University of Toronto Press
  • Progrès ou recul :réflexions sur l'accessibilité à la justice pour les victimes de harcèlement sexuel au travail au Québec
Résumé

Au Québec, l'étiquette juridique accolée au harcèlement sexuel a connu plusieurs changements depuis la première décision canadienne dans ce domaine en 1980. La qualification juridique du harcèlement sexuel est passée de faute extracontractuelle en vertu de l'article 1053 du Code civil du Bas-Canada (maintenant art. 1457 du Code civil du Québec) à une atteinte au droit à l'égalitéselon la Charte des droits et libertés de la personne (art. 4, 10, 10.1, et 46) et la Charte canadienne des droits et libertés (art. 15) à une lésion professionnelle au sens de la Loi sur les accidents du travail et maladies professionnelles (art. 2) à un problème de relations de travail (pour les travailleuses syndiquées) à du harcèlement psychologique selon les nouvelles dispositions de la Loi sur les normes du travail. Un comportement harcelant peut se voir accoler toutes ces étiquettes à la fois. Cependant, quelquesunes d'entre elles imposent le forum compétent. Dans certains cas, il s'agira de compétence exclusive; dans d'autres, de compétence concurrentielle. Enfin, dans d'autres, il n'est pas clair quelle instance a compétence. Le présent texte se penche, en tenant compte des rapports sociaux de sexe, sur les enjeux que ces changements d'appellations et de forum posent à l'accessibilitéà la justice des victimes de harcèlement sexuel au travail. Les débats sur la compétence juridictionnelle, et les changements de catégories juridiques qui en découlent, en matière de harcèlement sexuel au travail ontils étépositifs pour les femmes eu égard à leur accessibilitéà la justice? L'auteure conclut que les changements se sont faits sans tenir compte des réalités et des besoins des victimes.

Abstract

In Québec, the legal definition of sexual harassment has undergone many changes since the first Canadian decision in this area in 1980. The legal qualification of sexual harassment has gone from being an extra-contractual tort under article 1053 of the Civil Code of Lower Canada (now Art. 1457 of the Civil Code of Québec), a breach of equality rights under the Charter of Rights and Freedoms (art. 4, 10, 10.1, and 46) and the Canadian Charter of Rights and Freedoms (section 15), an employment injury as defined in [End Page 197] section 2 of the Act respecting industrial accidents and occupational diseases to a labour relations problem (for unionized women workers) or psychological harassment under the terms of the new amendments to the Act respecting labour standards. Harassing behaviour can come under all of these legal qualifications at the same time. Some of these laws, however, impose a single jurisdiction. In certain circumstances, the jurisdiction will be exclusive; in other instances, parallel jurisdictions are available. Finally, in other cases, it is not yet clear which tribunal has jurisdiction. This article analyzes the issues raised by these many changes in labeling and in forum, from a gender perspective, with respect to access to justice for victims of sexual harassment in the workplace. Have these debates on jurisdictions and consequent changes in legal qualifications had a positive effect on women's access to justice? The author concludes that these changes have been made without taking into account the realities and needs of victims.

Plan

  1. 1. Le harcèlement sexuel comme lésion professionnelle

  2. 2. Le harcèlement sexuel comme problème de relation de travail

  3. 3. Le harcèlement sexuel comme atteinte à l'égalité

  4. 4. Le harcèlement sexuel comme harcèlement psychologique

La reconnaissance judiciaire et législative du harcèlement sexuel comme comportement illégal envers les femmes a connu des débuts prometteurs. La première décision rendue par un tribunal canadien dans ce domaine date de 19801. L'arbitre décide que le harcèlement sexuel constitue de la discrimination fondée sur le sexe. En 1984, la Cour supérieure du Québec reconnaît que le harcèlement sexuel est une faute extracontractuelle au sens de l'article 1053 Code civil du Bas-Canada (C.c.B.C.)2. Déjà en 1979, dans son ouvrage Sexual Harassment of Working Women3, Catharine Mackinnon [End Page 198] avait dénoncéce phénomène et avait établi le lien avec la discrimination fondée sur le sexe. En 1982, l'article 10.1, qui prohibe le harcèlement basé sur des motifs discriminatoires, est ajoutéà la Charte des droits et libertés de la personne4. En 1983, une disposition interdisant le harcèlement sexuel apparaît dans la Loi canadienne sur les droits de la personne5. Quelques années plus tard, la Cour suprême tient responsable l'employeur pour les gestes harcelants de son employédans l'arrêt Robichaud c. Canada (Conseil du Trésor)6. Elle a aussi reconnu le caractère discriminatoire du harcèlement sexuel dans l'arrêt Janzen c. Platy Enterprises7. Le droit et le système judiciaire semblent donc avoir étéréceptifs aux plaintes portées par les femmes victimes de harcèlement sexuel au travail.

Pourtant, déjà au Québec en 1989, se profile pour la victime de harcèlement sexuel un problème juridique qui prendra de l'ampleur : la question du choix du bon forum8. L'arbitre de griefs aurait compétence pour entendre la plainte d'une travailleuse syndiquée, victime de harcèlement sexuel par un co-travailleur, et non le tribunal de droit commun.

Ainsi, l'étiquette juridique accolée au harcèlement sexuel a connu plusieurs changements depuis la première décision canadienne rendue dans ce domaine en 19809. La qualification juridique du harcèlement sexuel est passée de faute extracontractuelle en vertu de l'article 1053 C.c.B.C. (maintenant art. 1457 du Code civil du Québec (C.c.Q.)) à une atteinte au droit à l'égalitéselon la Charte des droits et libertés de la personne (art. 4, 10, 10.1, et 46)10 et la Charte canadienne des droits et libertés (art. 15)11 à une lésion professionnelle au sens de la Loi sur les accidents du travail et maladies [End Page 199] professionnelles (art. 2)12 à un problème de relations de travail (pour les travailleuses syndiquées) à du harcèlement psychologique pour toutes les salariées selon les nouvelles dispositions de la Loi sur les normes du travail13. Un comportement harcelant à caractère discriminatoire peut se voir accoler toutes ces étiquettes à la fois. Cependant, certaines d'entre elles imposent le forum compétent. Dans certains cas, il s'agira de compétence exclusive; dans d'autres, de compétence concurrentielle. Enfin, dans d'autres, il n'est pas clair quelle instance a compétence. On y perd son latin.

Dans le cadre du 20e anniversaire de la Revue Femmes et Droit, le présent texte se penche, en tenant compte des rapports sociaux de sexe, sur les enjeux que ces changements d'étiquette et de forum posent à l'accessibilitéà la justice pour les victimes de harcèlement sexuel au travail. Les débats sur la compétence juridictionnelle, et les changements de catégories juridiques qui en découlent, en matière de harcèlement sexuel au travail ont-ils étépositifs pour les femmes ?

La question de fond, à savoir si les changements d'appellation ont permis une plus grande accessibilitéà la justice pour les femmes victimes de harcèlement sexuel au travail, appelle des commentaires. Quel changement peut être considérécomme « positif » du point de vue d'une meilleure accessibilitéà la justice pour les victimes de harcèlement sexuel au travail?

Plusieurs critères peuvent être utilisés pour évaluer l'accessibilitéà la justice 14: la connaissance de ses droits par la justiciable, les coûts et les délais de l'action en justice, le caractère public de l'action et de la décision, la sensibilitéde l'instance aux réalités de la demanderesse, le rôle de la demanderesse dans la procédure retenue, le type d'indemnisation accordée, les personnes objets de la plainte, le caractère indépendant du tribunal, les règles de preuve et de procédure, etc. Par ailleurs, un changement qui permet une meilleure accessibilitéà la justice pour les femmes en général n'est [End Page 200] peut-être pas positif pour les femmes prises individuellement. Ainsi, la reconnaissance juridique du harcèlement sexuel comme atteinte au droit à l'égalitéde la travailleuse marque un progrès important pour les femmes. Mais le processus judiciaire peut être source de stress pour la victime qui entreprend une telle action. Le seul fait de porter plainte auprès de son employeur peut la placer dans une situation encore plus vulnérable. Le harcèlement peut augmenter ; d'autres harceleurs peuvent se mettre de la partie15. L'action sera d'autant plus stressante pour les femmes qui sont victimes de formes multiples de discrimination. Ensuite, le caractère positif du changement dépend de chaque femme : veutelle être entendue par un tribunal, être indemnisée, que le harceleur cesse, qu'il soit puni, que l'employeur corrige la situation? Les actions de la victime s'ajusteront àses besoins et àsa perception que justice a été faite. Il n'est donc pas possible de porter un jugement général sur la situation. Mais, comme je tenterai de le démontrer, il n'en demeure pas moins que les conflits de compétence réduisent l'accessibilité à la justice des femmes victimes de harcèlement sexuel au travail.

