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  • L’art d’écrire la science. Anthologie de textes savants du XVIIIe siècle français
  • Swann Paradis (bio)
L’art d’écrire la science. Anthologie de textes savants du XVIIIe siècle français. Textes rassemblés et présentés par Frédéric Charbonneau Québec, Les Presses de l’Université Laval, Rennes, Presses universitaires de Rennes, viii-220 p.

Entreprise audacieuse que celle qui vise à présenter une anthologie représentative de textes savants du xviiie siècle français, ne serait-ce que par la difficulté de bien concevoir aujourd'hui ce qui distinguait alors le savoir général, le savoir scientifique et les belles-lettres d'avant la littérature. Le titre proposé par Frédéric Charbonneau — L'art d'écrire la science — traduit bien l'intensité de cette ambiguïté qui, en dépit de la division artificielle de l'entendement (mémoire/histoire, raison/philosophie, imagination/poésie) illustrée par le Système figuré des connaissances humaines qui suit le Discours préliminaire de l'Encyclopédie, fait partie intégrante de l'épistémologie des Lumières, alors que sciences et belles-lettres « composent ensemble un organisme bicéphale et siamois » qui se scindera avec l'autonomisation des champs de savoir au xixe siècle.

La courte mais néanmoins éclairante introduction réussit à illustrer cette atmosphère où régnait le bien penser et le bien dire, où l'on devait « plaire avant d'instruire », c'est-à-dire rendre la science « aimable ». Frédéric Charbonneau résume bien ce cadre, tout contraire à celui du xixe siècle — qui « fera jouir le roman du prestige de la science » où l'on cherchait à « faire bénéficier la science d'un lustre emprunté à la poésie, au portrait, aux [End Page 141] formes de la littérature morale », alors que chimistes, naturalistes et astronomes devaient revêtir « la dégaine de l'écrivain », afin de rendre le savoir attrayant et ainsi participer à l'entreprise de diffusion des Lumières. Le lecteur est donc bien préparé à affronter les textes sélectionnés, une fois ce cadre épistémologique admirablement esquissé : déclin de la pensée spéculative, de la métaphysique et des mathématiques qui régnaient naguère au xviie siècle; montée de l'empirisme et du sensualisme qui privilégient les « faits d'observation et d'enquête, [et] non les vérités générales et abstraites », dans un enthousiasme généralisé pour le progrès. C'est donc au cœur même de cette « translation, déplacement entre deux univers de discours, recherche d'un espace où la science et la littérature soient conciliées » que nous abordons ces textes savants, encore parsemés parfois de ces « intuitions confuses » qui traduisent le pouvoir heuristique qu'une grande portion de la communauté scientifique attribuait alors à l'esprit d'analogie.

En avouant que « la sélection des morceaux d'une anthologie est toujours une opération périlleuse », Frédéric Charbonneau reconnaît d'emblée le caractère nécessairement délicat de son intervention — qu'il qualifie, avec lucidité, de « chirurgicale » — basée non pas sur l'évolution des différentes disciplines ou sur leur influence dans l'histoire des sciences, mais plutôt en fonction de l'« effet littéraire » des morceaux choisis. Un tel principe d'édition permet, d'une part, de ratisser large, sans prétendre représenter l'état du savoir à un moment donné, ou encore de montrer comment la littérature a mis la science en œuvre et, d'autre part, d'intégrer une variété considérable de disciplines. Aux « écrits d'hommes de science s'adressant aux honnêtes gens — Maupertuis, Nollet, d'Alembert, Buffon, Tissot, La Condamine », le responsable de cette anthologie ajoute ceux des « ''philosophes'' s'essayant aux sciences — Montesquieu, Diderot, Lévesque de Pouilly, Voltaire, Rousseau », de même que les « vulgarisateurs de métier — Fontenelle et Pluche », non sans oublier Poncelet, « tout au plus un amateur frotté de chimie, [...] élu pour sa fantaisie et pour son extraordinaire...

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