVAIN, vivement marqu ée par la guerre. Originaire d'Asie Mineure, d'une famille grecque de grands bourgeois, elle a connu la guerre, vivant et subissant toutes les conséquences catastrophiques que la Première Guerre mondiale eut sur son pays et sa génération. Cet impact explique son engagement à gauche et dans la Résistance contre les Nazis, lors de la Seconde Guerre mondiale et de la Guerre Civile grecque qui a suivi. Éduquée à devenir une «femme du monde», elle s'est occupée de journalisme, découvrant très tard le monde des lettres. Elle n'a écrit son premier roman, Les Morts peuvent se faire attendre, qu'en 1959. C'est une œuvre autobiographique qui retrace sa propre vie sous l'impact de la guerre. Le même thème sera repris en 1962, lors de son second roman, Un jardin d'Anatolie, œuvre qui l'a rendue célèbre. La littérature, pour Dido Sotiriou, remplit avant tout une fonction sociale: elle forme les consciences humaines. Le charme ou la valeur artistique viennent après. Ce qui compte c'est le thème, c'est l'engagement, c'est l'impact du récit sur le lecteur, c'est la représentation de la réalité à travers la fiction. C'est pourquoi son œuvre s'inscrit dans le cadre de l'autobiographie romancée2. Une autobiographie qui reflète la réalité sous la vision d'une jeune fille qui, à cause de la guerre, a été expulsée, avec sa famille et tout un peuple, du «jardin d'Eden», d'Anatolie. La guerre n'a rien d'héroïque chez elle, n'étant pas le résultat d'une quelconque idéologie nationaliste. La guerre, pour cette «immigrée» d'Asie Mineure, est la conséquence logique des inégalités humaines, elle est la source naturelle d'une multitude de malheurs qui font souffrir l'humanité après la fin des hostilités, elle est la principale menace de l'entente et de la cordialité entre les gens, indépendamment de leur religion, de leur langue ou de leur classe sociale. Pour elle, décrire la guerre tend, à première vue, à exclure toute visée poétique : Dido Sotiriou semble se préoccuper du réel, du vrai, du sujet, du sens, du contenu, de l'idéologie et de l'histoire. Une conséquence de cette attitude est que l'idéologie qui ressort de son texte de roman de guerre tend à se confondre avec la représentation d'une société ou d'une classe sociale3. Mais dans aucun cas, son idéologie n'exprime une vérité absolue. Par le terme idéologie, nous entendons le rapport imaginaire à un monde réel, le texte du roman de Vol. XL, No. 2 33 L'Esprit Créateur guerre étant axé sur un réel supposé, connu par le lecteur (dates, lieux, referents, etc.), ce qui rend plus intéressante l'analyse des institutions, des jeux du pouvoir, des moments historiques de crise ainsi que des passages textuels qui s'y réfèrent. Il ne faut pas oublier que Dido Sotiriou, comme tous les auteurs de romans de guerre, parallèlement à ses intentions littéraires, a toujours pris soin de laisser un «message». Elle a voulu, en écrivant ses œuvres, se délivrer de Γ aventure-chimère vécue, ce qui explique la richesse de son œuvre romanesque. Partant d'une telle position idéologique, si humaine et si «utopique», on comprend bien pourquoi Dido Sotiriou s'est aventurée si tard dans les lettres grecques. Sa vie ayant été vivement marquée par une série d'événements malheureux, tous dus à la guerre, et embrassant une idéologie qui s'opposait à la guerre et favorisait la non exploitation de l'homme par son prochain, elle a pris la grande décision de montrer, une fois parvenue à la maturité, le vrai visage de la guerre, sans l'alourdir de causes politiques, sans le mêler d'arri ère-pensées nationalistes...

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