Nous aimerions montrer comment le «Grand Inquisiteur» se sert de la fiction comme outil contre le siècle, à travers l’étude du cas exemplaire d'Un prêtre marié. Le discours de l’écrivain catholique semble hésiter sans cesse entre orthodoxie et hétérodoxie, en mettant en scène des figures du sauvage. Les conversations du roman renvoient aux polémiques de l’époque autour du phénomène visionnaire tandis que les scènes capitales ouvrent sur les gouffres de l’aventure spirituelle. Celle-ci a pour horizon la perte de soi, arme polémique dirigée contre le modèle bourgeois, érigeant la mythologie de la femme visionnaire en plaidoyer pour la différence, à travers les modèles nettement identifiables de Thérèse d’Avila et d’Anne-Catherine Emmerich. Le prophétisme se fait alors parole de terreur, à l’intérieur d’un roman qui, dans la veine d’un fantastique théologique, a pour vocation essentielle d’inquiéter.