Comme prémisse de base, je distingue le harcèlement sexuel au travail d'autres formes de lésion professionnelle ou d'abus au travail, comme le harcèlement psychologique. Bien que dans ces deux cas il s'agisse d'abus, le harcèlement sexuel a lieu en raison de la position de subordination des femmes dans une sociétépatriarcale et dans un monde du travail où les femmes occupent trop souvent les emplois peu payés et offrant peu de stabilité. Le harcèlement sexuel n'est pas un problème personnel entre le harceleur et la victime, mais plutôt une réalité à caractère systémique. Ainsi, certains milieux de travail et certains genres d'emplois seront plus propices à des manifestations de harcèlement sexuel.

J'ai choisi de discuter de cette question en suivant le raisonnement que doit adopter une victime de harcèlement sexuel au travail afin de déterminer le bon forum habilité à l'entendre. Le texte se divise en quatre parties. D'abord, le remède qui exclut tous les autres : la compétence exclusive de la Commission de la santéet de la sécurité au travail (C.S.S.T.), si le harcèlement sexuel au travail constitue une lésion professionnelle au sens de la L.A.T.M.P. Ensuite, la procédure qui exclut toutes les autres pour les [End Page 201] travailleuses syndiquées : le recours devant l'arbitre de griefs. Suit la plainte pour harcèlement sexuel devant la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse du Québec (C.D.P.Q.) et enfin, la plainte auprès de la Commission des normes du travail (C.N.T.) pour harcèlement psychologique. D'autres possibilités de recours sont aussi mentionnées. Pour chaque instance, seront présentés les avantages et les inconvénients.

Les arguments soulevés ici s'appliquent àtoute forme de harcèlement discriminatoire, que ce soit racial, hétérosexiste, handicapiste ou autre. De même, les problèmes d'accessibilité à la justice engendrés par la multiplicité des recours et les questions d'exclusivité de compétence ont des répercussions encore plus graves pour les femmes victimes de harcèlement sexuel qui vivent des discriminations multiples16. Les femmes issues de minorités ethniques qui sont confrontées à des situations de harcèlement sexuel éprouveront encore plus de difficultés à faire valoir leurs droits, entre autres, si elles ne parlent pas la langue de la majorité, si elles ne connaissent pas leurs droits et si elles ne savent pas où aller pour obtenir de l'information17.

1. Le harcèlement sexuel comme lésion professionnelle

En 1996, dans l'arrêt Béliveau Saint-Jacques c. Fédération des employées et employés de services publics inc.18, la Cour suprême décide de protéger le compromis social que constitue le régime d'indemnisation des travailleurs accidentés19. Sous la plume du juge Gonthier, qui écrit pour la majorité20, la Cour suprême affirme que les articles 438 et 442 de la Loi sur les accidents du travail et maladies professionnelles (L.A.T.M.P.) interdisent tout recours en responsabilité civile, fût-il intenté en vertu de la Charte québécoise, contre l'employeur et le co-travailleur lorsque la victime subit une lésion professionnelle. Rappelons que Mme Béliveau Saint-Jacques avait été victime [End Page 202] de harcèlement sexuel de la part d'un collègue de travail. Elle avait obtenu une indemnisation de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (C.S.S.T.) et avait intent&eacute ;une action en responsabilité civile en Cour supérieure contre son collègue de travail, son employeur (qui est un syndicat) et son propre syndicat. La Cour supérieure avait rejeté la requête en irrecevabilité des défendeurs, car elle estimait que le recours fondé sur la Charte se distinguait de celui qu'offre la L.A.T.M.P. En appel, le tribunal avait décidé que la Cour supérieure avait compétence pour entendre l'affaire, mais seulement au regard de certains préjudices21. Ainsi, l'arrêt de la Cour suprême interdit tout recours aux autres tribunaux, dès que le harcèlement discriminatoire (ou toute autre lésion) constitue une lésion professionnelle.

Par la suite, dans l'affaire Beaudet et Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c. Genest22, la Cour d'appel a précisé que le régime d'indemnisation en vertu de la L.A.T.M.P. n'est pas optionnel : il n'appartient pas à la victime de harcèlement sexuel au travail, ou de toute autre lésion professionnelle, de décider si elle se prévaut ou non du régime. Si le harcèlement sexuel constitue une lésion professionnelle, et seules les instances spécialisées prévues par la L.A.T.M.P. peuvent se prononcer sur cette question23, tout recours civil contre l'employeur ou le co-employé est interdit.

La question du caractère bénéfique de l'arrêt Béliveau St-Jacques pour les femmes victimes de harcèlement sexuel au travail a été soulevée24. [End Page 203] En plus d'éviter les longs délais à la C.D.P.Q.25 ou devant les tribunaux de droit commun ainsi que les coûts inhérents, la victime obtient une indemnisation plus importante que celle accordée par le T.D.P.Q. ou par tout autre tribunal26. En cas de rechute, son dossier est réouvert, ce qui n'est pas possible devant le tribunal. De plus, comme le harcèlement sexuel constitue une réalitédu milieu du travail et porte atteinte à l'intégrité physique et psychologique des victimes, une loi qui indemnise les travailleurs accidentés doit aussi, en toute logique, compenser les victimes de harcèlement sexuel au travail. Si non elle s'expose à la possibilité d'être déclarée discriminatoire.

Cependant, l'arrêt Béliveau St-Jacques ne présente pas que des bénéfices pour les victimes de harcèlement sexuel au travail. D'une atteinte au droit à l'égalité, le harcèlement sexuel devient une lésion professionnelle au sens de la L.A.T.M.P. qu'il faut prouver27. Le harcèlement sexuel se transforme en maladie et la victime, en malade. Le harceleur s'en tire (La victime ne peut le poursuivre, bien qu'il puise être l'objet de sanctions disciplinaires par l'employeur28) et la victime n'obtient aucune reconnaissance sociale et juridique de l'atteinte àson droit à l'égalité. La C.S.S.T. ne peut ordonner à l'employeur aucune mesure pour faciliter le retour au travail de la travailleuse, comme muter l'employéharceleur. Sans compter que la victime devra peut-être porter en appel la décision initiale qui lui refuse l'indemnisation29. Le caractère systémique du harcèlement sexuel en milieu de travail est évacué, tout comme la relation de pouvoir entre le harceleur et la harcelée. De plus, l'affaire ne devient pas publique, comme lorsqu'elle est [End Page 204] soumise à un tribunal. Le caractère public peut avoir un effet dissuasif sur le harceleur et son employeur. Outre le fait que le coupable puisse être puni dans le cadre d'une poursuite, l'action judiciaire a un effet d'exemplarité: les autres harceleurs sont avertis. D'autres victimes peuvent aussi décider de porter plainte.

Bref, il n'est pas facile de départager les avantages des inconvénients d'une telle indemnisation. Comme l'affirme la professeure Lippel au sujet de la décision de la Cour suprême dans l'arrêt Béliveau St-Jacques, « la Cour [suprême] a répondu correctement à une question qu'il n'aurait vraisemblablement pas fallu poser »30.

2. Le harcèlement sexuel comme problème de relation de travail

Si une victime de harcèlement sexuel en quête de remède juridique doit d'abord s'interroger sur l'applicabilitéde la L.A.T.M.P., elle doit ensuite regarder son statut de travailleuse syndiquée. En effet, l'arbitre de griefs a compétence sur toute question liée à la mise en oeuvre de la convention collective31. Donc, dès que la convention collective fait référence aux droits garantis par les chartes ou au respect de la dignitédes travailleurs, sans référence spécifique au harcèlement discriminatoire, ou même lorsqu'elle prévoit une clause qui donne compétence à l'arbitre pour les conflits relatifs [End Page 205] aux conditions de travail, la travailleuse syndiquée victime de harcèlement sexuel au travail qui reproche une faute quelconque à l'employeur doit s'adresser àson syndicat, qui lui décidera de la pertinence de déposer un grief. L'arbitre de griefs peut utiliser une gamme de mesures réparatrices, qui varient selon les termes de la convention collective : des mesures disciplinaires, l'octroi de dommages-intérêts pécuniaires et non pécuniaires et exemplaires, la réintégration à un poste ou l'attribution d'un poste, etc.32

Par ailleurs, la travailleuse syndiquée, qui ne serait pas victime d'une lésion professionnelle au sens de la L.A.T.M.P., peut poursuivre l'employé harceleur (et non l'employeur) devant un tribunal de droit commun (par exemple, la Cour du Québec)33. La travailleuse syndiquée, qui a été victime d'une lésion professionnelle à la suite du harcèlement sexuel et qui a étéindemnisée, peut utiliser la procédure du grief contre l'employeur, mais pour obtenir un redressement autre que monétaire34.

