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Reviewed by:
  • Les songes de Clio. Fiction et Histoire sous l'Ancien Régime
  • Marie-Christine Pioffet
Les songes de Clio. Fiction et Histoire sous l'Ancien Régime, s. la dir. de Sabrina Vervacke, É ric Van der Schueren et Thierry Belleguic. Québec, Les Presses de l'Université Laval, Les collections de la Républiques des Lettres, Symposium, 645 p., 40$

Clio, « muse » vénérée durant l'Ancien Régime, continue d'inspirer aujourd'hui. C'est à elle que l'on doit les Actes du colloque de Québec tenu en octobre 2003. Il ne saurait être question ici de parler de chacune de ces contributions, 31 au total, qui visent à montrer que, dans la littérature de cette période, l'histoire flirte avec le rêve et l'imagination. Je me contenterai d'en commenter quelques-unes. Le recueil s'ouvre sur une fine analyse de Patrick Dandrey consacrée aux ambiguïtés de l'écriture mémoriale au XVIIe siècle qui marie par un entrelacs subtil « l'anecdote », « la confession » et la «méditation morale » à la « fiction romancée ». Quant à la grande histoire, elle offre, selon cette enquête, un vaste réservoir de « mythes » sur lesquels « l'humanisme chrétien, la morale de l'héroïsme ou l'absolutisme monarchique viendront greffer leurs aspirations et projeter leurs conflits par analogie et parallèle ». Sous la plume de Corneille, le paradigme de l'Antiquité permet d'asseoir des idées nouvelles ; il sert notamment la quête d'identité des Français. Dans l'épopée, fables et histoires s'interpénètrent et s'infléchissent mutuellement. Les références du passé chez Scudéry invitent à un décodage [End Page 615] allégorique. Le tressage entre les faits et la fiction dépasse de loin le cadre théorique étroit de la vraisemblance ou de l'imitation du réel.

François Cornillat se concentre, pour sa part, sur les métamorphoses poétiques de Clio des rhétoriqueurs à Jodelle. Les hauts faits du passé galvanisent l'inspiration d'un Marot ou d'un Ronsard prompts à exalter des sujets nobles, mais l'histoire devient vite un miroir déformant qui s'obscurcit par le biais de la rhétorique épidictique trop fardée. Dans la même perspective, Jean-Claude Moisan scrute les rapports aporétiques que la fable entretient avec l'Histoire. Tantô t celle-ci fournit le moyen de masquer complètement la vérité, tantô t elle réinterprète ou révèle l'Histoire ; elle acquiert par le fait même une fonction presque transitive. Max Vernet choisit de s'intéresser au concept de « singularité » dans Les événements singuliers (1627), de Jean-Pierre Camus, collation de faits divers qui, malgré leur étrangeté, frappent par leur caractère sériel. L'anecdote enchâssée dans un recueil a fonction d'exemplum. Exemplaires sont aussi les portraits qui figurent dans Le palais des nobles Dames (1534), qui, comme l'affirme Diane Desrosiers-Bonin, véhicule « une vision morale de l'Histoire, en l'occurrence celle de la vertu féminine à travers le temps, l'Histoire, la mythologie pour en montrer la variété et la richesse ». Le songe permet ici de rassembler des femmes de différentes époques et de donner à cette apologie transhistorique un cadre plausible.

Les romans historiques de Gomberville font l'objet d'une étude attentive de Bernard Teyssandier. L'écrivain a toujours entretenu une position ambiguë par rapport à l'Histoire. Son œuvre met au jour « la confusion constante entre personnes et personnages ». La plus belle illustration de ce métissage réside sans aucun doute dans le célèbre Polexandre qui « s'inspire de la figure [. . .] de Charles Martel et constitue en quelque sorte une préfiguration de Louis XIII, sa réalisation idéale ». Les souvenirs embellis du passé chez ce polygraphe concourent à redonner au roi et à la monarchie française son éclat d'antan.

Le XVIIIe siècle repense parfois l'histoire dans une perspective cyclique, comme le montre Marc André Bernier dans une stimulante étude intitulée « Les Lumières au prisme...

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