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  • Juifs et Canadiens français de la première moitié du XXe siècle:Écrits et perceptions
  • Yvonne Völkl
Anctil, Pierre — Jacob-Isaac Segal, 1896-1954. Un poète yiddish de Montréal et son milieu, Québec, Presses de l’Université Laval, 2012, 433 p.
Anctil, Pierre — À chacun ses Juifs. 60 éditoriaux pour comprendre la position du Devoir à l’égard des Juifs (1910-1947), Sillery, Septentrion, 2014, 441 p.

Les deux ouvrages de Pierre Anctil, historien et professeur titulaire à l’Université d’Ottawa, recensés dans le présent article, intéresseront quiconque cherche à comprendre la communauté juive de Montréal de la première moitié du XXe siècle, et les croyances et idées véhiculées à son sujet par la société d’accueil de cette époque. En publiant les écrits de Segal et les éditoriaux du Devoir, Anctil fait revivre un pan de l’histoire du Québec resté méconnu ou même négligé par les chercheurs en raison de plusieurs circonstances, notamment la barrière que représente la langue yiddish.

Avec la publication de Jacob-Isaac Segal, 1896-1954. Un poète yiddish de Montréal et son milieu, Anctil présente la première étude systématique de ce poète célébré partout dans le monde yiddish au cours des années 1930 (Vienne, Varsovie, New York, Buenos Aires), mais qui est demeuré peu connu au Canada français (et anglais). Comme le laisse présager le titre de son ouvrage, Anctil raconte la vie de ce grand poète montréalais d’origine ukrainienne et de langue yiddish. À travers le destin de cet homme, c’est aussi l’histoire des immigrants de l’Europe de l’Est venus s’établir à Montréal qui est racontée afin de montrer le destin tragique de ceux qui ont fui les « pogroms perpétrés en 1903-1905 dans la ville ukrainienne de Kishinev, la guerre russo-japonaise de 1904-1905 et, surtout, l’insurrection russe de 1905 » (p. 64).

L’ouvrage, pour lequel Anctil a remporté le Prix du Canada en sciences humaines en 2014, s’ouvre sur une courte préface de Denis Saint-Jacques, professeur émérite de littérature québécoise à l’Université Laval, suivie d’une introduction de l’auteur. Ensuite, Anctil détaille en cinq chapitres chronologiques la vie de Jacob-Isaac Segal et établit un parallèle entre les péripéties de sa vie et les thématiques de ses œuvres. Il revient, par exemple, sur ses années d’études (linguistique, religieuse, séculière et littéraire) alors que le poète vivait en Ukraine et l’influence qu’elles ont eue plus tard sur son imaginaire et son œuvre, en particulier sur ses dernières publications:

De l’enseignement hébraïque, il tirera le nigun, l’imagerie biblique et le mysticisme hassidique. De la culture russe, il retiendra un attrait irrésistible envers la poésie, [End Page 556] les formes modernes de l’écriture et une certaine émotivité nostalgique. Quant à la langue yiddish, qui est aussi sa langue maternelle, elle deviendra le véhicule littéraire principal de son œuvre, celui grâce […] auquel il parviendra quelques années plus tard à atteindre le public juif montréalais.

(p. 117)

Anctil reconstitue avec force détails le parcours de Segal à Montréal, ainsi que ses quelques années à New York, où il vécut, la plupart du temps, au seuil de la pauvreté. Il revient sur les circonstances qui ont rendu possibles les premières publications de ses poèmes dans le journal yiddish Keneder Odler (L’aigle canadien) qui, depuis sa fondation en 1907, « […] privilégiait la publication de textes courts, disposés sur une seule page et coiffés d’un titre accrocheur » (p. 25). Anctil fait comprendre que l’arrivée de Segal sur la scène littéraire juive yiddishophone « marquait le coup d’envoi d’un nouveau courant littéraire dans la ville » (p. 76). Résidant dans un quartier ouvrier où Segal travaille pour l’industrie du textile et ce, sans autres recours ou possibilités...

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