L'inclusion des litiges liés aux droits fondamentaux dans le champ de compétence de l'arbitre de griefs a fait couler beaucoup d'encre35. Les comportements harcelants en milieu de travail devraient-ils être considérés comme des questions de relation de travail ? Certaines auteures considèrent que ces questions devraient plutôt être laissées aux tribunaux de droit commun ou aux instances spécialisées en droits de la personne36. L'arbitre de griefs est choisi pour sa connaissance des milieux de travail plutôt que pour sa sensibilitéau respect des droits fondamentaux. Comme l'a [End Page 206] affirméla Cour d'appel, « [l]e colportage de commentaires déplacés à connotation machiste ou sexuelle n'est pas l'apanage des relations employeurs-employés. »37

Mais quel recours est le plus avantageux pour la victime de harcèlement sexuel ? Il faut d'abord noter la position ambiguë du syndicat : si l'employeur a sévi contre l'employéharceleur (par exemple, par un congédiement ou une suspension), ce même syndicat pourra être appeléà défendre son membre si ce dernier désire porter grief. Pourra-t-il à la fois prendre position en faveur de la victime et du harceleur ? Ensuite, si le syndicat ne soumet pas un grief à l'arbitrage, la travailleuse victime peut contester ce refus devant la Commission des relations du travail38.

3. Le harcèlement sexuel comme atteinte à l'égalité

La victime de harcèlement sexuel non syndiquée, qui n'est pas victime d'un accident du travail, peut déposer une plainte à la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse du Québec (C.D.P.Q.) contre l'employéharceleur et l'employeur de celui-ci pour atteinte àson droit à l'égalité. Depuis 1997, elle ne jouit plus d'un accès direct au Tribunal des droits de la personne du Québec (T.D.P.Q.)39. La Cour d'appel a en effet interdit aux victimes d'une atteinte à leur droit à l'égalitéde saisir directement le T.D.P.Q. ; elles devront nécessairement passer par la C.D.P.Q., qui elle décidera de la suite du dossier40. La Commission fait enquête et peut intenter une action devant le T.D.P.Q. au nom de la plaignante, si la médiation ou la recherche d'un règlement n'a pas eu de succès41. La C.D.P.Q. assume alors tous les coûts.

Des auteurs ont soupeséles avantages et les inconvénients de la présence de la C.D.P.Q. comme mécanisme de filtrage des plaintes42. Le fait que la C.D.P.Q. prenne l'affaire en main et que le processus soit gratuit constitue l'avantage majeur qu'offre la C.D.P.Q. à la victime de harcèlement sexuel. [End Page 207] La Commission entreprend une enquête et selon les résultats obtenus, elle tentera d'en arriver à un compromis entre les parties43. Si le compromis est impossible, elle peut décider de mener l'affaire devant le T.D.P.Q. L'avocat ou l'avocate qui représente la victime est spécialisédans le domaine, connaît les règles de preuve et de procédure du T.D.P.Q. et la demande a moins de chance d'être rejetée, même si le succès n'est pas garanti, que si la plaignante se représente elle-même sans l'aide d'un avocat.

Du point de vue de la victime de harcèlement sexuel, la gestion des plaintes par la C.D.P.Q. constitue sans doute le plus gros problème. Toutes les plaintes de harcèlement sexuel qui sont fondées ne sont pas soumises au T.D.P.Q., puisque la C.D.P.Q. possède des ressources limitées et elle doit effectuer des choix selon des critères qui sont étrangers à la victime. Bien que l'avocat ou l'avocate de la C.D.P.Q. représente la plaignante, leurs intérêts divergent : la plaignante veut que le tort qu'elle a subi soit réparé; l'avocate de la C.D.P.Q. vise aussi cet objectif, mais elle cherche davantage à faire avancer le droit. Selon des auteures, la C.D.P.Q. « n'envisage le recours au tribunal [T.D.P.Q.] que de manière exceptionnelle ou encore à des fins exemplaires »44. La C.D.P.Q. encourage aussi le compromis. Dans certains cas, aucune enquête ne serait menée puisque la C.D.P.Q. préférerait en arriver à un règlement45. Une plaignante qui a déjà attendu plusieurs années pourra s'accommoder d'un compromis, alors qu'elle aurait préféréaller devant le T.D.P.Q. Bref, les priorités de la C.D.P.Q. ne prennent pas nécessairement en considération les désirs et les besoins de la victime.

Les délais d'attente constituent un autre problème pour l'accessibilité à la justice des victimes de harcèlement sexuel46. En raison des ressources limitées de la C.D.P.Q, les plaignantes doivent attendre plusieurs années avant de connaître un dénouement dans leur dossier. L'écoulement du temps joue contre la victime : les éléments de preuve disparaissent, la mémoire oublie et la victime perd espoir que justice soit faite. De plus, les montants de dommages-intérêts (tant pour les pertes pécuniaires que non pécuniaires et pour les dommages-intérêts exemplaires) réclamés par la C.D.P.Q. sont minimes47, bien qu'elle puisse aussi demander des [End Page 208] mesures autres que monétaires, tels des lettres d'excuse, la réintégration au travail, une ordonnance de cesser tout acte, toute déclaration ou toute attitude discriminatoire, etc. Le T.D.P.Q. a indiqué à plusieurs occasions à la C.D.P.Q. que le montant des dommages-intérêts demandés n'était pas adéquat48.

Compte tenu des lacunes de la C.D.P.Q., l'accès direct au T.D.P.Q. pourrait être préférable pour les victimes de harcèlement discriminatoire. Le T.D.P.Q. est spécialisédans le domaine de la discrimination; la procédure y est moins formelle; il est en mesure d'accorder une gamme de remèdes plus vaste49. Mais ce n'est pas non plus la panacée. La victime de harcèlement sexuel est-elle en mesure de déposer seule une plainte?50 Si elle se représente seule, elle est désavantagée par rapport au défendeur qui pourra être assistépar avocat, s'il s'agit par exemple d'une entreprise. Les coûts empêchent de nombreuses victimes de discrimination de porter plainte51. Si aucun filtrage des plaintes n'est fait, certaines victimes se verront déboutées parce qu'elles se sont adressées au mauvais endroit. Pensons à la victime d'un accident du travail qui ne peut intenter un recours devant un tribunal. [End Page 209]

4. Le harcèlement sexuel comme harcèlement psychologique

Récapitulons. La victime de harcèlement sexuel au travail a accès Représentement à toute une panoplie de remèdes juridiques, certains s'excluant mutuellement, d'autres pouvant être cumulés. Il faut toutefois bien connaître toutes les subtilités juridiques pour frapper à la bonne porte.

S'il s'agit, ou s'il semble s'agir, d'une lésion professionnelle, c'est-à-dire que les événements qu'elle a vécus au travail ont mené à du stress chronique qui l'a rendue inapte au travail, la travailleuse syndiquée ou non doit nécessairement déposer une demande d'indemnisation auprès de la C.S.S.T. en vertu de la L.A.T.M.P.52 Si elle obtient une indemnisation, tout autre recours juridique contre son employeur ou un co-employé est interdit.

Si elle est syndiquée, et qu'il ne s'agit pas d'une lésion professionnelle, elle doit se tourner vers son syndicat pour qu'il dépose un grief contre l'employeur53. Elle peut aussi déposer une action contre l'employé harceleur devant un tribunal de droit commun54 ou porter plainte à l'encontre de ce dernier auprès de la C.D.P.Q.

Si elle n'est pas syndiquée, et qu'il ne s'agit pas d'une lésion professionnelle, la C.D.P.Q. peut recevoir sa plainte contre l'employeur et l'employé harceleur55, faire enquête et éventuellement intenter une action devant le T.D.P.Q., si aucun règlement à l'amiable n'est envisageable.

Une action devant le tribunal de droit commun, fondée sur l'article 1457 C.c.Q. ou sur l'article 4 et 10.1 de la Charte québécoise, contre l'employeur et l'employéharceleur demeure toujours possible pour la victime non syndiquée et qui n'a pas été indemnisée par la C.S.S.T., mais elle doit alors assumer les [End Page 210] coûts d'une telle entreprise56. Les délais y sont cependant moins longs que ceux du processus à la C.D.P.Q. Elle demeure en contrô le de la situation : elle choisit sa stratégie, les témoins et les experts, ce qui n'est pas le cas lorsqu'elle est représentée par la C.D.P.Q. Cependant, la procédure est plus lourde devant un tribunal de droit commun et ce dernier n'est pas spécialisédans les questions de droits fondamentaux. Ce recours demeure rare, compte tenu des coû ts et des dommages-intérêts minimes que les tribunaux accordent.

