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  • Scandale d'Amélie Nothomb:violence mimétique et jouissance scopique
  • Vera Klekovkina (bio)

Depuis son premier roman, Hygiène de l'assassin, Amélie Nothomb explore plusieurs types de violence dans une œuvre prolifique. Ses romans, marquant régulièrement chaque rentrée littéraire, continuent à étonner, sinon scandaliser, les lecteurs. Semi-autobiographiques ou entièrement fictives, ses histoires les entrainent dans un monde étrange et familier à la fois, le monde où le mal et le désir se côtoient, où la violence et le plaisir se complètent, et où l'adoration et l'humiliation ne sont que des symptômes de la rivalité mimétique dont la plupart des personnages nothombiens souffrent.

La réception critique ainsi que publique constate inévitablement l'imagination vive de l'écrivaine belge. Si les blogs personnels et littéraires qualifient couramment ses histoires comme abracadabrantesques, les critiques se penchent, le plus souvent, sur le labyrinthe identitaire de l'écrivaine ou le lien entre le désir et la violence dans ses écrits. Dans Les Identités d'Amélie Nothomb: de l'invention médiatique aux fantasmes originaires, Mark D. Lee trace l'expansion incessante des identités d'Amélie Nothomb telles qu'elles sont représentées dans ses romans et par les médias en France et ailleurs. « [O]n invente et réinvente Nothomb au fil des rentrées », remarque Lee (11). Elizabeth Berglund Hall, Amaleena Damlé et Beth W. Gale étudient les rapports de pouvoir, de désir et de violence dans l'œuvre nothombienne. Dans son essai, « The Violence of Desire in Amélie Nothomb's Novels », Hall se sert des théories d'Hélène Cixous, de Julia Kristeva et de Judith Butler pour aborder la question du désir masculin qui reste prédominant dans la structure binaire des rapports de pouvoir. Hall questionne surtout la nature destructrice d'un tel désir qui se porte sur l'Autre aussi bien que sur le moi. Elle analyse le processus d'incorporation où la violence est « a means to appropriate the other: to take possession of the other and to make it one's own/self » (104). Dans « 'Death and the Maiden': Murder and Eroticism in the Work of Amélie Nothomb », Damlé postule que l'acte de tuer ne provient pas de l'activité 'masculine' qui abuse de la passivité 'féminine' pour satisfaire son désir de domination mais plutôt « controversially plays out and satisfies a desire for a momentary ecstatic experience that recalls the erotic » (103). En conséquence, Damlé considère « Nothombian murder as an erotic encounter that encourages excess, violence, and death, stemming from an impulse toward absolute fusion » (103). Le processus d'incorporation décrit par Hall ou l'extase de la dissolution mutuelle exposée par Damlé revient au même résultat, voire au même désir : l'élimination [End Page 59] de l'Autre. En contribuant à Evil in Contemporary French and Francophone Literature l'essai intitulé « The Monster Within: Paradoxical Evil and Personal Identity in the Novels of Amélie Nothomb », Gale utilise les théories de Carl Jung pour montrer que l'écrivaine belge joue sur l'ambivalence du bien et du mal ainsi que sur la fluidité entre les absolus moraux pour illustrer la lutte interne des aspects conflictuels dans la psyché individuelle. Dans le monde nothombien, « evil is ultimately revealed to be not foreign, not "other," but rather an intimate part of the self that must be assimilated » (41). Ainsi, Nothomb humanise le mal et problématise le bien (44). L'analyse de Gale montre également que l'amour et la violence forment un équilibre délicat dans les romans de Nothomb, car, comme l'a précisé l'écrivaine dans une interview télévisée, « l'amour est une ruse de notre inconscient pour ne pas assassiner autrui » (Gale 48 ; « Amélie Nothomb aux Livres de la 8 »). Pourtant, le meurtre de l'être aimé, vraiment accompli ou seulement imaginé, s'impose le plus souvent comme le parcours nécessaire à la formation complexe du soi conflictuel comme c'est le cas dans Hygiène de...

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