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Reviewed by:
  • Lectures chronotopiques. Espace, temps et genres romanesques
  • Marilyne Audet (bio)
Tara Collington, Lectures chronotopiques. Espace, temps et genres romanesques. Montréal, XYZ éditeur, coll. Théorie et littérature, 2006, 264 p.

« Les routes de l’espace croisent toujours celles du temps. » Ces quelques mots de Marguerite Yourcenar définissent à merveille les préoccupations de Tara Collington dans l’ouvrage intitulé Lectures chronotopiques. Espace, temps et genres romanesques. L’auteure propose, comme l’indique le titre, d’étudier le concept du chronotope bakhtinien en regard de la notion de genre romanesque puisque, « comparé aux autres concepts bakhtiniens tels le dialogisme, le carnavalesque et la polyphonie, le chronotope demeure le moins apprécié et n’a pas encore réussi à attirer l’attention qu’il mérite ». L’essai permet donc de mieux comprendre cette matrice spatiotemporelle et de la situer parmi les autres théories bakhtiniennes. Collington relève, en outre, la portée méthodologique du concept de chronotope comme « outil heuristique dans l’analyse littéraire » en proposant trois lectures chronotopiques (les Mémoires d’Hadrien de Marguerite Yourcenar, La nausée de Jean-Paul Sartre et La jalousie d’Alain Robbe-Grillet) qui concrétisent la « corrélation essentielle des rapports spatiotemporels, telle qu’elle a été assimilée par la littérature ».

Divisé en six chapitres, l’ouvrage présente deux grandes parties, soit la théorie et l’analyse textuelle. Dans les trois premiers chapitres, l’auteure définit et met en contexte le concept de chronotope (« temps-espace ») en examinant sa genèse, son rapport à d’autres concepts bakhtiniens (dialogisme, polyphonie, carnavalesque) et sa portée méthodologique. Collington montre que, selon Bakhtine, le roman est « le seul genre à représenter la relativité de l’univers, et le chronotope est le seul concept littéraire capable de rendre compte de diverses perspectives spatiotemporelles : celle de l’auteur, des personnages, de la narration propre, du lecteur ». L’auteure s’interroge, en outre, sur « la façon dont la configuration chronotopique d’un texte pourrait “programmer”, pour ainsi dire, son interprétation », déterminant ainsi le rapport entre un texte et son lecteur.

Ces considérations relatives à une théorie de la réception ouvrent la voie à la seconde partie de l’ouvrage portant sur l’analyse textuelle de trois œuvres romanesques : les Mémoires d’Hadrien de Marguerite [End Page 632] Yourcenar (chapitre quatre), La nausée de Jean-Paul Sartre (chapitre cinq) et La jalousie d’Alain Robbe-Grillet (chapitre six). Ces trois romans évoquent, de façon respective, des problématiques soulevées dans la partie théorique, à savoir « l’interaction générique et la concrétisation d’une conscience historique dans l’espace textuel; la parodie générique et la carnavalisation de la littérature; l’expérimentation générique et la possibilité même de faire une lecture chronotopique d’un texte où les indices spatiotemporels ne s’accordent pas ».

Collington relève ainsi, dans les Mémoires d’Hadrien, les chronotopes du progrès historique et de la route qui symbolisent « cette interaction entre le temps historique et le temps personnel ». Les chronotopes de la place publique et de la résidence secrète représentent, quant à eux, cette « tension entre l’homme privé et l’homme public » et rappellent le genre des mémoires romains. Dans l’analyse de La nausée, l’auteure étudie l’interaction entre la structure du journal intime et le genre romanesque. Elle relève la présence de cinq chronotopes dans le roman : celui de la ville provinciale, de l’aventure, de la biographie, de l’idylle amoureuse et du seuil. Collington propose d’ailleurs l’hypothèse fort intéressante selon laquelle, en lisant La nausée, nous assistons à la déformation d’un chronotope traditionnel : « Le chronotope de la ville provinciale ne sert plus comme un cadre spatiotemporel “accessoire”, fond passif sur lequel d’autres chronotopes se dressent et dialoguent. L’intrigue philosophique de La nausée réside dans ce chronotope et [. . .] sa viscosité temporelle empiète également sur d’autres chronotopes ». Elle montre, en outre, que le lecteur assiste à une parodie des genres o...

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