Le cas échéant, la victime peut aussi contester son congédiement en vertu de l'article 124 L.N.T.57 Si elle travaille dans une entreprise qui relève de la compétence du gouvernement fédéral58, elle s'adresse à la Commission canadienne des droits de la personne contre son employeur et l'employé harceleur59. Le recours auprès de comités de discipline des corporations professionnelles est aussi possible60. Certaines entreprises privées non syndiquées ont adoptédes politiques internes de lutte contre le harcèlement61, qui prévoient des modalités de dépôt de plainte. Les sanctions sont disciplinaires, la victime ne pouvant obtenir de compensation monétaire pour le préjudice qu'elle a subi. Toute victime qui intente une action ou porte plainte peut aussi être poursuivie en diffamation par le harceleur62. La victime peut aussi porter plainte auprès des autorités policières en vertu de l'article 264 du Code criminel pour harcèlement, si elle peut prouver hors de tout doute raisonnable les éléments de l'infraction63.

Quant à la victime de harcèlement sexuel dans un autre milieu que le travail (par exemple, dans le domaine de l'éducation, entre locateur et locataire), ses options sont différentes. Outre le recours devant le tribunal [End Page 211] de droit commun contre le harceleur et son employeur, elle peut déposer une plainte auprès de la C.D.P.Q. et éventuellement son affaire pourra être entendue par le T.D.P.Q.

Comme si la situation n'était déjà pas assez complexe pour les victimes de harcèlement sexuel au travail, les nouvelles dispositions de la Loi sur les normes du travail concernant le harcèlement psychologique sont entrées en vigueur le 1er juin 200464. Selon la définition de harcèlement psychologique65, le harcèlement sexuel en constitue une forme66. Les dispositions s'appliquent à tous les salariés, syndiqués ou non, cadres ou subalternes, visés par la L.N.T.67 La Commission des normes du travail (C.N.T.), ou l'arbitre de griefs pour les travailleurs syndiqués, est chargéde recevoir les plaintes des travailleurs contre les employeurs68, faire enquête69, et si les parties n'ont pas réussi às'entendre en médiation, la Commission des relations du travail (C.R.T.) est saisie de l'affaire70. La salariée est alors représentée par un avocat de la C.N.T. La salariée qui se dit victime de harcèlement psychologique a 90 jours de la dernière manifestation de la conduite reprochée pour déposer sa plainte71.

S'agit-il d'un autre recours pour la victime de harcèlement sexuel au travail ? Au lieu de s'adresser à la C.D.P.Q. pour atteinte àson droit à l'égalité, peut-elle se tourner vers la C.N.T. pour harcèlement psychologique? Comme la C.N.T. ne jouit pas d'une compétence exclusive, la salariée [End Page 212] peut déposer une plainte aux deux endroits. La C.D.P.Q. pourra cependant refuser ou cesser d'agir parce que la plaignante dispose d'autres recours que ceux prévus aux articles 49 et 80 de la Charte72.

Les nouvelles dispositions en matière de harcèlement psychologique n'empêchent pas la victime de déposer une demande d'indemnisation auprès de la C.S.S.T. Pour éviter des décisions contradictoires entre la C.S.S.T. et la C.R.T. ainsi qu'une double indemnisation, la C.R.T. réservera sa décision au sujet des ordonnances de l'article 123.15, para 2, 4, et 6, portant sur l'indemnitérelative au salaire perdu, des dommages et intérêts punitifs et moraux, et le financement du soutien psychologique requis dans le temps pour le salarié73.

Quelle avenue juridique est la plus avantageuse pour la travailleuse ? Encore là, la réponse n'est pas claire. Un recours qui peut être avantageux sur le plan juridique ne l'est peut-être pas personnellement pour la victime. Sur le plan juridique, à première vue, le processus à la C.D.P.Q. apparaî t plus profitable. La victime jouit d'un délai de trois ans pour déposer sa plainte auprès de la C.D.P.Q., alors qu'un délai de 90 jours s'applique à la C.N.T. La plainte à la C.D.P.Q est déposée contre l'employeur et l'employé. À la C.N.T., la plainte porte seulement contre l'employeur, pas contre l'employéharceleur. Devant la C.R.T., l'employeur peut toujours tenter de s'exonérer en faisant valoir qu'il a respectéson obligation de moyen de prévenir le harcèlement psychologique74. Au T.D.P.Q., l'employeur ne peut s'exonérer pour la faute de son employéen vertu de l'article 1463 C.c.Q.75

Cependant, le processus devant la C.D.P.Q. n'est pas parfait, comme nous l'avons précisé plus haut. Les montants accordés par la C.R.T. seront-ils plus élevés que ceux demandés par la C.D.P.Q.? Les délais d'enquête à la C.N.T. seront-ils plus courts que ceux de la C.D.P.Q.76? Comme la C.N.T. est financée par les employeurs, elle possède les ressources pour réduire les délais d'attente, ce qui n'est pas le cas de la C.D.P.Q.

Sur le plan personnel, il faut demander à la victime ce qu'elle recherche. Si elle désire que le harcèlement cesse, ce qui est habituellement le cas77, une [End Page 213] plainte auprès de l'employeur constitue la première mesure. De nombreux employeurs ont adoptéune politique anti-harcèlement et procèdent assez rapidement à une enquête interne. Un congéde maladie peut aussi permettre à la victime de tourner la page et à l'employeur, de corriger la situation pendant son absence. Si l'employeur fait la sourde oreille, alors une plainte auprès du syndicat ou auprès de la C.N.T. peut s'avérer nécessaire.

Par ailleurs, l'inclusion du harcèlement sexuel dans le concept de harcèlement psychologique déplace la preuve du « sexuel » vers le « psychologique ». Ce transfert peut sembler favorable pour la victime, puisque l'attention n'est plus placée sur le caractère sexuel du comportement. À mon avis, ce changement de perspective n'est qu'un leurre, puisque le modèle d'évaluation qui est retenu est celui de la personne raisonnable placée dans les mêmes circonstances78. Il s'agira donc d'évaluer si le comportement de la victime a éténormal par rapport à celui de cette personne mythique raisonnable. J'ai déjà critiquéles failles de ce modèle ailleurs79. Dans certains milieux de travail, des comportements peuvent être perç us comme normaux, alors qu'ils ne le seront pas dans d'autres. Il faut éviter de répéter les mêmes erreurs qu'en matière de harcèlement sexuel : les blagues et les comportements à caractère sexiste dans les milieux de travail traditionnellement masculins ne sont pas acceptables, même s'ils sont courants. En matière de harcèlement psychologique, tout comme en matière de harcèlement sexuel, c'est une affaire de perceptions, faite « entièrement de demi-nuances, de sous-entendus, d'émotions et parfois d'imagination et de fausses perceptions »80. Bref, qu'il s'agisse de harcèlement sexuel ou psychologique, dans les deux cas, ce sera le procès de la victime. Les réactions de la victime seront au centre du débat pour s'assurer qu'elle ne souffre pas de problèmes comportementaux, psychologiques ou autres. De plus, l'inclusion du harcèlement sexuel dans le concept de harcèlement psychologique occulte la réalitédu harcèlement sexuel en milieu de travail : il s'agit d'un abus de pouvoir et d'un problème de discrimination systémique. Le harcèlement sexuel a beaucoup plus de chance de survenir en raison des [End Page 214] caractéristiques structurelles et culturelles du milieu de travail81. Les femmes qui travaillent dans des métiers traditionnellement masculins ou féminins courent plus de risques d'être victimes de harcèlement sexuel.

Une question fondamentale se pose : quelle approche adoptera la C.R.T. en matière de harcèlement sexuel ou discriminatoire? Privilégiera-t-elle une approche de protection des droits fondamentaux? La définition du harcèlement psychologique fait clairement référence à la protection de la dignitéhumaine, droit garanti dans les chartes canadienne et québécoise. Tiendra-t-elle compte de la position des femmes dans le milieu de travail, de la relation de pouvoir entre le harceleur et la harcelée? Le harcèlement sexuel ou discriminatoire sera-t-il banaliséou rendu invisible par son inclusion dans le concept de harcèlement psychologique? Dans le cas d'une plainte devant le T.D.P.Q., le tribunal adopte une approche particulière aux droits fondamentaux. Ainsi, la Charte est interprétée de faç on large, puisque son objectif est de remédier à un problème social. Le tribunal tient compte que le harcèlement sexuel constitue un abus de pouvoir, et prend en considération les effets pervers chez la victime. L'intention du harceleur n'est pas pertinente. L'inclusion du harcèlement sexuel dans le concept de harcèlement psychologique constitue-elle un progrès ou un recul pour les victimes de harcèlement sexuel? Des études empiriques plus poussées devraient être entreprises sur le sujet.

