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Des corps et des frontières: les lieux du sida Martine Delvaux DANS SON ESSAI sur les représentations métaphoriques du sida, paru en 1989, Susan Sontag emprunte à Aristote la définition suivante: "Metaphor consists in giving the thing a name that belongs to something else". La lecture que Sontag fait de la métaphore militaire qui habite le discours entourant le sida prend appui sur cette description, et vise à illustrer comment une structure linguistique virale comme celle de la métaphore (donner à une chose le nom d'une autre) a un effet de stigmatisation: The metaphor implements the way particularly dreaded diseases are envisaged as an alien "other," as enemies are in modern war; and the move from the demonization of the illness to the attribution of fault to the patient is an inevitable one, no matter if patients are thought of as victims. (Sontag, 99) Comme elle l'avait fait douze ans auparavant au sujet du cancer, son travail sur le sida a pour but de démystifier les tactiques d'un discours social ambiant qui, par l'entremise d'une représentation multiface du sida comme guerre, vise à se l'aliéner dans un effort de décontamination renvoyant sur le sida et les sidéens la responsabilité du bouc émissaire. En contaminant Pobjet-sida des valences associées à la guerre, la métaphore militaire accroît l'anxiété qui l'entoure, mobilisant les troupes d'un côté comme de l'autre: corps purs et contaminés. A la lumière de cette logique, je joins une seconde définition de la métaphore, trouvée chez Michel de Certeau qui s'inspire de l'emploi, dans la Grèce contemporaine , du mot "metaphorai" au sens de "transport en commun"2: celui d'un corps social paranoïaque qui rejette un sida qui fait néanmoins partie de lui, qui le définit; celui aussi d'un corps (de) sidéen(s) appelé à se construire non seulement dans le cadre de ce rejet social mais à l'intérieur d'une division qui dresse le sidéen contre le sida, c'est-à -dire, quelque part, contre lui-même. C'est ce double investissement du corps (et de l'entourage) en tant qu'allié et ennemi que décrit Alain Emmanuel Dreuilhe dans Corps à corps. Journal du sida3 au moyen d'une allégorie militaire: Vol. XXXVII, No. 3 83 L Έ SPRIT C RÉATEUR Î peut paraître paradoxal de voir l'hôpital à la fois comme une tranchée et un refuge, ou ma sortie comme une démobilisation et un retour au front. Pourtant je n'ai aucun mal, dans l'univers incohérent que je me suis fabriqué pour rationaliser ma situation, à dépasser ces contradictions. Tout est devenu ambivalent depuis que j'ai perdu ma propre ambivalence . (Dreuilhe, 107) Ce qui domine dans l'autobiographie de Dreuilhe, c'est ce point de vue qui accorde aux signes une double valeur, qui les empreint d'une ambivalence qui symbolise le fait de vivre en compagnie du sida, et le récit, public ou intime, qui peut être fait de cet état. Ainsi, dans ce texte, comme dans le discours social, le sida se présente comme un espace discursif /symbolique menaçant en ce qu'il suggère un constant effacement des frontières—entre les corps, les nations ou les genres (sexuels, litt éraires...). De ce fait, il instaure une économie de l'ambivalence que vient représenter, pour le meilleur ou pour le pire, l'allégorie militaire ainsi qu'une isotopie de la nation qui lui est consubstantielle. Le rejet du sida comme "étranger" à l'intérieur de certains discours sociaux sur l'origine de la pandémie, sa perception comme un corps ambivalent dangereux, s'oppose à la représentation autobiographique qu'en fait Alain Emmanuel Dreuilhe, pour qui le sida, mon sida, est ambivalent: chez lui comme en chacun de nous, comme le suggère aussi Alexander GarcÃ-a Düttman: AIDS renders (geopolitical, social, economic, national, cultural, ethnic, sexual) boundaries permeable and tears down the limits that have been established. For this reason only a thinking of...

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