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  • Tracer les marges de la Cité. Étranger, immigrant et État au Qubec, 1627-1981
  • Yves Frenette (bio)
Martin Pâquet , Tracer les marges de la Cité. Étranger, immigrant et État au Qubec, 1627-1981, Montréal, Boréal, 2005, 317 p., 25,95$

À mi-chemin entre la monographie et la synthèse, l'ouvrage de Martin Paˆquet retrace l'évolution des catégorisations et des représentations de l'immigrant au Québec, se situant ainsi à la confluence de l'histoire de l'immigration, de l'histoire politique et de l'anthropologie historique. Cette perspective, qui lie l'expérience migratoire à la pensée d'État, est courante en Europe, mais elle est beaucoup plus rare en Amérique du Nord où l'historiographie de l'immigration est toujours le quasiapanage des historiens du social. Ce n'est pas la moindre qualité de l'auteur que de maiˆtriser la production historiographique sur les deux continents.

Le plan adopté par Pâquet est chronologique. Dans un premier chapitre, il montre de quelle fac¸on les catégories du sujet et de l'étranger s'opposent dans les conceptions théologico-politiques prévalentes dans les sociétés d'Ancien régime que sont la France et la Nouvelle-France, la naturalisation des étrangers par le roi représentant le moyen privilégié d'inclusion. Le changement de régime en 1760 et ses conséquences sur les représentations de l'étranger et les processus d'inclusion constituent l'objet du deuxième chapitre. Pâquet y explique comment la naissance devient le fondement de l'allégeance et comment la notion de sécurité prend de l'importance, dans un contexte d'accommodement entre Britanniques et Canadiens.

C'est dans le troisième chapitre, qui porte sur les années 1817-1853, que Pâquet entre dans le cœur de son sujet, la période étant marquée par l'émergence de la Modernité, qui se traduit par l'apparition de la pensée et du discours organicistes dans lesquels la Cité est « désormais assimilée à un corps, à une communauté organique dont les lois qui la régissent peuvent être analysées rationnellement ». Cette nouvelle [End Page 98] conception résulte dans des pratiques administratives qui se veulent objectives, professionnelles et efficaces. La « classification organique de la Cité » déploie toute sa force entre le milieu du XIXe siècle et la Deuxième Guerre mondiale, comme le montre l'auteur, dans le quatrième chapitre, le plus long de Tracer les marges de la Cité. A` une époque marquée par les catégorisations ethniques et raciales, l'État se dote de moyens pour mesurer l'immigration et pour évaluer la capacité du migrant à s'intégrer selon des objectifs collectifs et individuels précis : la quête de la prospérité, la volonté d'intégration, l'utilité, l'ordre et la santé publiques.

À partir de 1945, la donne change de nouveau. Dans un contexte d'immigration massive, les acteurs politiques québécois revoient leurs valeurs et représentations, et s'amorce alors un dialogue entre le nouveau venu et la société d'accueil. L'ethnie et la religion comme facteurs d'inclusion et d'exclusion sont reléguées dans l'ombre au profit d'une conception économique de l'immigrant ; la communauté organique fait place à la Cité contractuelle et l'État devient un intervenant majeur ; le 4 décembre 1968, la loi 75, qui permet la création du ministère québécois de l'Immigration, reçoit la sanction royale. Cela constitue à la fois un point d'arrivée (chapitre 5) et un nouveau départ (chapitre 6). Désormais, les responsables politiques et les hauts-fonctionnaires, les cognocentes comme les appelle Pâquet, possèdent un outil puissant pour gérer l'immigration et l'inclusion, à un moment où les mouvements de population internationaux se diversifient, le nombre d'acteurs impliqués augmente et les points de vue se multiplient.

Quoique profondément ancrée dans la diachronie, l'analyse de Pâquet s'abreuve à plusieurs disciplines, dont la philosophie, la sociologie, l...

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