Conclusion

La réponse du droit pour enrayer le harcèlement sexuel a été prometteuse. Le harcèlement sexuel constitue une atteinte au droit à l'égalité des femmes et au droit à la dignitéhumaine. Les tribunaux ont fait preuve de sensibilitéen reconnaissant la réalitédes femmes, par exemple en acceptant que certaines victimes ne se plaignent pas tout de suite ou n'indiquent pas clairement au harceleur de cesser son comportement vexatoire. Ils ont aussi reconnu le préjudice tant matériel que moral causéaux victimes. Les milieux de travail et les syndicats ont été sensibilisés à ce phénomène. En principe, même si le système n'est pas parfait, les victimes de harcèlement sexuel ont accès à la justice. Elles sont entendues et, le cas échéant, reç oivent une compensation. [End Page 215]

Cependant, les débats juridictionnels réduisent leur accessibilitéà la justice. La complexité de la détermination du forum compétent et les incertitudes qui en découlent peuvent décourager certainement les victimes les plus persévérantes (c'est-à-dire celles qui osent porter plainte82), qui sont déjà fortement ébranlées par l'expérience du harcèlement. Celles qui reç oivent non seulement un suivi thérapeutique mais aussi des conseils juridiques et qui sont guidées dans le dédale de recours ont plus de chance de réussir dans leur entreprise de quête de justice83. De plus, en raison de la multiplicité des recours et des questions d'exclusivitéde compétence, le phénomène du harcèlement sexuel disparaî t du discours juridique pour devenir soit une lésion professionnelle, un problème de relations de travail, ou la violation d'une norme de travail. La réalitédes victimes de harcèlement sexuel peut ne pas être prise en compte. Ces changements d'appellation effectués en raison du compromis social que constitue le régime d'indemnisation des accidents du travail, au nom de la paix industrielle qui accorde un large champ de compétence à l'arbitre de griefs, en raison du respect de la fonction de gestion des plaintes de la C.D.P.Q. et en raison de la protection des travailleurs ne se sont pas faits en tenant compte des conséquences néfastes pour les victimes de harcèlement sexuel. S'ajoute aussi la possibilité de jurisprudence contradictoire dans le domaine ainsi que de variation d'écarts dans le montant des dommages-intérêts accordés par les différents décideurs.

D'autres chercheuses féministes ont déjà observé le phénomène qui est ici à l'&oeliguvre84. Malgré toutes les précautions, les bénéfices - encore moins les effets pervers - des réformes législatives en faveur des femmes ne sont pas prévisibles. Les meilleures intentions des élus peuvent demeurer lettres mortes si les tribunaux sont incapables de faire preuve d'imagination et de faire progresser une loi. En matière de harcèlement sexuel, les tribunaux ont reconnu la réalitédu harcèlement sexuel et ont donné la parole aux femmes. Mais les changements d'étiquettes accolés au harcèlement sexuel, qui se sont produits sans évaluer les conséquences sur la situation des femmes, ont [End Page 216] entraîné des conflits de compétence qui se sont réglés au détriment des victimes de harcèlement sexuel. Par l'adoption de l'article 10.1 de la Charte québécoise, l'intention des élus était clairement d'enrayer ce comportement et de compenser la victime. Cette intention est-elle respectée ?

Il n'est pas facile de proposer des solutions à un problème aussi complexe. Déjà en 1996, certaines avaient proposéd'accorder à la victime de harcèlement sexuel un choix : soit une indemnisation en vertu de la L.A.T.M.P. ou un recours contre l'employéharceleur et l'employeur devant le tribunal de droit commun85. Le cumul des indemnités ne serait pas possible. La victime indemnisée par la C.S.S.T. conserverait son recours contre l'employé harceleur pour le préjudice non pécuniaire (dommages-intérêts non pécuniaires et exemplaires). Cette proposition a l'avantage de laisser le choix de recours à la victime.

En théorie, la plainte portée à la C.D.P.Q. devrait être la plus avantageuse pour la victime de harcèlement sexuel, puisque ce forum est spécialisédans le domaine du respect des droits fondamentaux. Ce n'est cependant pas le cas, comme je l'ai décrit plus haut. Des études empiriques sont cependant nécessaires. Bien que les besoins des victimes varient, elles veulent avant tout que le harcèlement cesse. L'employeur doit donc être sensibiliséà cette question et doit prévoir un mécanisme interne de plainte86. [End Page 217]

Louise Langevin

Louise Langevin est diplômée de l'Université de Montréal (B.A., LL.B.) et de l'Université de la Californie (Berkeley, LL.M.), et enseigne à la Faculté de droit de l'Université Laval, à Québec, depuis 1991 et est professeure titulaire depuis 2000. Elle est aussi membre du Barreau du Québec depuis 1986. Elle a été auxiliaire juridique auprès du très honorable Antonio Lamer, juge en chef de la Cour suprême du Canada, à Ottawa. Elle a enseigné à l'Université d'Ottawa, de Sherbrooke et de Montréal. Elle est membre fondatrice du comité du réseau Genre, Droits et Citoyenneté de l'Agence universitaire de la Francophonie et du Comité national de direction de l'Association Femmes et Droit. Ses champs de recherche et d'enseignement sont en obligations conventionnelles et extracontractuelles, en matière de droits fondamentaux, ainsi qu'en théorie féministe du droit. Elle a publié L'indemnisation des victimes de violence sexuelle et conjugale (Blais, 1998, avec N. Des Rosiers), Representing Victims of Sexual and Spousal Abuse (Irwin Law, 2002, avec N. Des Rosiers). Elle a travaillé sur la question du trafic des femmes et des enfants. Elle travaille présentement sur le consentement des femmes en matière contractuelle.

Acknowledgment

L'auteure désire remercier la professeure Lucie Lamarche, département de sciences juridiques, U.Q.A.M., et la professeure Michèle Caron, de l'école de droit de l'Université de Moncton.

Footnotes

1. Bell c. Ladas and the Flaming Steer Steak House, [1980] 1 C.H.R.R. D/155 (Ontario Board of Inquiry Decision). Les deux victimes perdront leur recours pour des raisons de preuve et de crédibilité

2. Foisy c. Bell Canada, [1984] C.S. 1164, infirmée pour des raisons d'absence de compétence de la Cour supérieure par la Cour d'appel, [1989] R.J.Q. 521. Voir Madeleine Caron, « Aux frontières du droit civil et du droit statutaire, un cas de harcèlement sexuel : Foisy c. Bell Canada » (1985) 19 R.J.T. 79

3. New Haven, Yale University Press, 1979. Pour un historique du harcèlement sexuel aux é tats-Unis, voir Reva B. Siegel, «A Short History of Sexual Harassment » dans Catharine MacKinnon et Reva B. Siegel, dir., Directions in Sexual Harassment Law, New Haven, Yale University Press, 2004, 1. Au Canada : Constance Backhouse et Leah Cohen, The Secret Oppression : Sexual Harassment of Working Women, Toronto, Macmillan of Canada, 1978; Lucie Lamarche, «Définition du harcèlement sexuel prohibé sur les lieux de travail en droit canadien» (1986) 2 R.F.D. 113. Il faudra attendre jusqu'en 1991 pour qu'un ouvrage juridique sur le sujet paraisse au Québec : Maurice Drapeau, Le harcèlement sexuel au travail: le régime juridique de protection, Cowansville, É ditions Yvon Blais, 1991 ; Josée Néron, Pour une analyse du harcèlement sexuel : guide de doctrine et de jurisprudence, Québec, Centre d'intervention en matière de harcèlement sexuel de l'UniversitéLaval, 2000

4. Loi modifiant la Charte des droits et libertés de la personne, L.Q. 1982, c. 61, art. 4

5. Art. 14.1 Loi canadienne sur les droits de la personne, S.C. 1976-77, c. 33, maintenant L.R.C. (1985) c. H-6 telle qu'amendée

6. [1987] 2 R.C.S. 84

7. [1989] 1 R.C.S. 1252

8. Foisy c. Bell Canada (C.A.), supra note 2. La Cour d'appel applique le principe énoncé dans l'arrêt de la Cour suprême St-Anne Nackawic Pulp & Paper Co. c. Section locale 219 du Syndicat canadien des travailleurs du papier, [1986] 1 R.C.S. 704, qui veut que tous les litiges entre les parties à la convention collective soient réglés par arbitrage et non devant les tribunaux de droit commun. Voir Dominique Monet, « Qui a la compétence sur le harcèlement au travail? » dans Développements récents en droit du travail, Service de la formation permanente du Barreau du Québec, Cowansville, É ditions Yvon Blais, 1995, 1

9. Supra note 1.

10. Charte des droits et libertés de la personne, L.R.Q. c. C-12 [Charte québécoise]

11. Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, constituant l'annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R.-U.), 1982, c. 11 [Charte canadienne].

