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  • L’homme et le néant chez Jean-Paul Sartre
  • Nataliya Lenina (bio)
Peter Royle, L’homme et le néant chez Jean-Paul Sartre. Québec, Les Presses de l’Université Laval, coll. Zêtêsis, série textes et essais, 2005, 133 p.

Trop connu pour être méconnu, l’une de plus importantes figures du xxe siècle, Jean-Paul Sartre, ou, comme il est désigné dans L’écume des jours de Boris Vian, « Jean Sol Partre », ne s’éclipse jamais. Au début du xxie siècle, son œuvre suscite toujours un grand intérêt auprès du public et des chercheurs.

Auteur de plusieurs ouvrages consacrés à l’héritage sartrien, Peter Royle présente, dans son livre L’homme et le néant chez Jean-Paul Sartre, une lecture intelligente du Sartre écrivain, philosophe et homme de son époque. Ce qui rend la lecture de cet ouvrage particulièrement stimulante, c’est que les sujets les plus rebattus (comme l’essence de l’humanisme sartrien, l’homme sous le regard d’autrui) sont abordés en maître et exposés à l’aide d’exemples concrets et vivants. Par ailleurs, l’auteur recourt souvent à la méthode du questionnement socratique, ce qui aide le lecteur à entrer plus facilement dans le système sartrien.

Royle situe l’œuvre de Sartre dans cette zone frontalière où la philosophie et la littérature vont de pair avec la vie et l’histoire de la société, [End Page 556] société de naguère et d’aujourd’hui. L’auteur appuie ses réflexions à la fois sur les ouvrages philosophiques tels que L’être et le néant, L’existentialisme est un humanisme ou Cahiers pour une morale, et sur l’œuvre romanesque, (auto)biographique et dramaturgique : La nausée, Le mur, Les mots, L’idiot de la famille, Les mouches, Huis clos se trouvent constamment au centre du discours argumentatif. Il paraît en effet judicieux, d’une part, de relier un examen philosophique à une interprétation littéraire, car pour Sartre « la littérature doit signifier le monde », elle est acte (et donc liberté) et toujours engagée. D’autre part, étant donné que plusieurs types d’analyse sont appliqués en même temps, la question s’impose : « Jusqu’à quel point ces moyens d’analyse sont-ils adéquats ? » Notons que dans son autobiographie, Les mots, Sartre parle avec un bonheur visible de son habilité à tricher et à écrire en trichant : « Ce que je viens d’écrire est faux. Vrai. Ni vrai ni faux comme tout ce qu’on écrit sur les fous, sur les hommes ».

Royle ouvre son ouvrage par l’étude des situations limites et extrêmes qui, chez Sartre, mènent à la définition de la condition humaine, notion étroitement liée à celle de situation limite, impliquant, bien sûr, une liberté sans bornes qui « ne peut être limitée que par la liberté ». Les réflexions de l’auteur se poursuivent toujours dans une logique qui ne sépare l’analyse philosophique ni de la littérature, ni de la personnalité même du penseur. Il passe en revue des exemples tirés de La nausée et de nombre de nouvelles qui explicitent les notions en question en les mettant à l’épreuve dans des situations particulières, même si elles sont purement imaginaires. En comparant des ouvrages autobiographiques à la fiction, Royle essaie d’élucider les rapports de Sartre avec ses personnages et de démontrer en quel sens on peut le considérer comme un humaniste. Il le fait en passant par l’étude d’une série d’images récurrentes – la célèbre hantise sartrienne des crustacés relève-t-elle d’une névrose ou de l’ontologie ? – et des jeux de mots cachés. Pour ce faire, il se livre à une « psychanalyse sartrienne ».

Le chapitre consacré à la culpabilité dans L’être et le néant déclenche une problématique d’ordre moral qui doit être considérée dans le contexte des chapitres suivants : c’est à la lumière des quatre niveaux de la pens...

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