12. L.R.Q. c. A-3.001 [L.A.T.M.P.].

13. L.R.Q. c. N-1.1 [L.N.T.].

14. Le thème de l'accessibilitéà la justice est très vaste. Voir Roderick A. Macdonald, Jalons pour une plus grande accessibilitéà la justice, rapport du groupe de travail sur l'accessibilitéà la justice, Québec, Groupe de travail sur l'accessibilitéà la justice, 1991; Lucie Lamarche et Frédérique Poirier, Le régime québécois de protection et de promotion des droits de la personne, Montréal, É ditions Yvon Blais, 1996; Lucie Lamarche et Frédérique Poirier, « L'accès au Tribunal des droits de la personne : une fréquence modulée » (1997) 57 R. du B. 785. Sur la question de l'accessibilitéà la justice des femmes démunies, voir Brigitte Verdière, « L'accès des femmes à l'aide juridique : une réforme s'impose » (2003) 15 R.F.D.282. L'organisme communautaire Inform'elle vise à informer des femmes au sujet de leurs droits, en ligne : http://www.informelle.osbl.ca/ (date d'accès : le 13 aoû t 2005). Le Groupe d'aide et d'information sur le harcèlement sexuel et psychologique au travail de la province de Québec inc. aide les femmes aux prises avec du harcèlement sexuel. En ligne : http:// www.gaihst.qc.ca/ (date d'accès : le 18 janvier 2005)

15. Pour une illustration de cette situation, voir Commission des droits de la personne et desdroits de la jeunesse du Québec c. Procureur général du Québec, [1998] R.J.Q. 3397 (T.D.P.Q.) (affaire Lippé). Pour une analyse, voir Alain Vallières, « Observations : La protection contre le harcèlement sexuel au travail dû à un milieu hostile. tude comparative de la situation au Québec et en Europe après la décision Lippédu Tribunal des droits de la personne » (2000) 11 Revue trimestrielle des droits de l'Homme 323. Voir aussi Sandy Welsh et James E. Gruber, « Not Taking it Any More : Women who Report or File Complaints of Sexual Harassment » (1999) 36 Canadian Review of Sociology and Anthropology 559

16. Kimberle Crenshaw, « Mapping the Margins: Intersectionality, Identity Politics, and Violence Against Women of Color » (1991) 43 Stan. L. Rev. 1241

17. Aysan Sev'er, « Sexual Harassment : Where we Were, Where we are and Prospects for the New Millennium » (1999) 36 Canadian Review of Sociology and Anthropology 469

18. [1996] 2 R.C.S. 345

19. Bien que Mme Béliveau St-Jacques ait étévictime de harcèlement sexuel au travail, les décisions des instances inférieures et de la Cour suprême ne portent pas sur cette question. Elles traitent de l'entente sociale que représentent les régimes d'indemnisation étatiques. Si la Cour suprême avait permis à Mme Béliveau St-Jacques d'intenter une action devant un tribunal civil, ne fusse que pour des dommages-intérêts punitifs, toute victime d'une atteinte à un droit fondamental en milieu de travail et qui est aussi une lésion professionnelle au sens de la L.A.T.M.P. , aurait pu faire de même. Les autres régimes d'indemnisation étatiques comme celui prévu par la Loi sur l'assurance automobile, L.R.Q. c. A-25, auraient aussi étémenacés

20. Les juges Sopinka, McLachlin, Iacobucci, et Major partagent l'opinion du juge Gonthier. Le juge La Forest souscrit à l'opinion de la juge L'Heureux-Dubé, dissidente en partie.

21. [1991] R.J.Q. 279 (C.A.). Pour d'intéressants commentaires sur cette affaire, voir Ghislain Otis, « Le spectre d'une marginalisation des voies de recours découlant de la Charte québécoise » (1991) 51 R. du B. 561; Maurice Drapeau, « La responsabilitépour atteinte illicite aux droits et libertés de la personne » (1994) 28 R.J.T. 31; Monet, supra note 8

22. [2001] J.Q. no 12 (QL) (C.A.) qui infirme Commission des droits de la personne et de la jeunesse (Beaudet) c. Genest, [1997] R.J.Q. 1488 (T.D.P.Q.) ; Laflamme c. Latreille, [2004] J.Q. no 6259 (QL) (C.Q.)

23. Williams c. Arthur, [2002] J.Q. no 4572 (QL) (C.A.); Skelling c. Québec (P.G.), [2004] J.Q. no 12391 (QL) (C.S.)

24. Voir Louise Langevin, « Le harcèlement sexuel au travail: l'impact de l'affaire Béliveau Saint-Jacques » (1997) 9 R.F.D. 17; Katherine Lippel, « Le harcèlement sexuel au travail : quel rô le attribuer à la C.S.S.T. et au Tribunal des droits de la personne suite à l'affaire Béliveau St-Jacques? » dans Développements récents en responsabilitécivile, Service de la formation permanente du Barreau du Québec, Cowansville, É ditions Yvon Blais, 1997, 99; Katherine Lippel et Diane Demers, L'accès à la justice pour les victimes de harcèlement sexuel : l'impact de la décision Béliveau St-Jacques sur les droits des travailleuses à l'indemnisation pour les dommages, Ottawa, Condition féminine Canada, 1998 ; Katherine Lippel et Diane Demers, « Le harcèlement sexuel au travail : la rencontre du droit de la santéau travail et des droits de la personne » (2000) 12 R.F.D. 32; Pierre-Yves Bourdeau, « La compétence d'enquête de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse : problèmes d'avenir ou avenir de problèmes! » dans Développements récents en droit administratif et constitutionnel, Service de la formation permanente du Barreau du Québec, Cowansville, É ditions Yvon Blais, 2002, 1 aux pp. 30 et 31

25. Une analyse de 25 décisions en matière de harcèlement sexuel rendues par le T.D.P.Q. indique une moyenne de 44 mois entre le moment du dépô t de la plainte à la C.D.P.Q. et la décision du T.D.P.Q. Le retard dans le traitement des plaintes constitue aussi un problème à la Commission canadienne des droits de la personne : voir Rapport du Comitéde révision de la loi canadienne sur les droits de la personne, La promotion de l'égalité: une nouvelle vision, Ottawa, Ministère de la Justice, 2001 [rapport La Forest].

26. Lippel, supra note 24 à la p. 118. Mme Béliveau St-Jacques a obtenu plus de 300 000$ en indemnités de la C.S.S.T.

27. Bien que la travailleuse doive prouver que les comportements constituent un accident du travail, au sens de la L.A.T.M.P., elle doit prouver les éléments du harcèlement sexuel. Voir Coulombe c. Industries Perfection inc., [2002] C.L.P. 741

28. Voir, entre autres, Damas c. Vestiaire sportif Kinney Canada inc., [1994] C.T. 19; Dufresne c. Pratt & Whitney Canada inc., D.T.E. 94T-405 (C.T.); Landry c. Gravel Chevrolet Oldsmobile inc., [1988] T.A. 63; Marois c. Brasserie Sleeman Québec, D.T.E. 2005T-21 (C.R.T.); Michaud c. Albany International Canada inc., D.T.E. 95T-1050 (C.T.); Parisien c. Station Mont-Tremblant s.e.c., D.T.E. 2003T-804 (C.R.T.)

29. Voir, par exemple, Rhéaume c. C.S.S.T., [1996] C.A.L.P. 139; Coulombe c. Industries Perfection inc., supra note 27; Roy c. Commission scolaire de la pointe de l'île, C.L.P., le 31 mai 2004, commissaire Côté; Bédard c. Tim Horton (Gestion Pierre Barrette inc.), C.L.P., le 10 avril 2001, commissaire Ouellet; Patry c. Urgences santé, C.L.P., le 16 novembre 2000, commissaire Suicco; Fontaine c. Ministère de la Sécuritépublique, C.L.P., le 24 septembre 1999, commissaire Brazeau; Côtéc. Domtar et Bolduc, [1998] C.L.P. 130

30. Lippel, supra note 24 à la p. 107.

31. Code du travail, L.R.Q. c. C-27, art. 100; Weber c. Ontario Hydro, [1995] 2 R.C.S. 929, Nouveau-Brunswick c. O'Leary, [1995] 2 R.C.S. 967; Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. Procureur général du Québec, [2004] 2 R.C.S. 185; Université Laval c. Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse), [2005] R.J.Q. 347 (C.A.); Monet, supra note 8 ; Manon Savard et Anouk Violette, « Les affaires Weber, O'Leary et Canadien Pacifique Ltée : que reste-t-il pour les cours de justice? » dans Développements récents en droit du travail, Service de la formation permanente du Barreau du Québec, Cowansville, É ditions Yvon Blais, 1997, 49; Denis Nadeau, « Le Tribunal des droits de la personne du Québec et le principe de l'exclusivitéde l'arbitrage de grief ou l'histoire d'une usurpation progressive de compétence » (2000) 60 R. du B. 387; Denis Nadeau, « L'arrêt Morin et le monopole de représentation des syndicats : assises d'une fragmentation » (2004) 64 R. du B. 161; Christian Brunelle, « La protection quasi constitutionnelle contre le harcèlement » dans Développements récents en droit du travail, Service de la formation permanente du Barreau du Québec, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2000, 185; Robert P. Gagnon, Le droit du travail au Québec, 5e éd., Cowansville, Éditions Yvon EBlais, 2003 aux pp. 505 et s.; Rodrigue Blouin et Fernand Morin, Droit de l'arbitrage de grief, 5e éd., Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2000 aux pp. 232 et s. Selon Statistique Canada, en 2002, 42,3 pour 100 des travailleurs masculins étaient syndiqués au Québec comparéà 38,3 pour 100 des travailleuses. Dans le secteur privé, les hommes étaient syndiqués à 33,7 pour 100 comparéàseulement 19,6 pour 100 pour les femmes. Par contre, dans le secteur public, les femmes étaient syndiquées à 83,7 pour 100 comparéà 79,5 pour 100 pour les hommes. Voir Dernier relevéannuel de Statistique Canada, Enquête sur la population active, CD-ROM 2002

32. Voir Alberta Union of Provincial Employees c. Lethbridge Community College, [2004] 1 R.C.S. 727; Blouin et Morin, ibid. à la p. 514; Jean-Claude Bernatchez, La convention collective: savoir la négocier, l'interpréter, l'appliquer, Sainte-Foy, Presses de l'Universitédu Québec, 2003 à la p. 403

33. Courtemanche-Bell c. Vermette, [2004] J.Q. no 9674 (Q.L) (C.Q.)

34. Voir l'opinion du juge Gonthier : « [. . .] il n'est pas inconcevable qu'un arbitre de grief saisi dans ces circonstances ait pu ordonner, si la convention collective l'avait permis, d'autres mesures réparatrices, comme par exemple la réintégration ou la réaffectation », dans l'arrêt Béliveau St-Jacques, supra note 18 au para. no 136 ; Olymel Magog s.e.c. c. Travailleuses et travailleurs unis de l'alimentation et du commerce, section locale 500, D.T.E. 2003T-793 (T.A.)

35. Voir Chantal Robert et Guylaine Vallée, « Le traitement des plaintes concernant la discrimination en matière d'emploi par l'arbitre de griefs et par le Tribunal des droits de la personne du Québec : une étude comparative exploratoire » (2000) 41 C. de D. 95 ; Diane Veilleux, « Tribunal des droits de la personne du Québec, arbitre de griefs : quel doit être le forum compétent? » dans Guylaine Vallée, Michel Coutu, Jean Denis Gagnon et al., dir., Le droit à l'égalité: les tribunaux d'arbitrage et le Tribunal des droits de la personne, Montréal, Les éditions Thémis, 2000, 215; Karl Tabbakh, « The Standard of Review of Grievance Arbitrators When Deciding on Human Rights Issues : The "Magnificent Goal" vs Industrial Peace » (1998) 43 R.D. McGill 261; Bourdeau, supra note 24 à la p. 25

36. Voir la comparaison entre l'approche du Tribunal des droits de la personne et de l'arbitre de griefs, Robert et Vallée, ibid. L'exclusivitéde la compétence juridictionnelle de l'arbitre aurait des avantages pour le milieu de travail syndiqué, voir Nadeau (2000), supra note 31 aux paras. 87 et s.

37. Côtéc. Saiano, [1998] R.J.Q. 1965 (C.A.) à la p. 1970. Voir aussi Courtemanche-Bell c. Vermette, supra note 33; Proulx c. Hachez, [2004] R.J.D.T. 1531 (C.Q.)

38. Art 47.3 Code du travail. Certaines conventions collectives autorisent le travailleur syndiqué à déposer lui-même un grief.

39. Le T.D.P.Q. est entréen fonction en 1990. Art. 16, Loi modifiant la Charte des droits et libertés de la personne concernant la commission et instituant le tribunal des droits de la personne, L.Q. 1989, c. 51

40. Ménard c. Rivet, [1997] R.J.Q. 2108 (C.A.)

41. Art. 80 Charte québécoise.

42. Voir Lamarche et Poirier (1997), supra note 14; Mark R. MacGuigan, « Institutions – Human Rights Protectors – Efficacy » dans Thomas A. Cromwell, Danielle Pinard et Hélène Dumont, dir., Les droits de la personne au 21e siècle: perspectives et modes de protection, Institut canadien d'administration de la justice, Montréal, Éditions Thémis, 1996, 183; Bourdeau, supra note 24 aux pp. 38 et s

43. Art. 78, 79 Charte québécoise.

44. Lamarche et Poirier (1997), supra note 14 à la p. 790. Il serait intéressant d'analyser l'accès au T.D.P.Q. depuis 1997, date oùseule la C.D.P.Q. peut saisir le T.D.P.Q.

45. Ibid. à la p. 811.

46. En moyenne 44 mois. Voir supra note 25.

47. En 1984, dans l'affaire Foisy c. Bell (C.S.), supra note 2, la victime avait obtenu 3 000$. Voir Josée Bouchard, « L'indemnisation des victimes de harcèlement sexuel au Québec » (1995) 36 C. de D. 125 aux pp. 146 et s.; Lamarche et Poirier (1997), supra note 14 aux pp. 877 et s. décisions récentes en matière de harcèlement sexuel rendues par le T.D.P.Q. : Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c. Tremblay, [2003] J.T.D.P.Q. no 10 (QL) (T.D.P.Q.) : 7 360$; O'Connor et Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c. Sfiridis, [2002] J.T.D.P.Q. no 3 (QL) (T.D.P.Q.) : 9 254$; Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c. Pigeon, [2002] J.T.D.P.Q. no 19 (QL) (T.D.P.Q.) : 7 000$; Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, agissant en faveur de F.R. c. Caisse populaire Desjardins d'Amqui, [2003] J.T.D.P.Q. no 27 (QL) (T.D.P.Q.) : 10 176$; Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c. Produits de Sécurité North ltée, [2002] J.T.D.P.Q. no 12 (QL) (T.D.P.Q.) : 5 000$; Dubéet Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c. Sénécal, [2001] J.T.D.P.Q. no 15 (QL) (T.D.P.Q.) : 5 882$ ; Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c. 9063-7398 Québec inc. (f.a.s. Hollywood Deli L'Original), [2002] J.T.D.P.Q. no 18 (QL) (T.D.P.Q.) : 8 500$ ; Lorrain et Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c. Cormier, [2000] J.T.D.P.Q. no 26(QL) (T.D.P.Q.) : 6 000$; Brochu et Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c. Produits forestiers Domtar inc., [2000] J.T.D.P.Q. no 14 (QL) (T.D.P.Q.) : 10 000$; Mimis et Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c. Mansoura, [2000] J.T.D.P.Q. no 30 (QL) (T.D.P.Q.) : 3 000$; McDonald et Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c. CaféJava Haus Inc., [2000] J.T.D.P.Q. no 28 (QL) (T.D.P.Q.) :12 963$; Stolar et Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c. Birkett, [2000] J.T.D.P.Q. no 10 (QL) (T.D.P.Q.) : 7 000$

48. Lamarche et Poirier (1997), supra note 14 à la p. 877.

49. Art. 49, 80 Charte québécoise.

50. Selon Poirier et Lamarche (1997), les chances des demandeurs non assistés d'avocat de mener à terme leurs demandes auprès du T.D.P.Q. sont assez minces. Supra note 14 à la p. 905.

51. Voir le rapport du Juge La Forest, supra note 25, qui recommandait un accès direct au Tribunal canadien des droits de la personne, mais avec la mise sur pied d'une clinique juridique pour aider les justiciables à faire valoir leurs droits.

52. Art. 349, 369 L.A.T.M.P. Le nombre de dossiers à la C.S.S.T. portant sur le harcèlement sexuel ne serait pas très important : Katherine Lippel affirme que selon son étude réalisée en 1996 de la jurisprudence publiée et non publiée de la C.A.L.P. et du B.R.P., moins de 3 pour 100 de ces dossiers implique du harcèlement à caractère sexuel ou racial. Voir note 17 de l'article, supra note 24 à la p. 106.

53. L'article 47.3 du Code du travail donne une possibilitéde recours contre le syndicat qui ne veut pas représenter la travailleuse. Certaines conventions collectives autorisent le travailleur syndiquéà déposer lui-même un grief.

54. Voir Côtéc. Saiano, supra note 37; Nadeau c. Carrefour des jeunes de Montréal, [1998] R.J.D.T. 1513 (C.A.); Gauthier c. Chabot, REJB 1998-08589 (C.A.); Gaétan Lévesque et Stéphane Laforest, « L'atteinte à la réputation dans le cadre des rapports collectifs de travail » dans Développements récents en droit du travail, Service de la formation permanente du Barreau du Québec, Cowansville, É ditions Yvon Blais, 2002, 135

55. De 15 à 20 pour 100 des plaintes traitées par la Commission porte sur le harcèlement discriminatoire, et le harcèlement sexuel est le motif le plus invoqué. Voir Ghislaine Patry Buisson, Politique visant à contrer le harcèlement discriminatoire au travail, Québec, Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, 2004, en ligne : http:// www.cdpdj.qc.ca/fr/publications/liste.asp?Sujet¼46&noeud1¼1&noeud2¼6&cle¼0 (date d'accès : le 21 janvier 2005)

56. Voir par exemple Halkett c. Ascofigex inc., [1986] R.J.Q. 2697 (C.S.), où la demanderesse conteste son congédiement au motif qu'elle aurait étécongédiée pour avoir refuséles avances sexuelles de son employeur; J.S. c. Rodriguez-Dasilva, J.E. 2005-1046 (C.S.), harcèlement sexuel entre un locateur harceleur et une locataire. La locataire obtient 18 000$ en dommages-intérêts

57. Voir Leclair c. Au Crystal Restaurant, D.T.E. 96T-1059 (C.T.). On retrouve davantage de décisions où le harceleur conteste son congédiement comme mesure disciplinaire. Voir, entre autres, les jugements cités à la note 28

58. Employés des postes, des banques, des entreprises de télécommunications, etc.

59. Loi canadienne sur les droits de la personne, supra note 5.

60. Par exemple, une avocate victime de harcèlement sexuel par un confrère pourrait porter plainte auprès du Comitéde discipline du Barreau. Art. 4.02.01 Code de déontologie des avocats, R.R.Q. c. B-1, R.1, art. 4.02.01

61. Voir Patry Buisson, supra note 55.

62. Voir M. . .M. . . c. Y. . .P. . ., [1992] R.R.A. 333 (C.Q.) ; Hamelin c. Sociétécanadienne des postes, [2001] J.Q. no 5026 (QL) (C.S.); Delfosse c. Paquette, [1997] A.Q. no 1026 (QL) (C.S.); Séguin c. Filteau, [2001] J.Q. no 3644 (QL) (C.S.); N.A. c. C.R., [2000] J.Q. no 700 (QL) (C.Q.); Samfat c. Tat, [2004] J.Q. no 7008 (QL) (C.S.); SociétéRodaber Ltée c. Masse, [2001] J.Q. no 2862 (QL) (C.S.), [2003] J.Q. no 3321 (QL) (C.A.); Williams c. Arthur, [1998] Q.J. no 3235 (QL) (C.S.), [2002] J.Q. no 4572 (QL) (C.A)

63. Voir R. c. Sillipp, [1997] 120 C.C.C. (3d) 384 (C.A. Alta)

64. Loi modifiant la Loi sur les normes du travail et d'autres dispositions législatives, L.Q. 2002, c. 80. Voir les articles 81.18 à 81.20 et 123.6 à 123.16 L.N.T. Luc Côté et Robert L. Rivest, « harcèlement: indemnisation des lésions professionnelles et nouveau recours en cas de harcèlement psychologique au travail » dans Développements récents en droit de la santéet sécuritéau travail, Service de la formation permanente du Barreau du Québec, Cowansville, É ditions Yvon Blais, 2004, 219

65. Art. 81.18 L.N.T. Dans l'interprétation qu'elle donne de cet article, la C.N.T. mentionne le harcèlement sexuel comme forme de harcèlement psychologique. En ligne : http:// www.cnt.gouv.qc.ca/fr/normes/harcelement.asp (date d'accès: le 15 aoû t 2005). Voir Francine Lamy, «Définir le harcèlement et la violence psychologique en milieu syndiqué: les hésitations des uns, les difficultés des autres » dans Développements récents en droit du travail, Service de la formation permanente du Barreau du Québec, Cowansville, É ditions Yvon Blais, 2003, 179

66. Le Règlement sur le harcèlement sexuel de l'universitéLaval a étéremplacépar le Règlement pour contrer le harcèlement psychologique et sexuel, 15 juin 2004, en ligne : http:// www.santepsy.ulaval.ca/webdav/site/cspt/shared/Reglementharcelement.pdf (date d'accès: le 22 décembre 2004). La Politique contre le harcèlement sexuel de l'universitéde Montréal a étéremplacée en 2003 par la Politique contre le harcèlement. Voir Bureau d'intervention en matière de harcèlement, en ligne : http://www.harcelement.umontreal.ca/index.html (date d'accès: le 21 décembre 2004).

67. Art. 81.20 al. 1 L.N.T. Certaines travailleuses, comme la gardienne d'enfant ou la travailleuse autonome, ne sont pas des salariées au sens de la L.N.T, art. 1, 2, 3, 3.1.

68. Art. 126 L.N.T.

69. Art. 123.8 L.N.T.

70. Art. 123.12 L.N.T.

71. Art. 123.7 L.N.T.

72. Art. 77 Charte québécoise.

73. La compétence exclusive de la C.S.S.T., réaffirmée dans l'arrêt Béliveau Saint-Jacqes, supra note 18, est donc protégée.

74. Art. 81.19 L.N.T.

75. Voir Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, agissant en faveur de F.R. c. Caisse populaire Desjardins d'Amqui (T.D.P.Q.), supra note 47

76. Une année après la mise en vigueur des dispositions concernant le harcèlement psychologique, la C.N.T. a réglé52 pour cent des plaintes (2 500 plaintes reç ues). Voir Christian Côté, « harcèlement psychologique, une première année », Le journal, Barreau du Québec, août 2005, vol. 37, no 12 à la p. 18

77. Au sujet du harcèlement psychologique, voir Chantal Leclerc, « Intervenir contre le harcèlement au travail : soigner et sévir ne suffisent pas », Pistes 2005, vol. 7, n. 3 à la p. 15. En ligne : http://www.pistes.uqam.ca/v7n3/sommaire.html (date d'accès : le 6 mai 2006)

78. Voir Côtéet Rivest, supra note 64 à la p. 230. Voir l'interprétation de l'article 81.18 L.N.T. qu'en donne la Commission des normes du travail sur son site. Supra note 65. En ligne : http://www.cnt.gouv.qc.ca/fr/normes/harcelement.asp (date d'accès: le 15 aoû t 2005). Voir Fontaine c. Syndicats des employés de métiers d'Hydro-Québec, section locale 1500 (S.C.F.P.-F.T.Q.), [2004] R.J.Q. 2775 (C.S.). Dans des affaires de harcèlement psychologique rendues avant le 1er juin 2004, des arbitres de griefs ont même exigéla preuve de l'intention malicieuse, hostile, malveillante chez le harceleur. Voir Lamy, supra note 65 à la p. 199

79. Voir Louise Langevin, « Mythes et réalités : la personne raisonnable dans le Livre Des obligations du Code civil du Québec » (2005) 46 C. de D. 351

80. Foisy c. Bell Canada (C.S.), supra note 2 à la p. 1170

81. Colleen Sheppard, « Systemic Inequality and Workplace Culture : Challenging the Institutionalization of Sexual Harassment » (1995) 3 C.L.E.L.J. 249; Charles L. Hulin, Louise F. Fitzgerald et Fritz Drasgow, « Organizational Influences on Sexual Harassment » dans Margaret S. Stockdale, dir., Sexual Harassment in the Workplace: Perspectives, Frontiers, and Response Strategies, Thousand Oaks, Sage Publications, 1996, 127

82. Des études canadiennes et américaines indiquent que peu de victimes portent plainte et qu'elles auraient raison : le stress de porter plainte serait plus grand que celui du harcèlement sexuel lui-même. Voir Sev'er, supra note 17; Welsh et Gruber, supra note 15; Louise F. Fitzgerald, Suzanne Swan, et Karla Fisher, «Why didn't She just Report Him? The Psyhcological and Legal Implications of Women's Responses to Sexual harassment » (1995) 51 Journal of Social Issues 117

83. Par exemple, le Groupe d'aide et d'information sur le harcèlement sexuel et psychologique au travail de la province de Québec inc. fournit un suivi aux victimes qui le consultent, en ligne : http://www.gaihst.qc.ca/ (date d'accès : le 18 janvier 2005).

84. Carol Smart, Feminism and the Power of Law, London, Routledge, 1989 à la p. 164; Fay Faraday, « Dealing with Sexual Harassment in the Workplace: the Promise and Limitations of Human Rights Discourse » (1994) 32 Osgoode Hall L.J. 33

85. Lippel et Demers (2000), supra note 24

86. Voir Groupe d'aide et d'information sur le harcèlement sexuel au travail, Prévenir et gérer les plaintes de harcèlement sexuel, Collection Entreprendre, Montréal, É ditions Transcontinental, 2004

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