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  • L’enfance et l’errance. Pour un appel à l’autre. Lecture mythanalytique du roman québécois contemporain (1960–1990)
  • François Ouellet (bio)
Monique Boucher, L’enfance et l’errance. Pour un appel à l’autre. Lecture mythanalytique du roman québécois contemporain (1960–1990) Québec, Éditions Nota bene, coll. Terre américaine, 321 p., 25,95$

Cet ambitieux ouvrage critique de Monique Boucher est issu d'une thèse de doctorat qui a été soutenue à l'Université de Grenoble iii. L'auteure propose une lecture mythanalytique du roman québécois contemporain, plus particulièrement des œuvres de Michel Tremblay, Réjean Ducharme et Anne Hébert, lesquelles sont considérées comme représentatives à plus d'un titre de de l'imaginaire spécifique à la littérature québécoise. On sait que la mythanalyse (et la mythocritique), sans être une approche critique très courante des textes littéraires, a néanmoins alimenté quelques travaux importants depuis le début des années 1990, comme ceux de Jean Morency. Inspirée par l'imaginaire anthropologique de Gilbert Durand et les réflexions de Mircea Eliade sur le sacré et le profane, Monique Boucher examine les symboles, archétypes et thèmes qui colorent les œuvres romanesques, afin de saisir la dynamique symbolique qu'ils fondent et leur portée et intérêt pour la compréhension de la société québécoise et de son imaginaire.

Littérairement, il s'agit de dégager un « récit mythique commun », sous un angle critique qui postule que le discours de tout romancier est traversé par un « inconscient collectif » à valeur universelle, lequel peut être saisi dans la structure imaginaire du mythe qui sous-tend le texte « organisé » qu'est le récit. Plus spécifiquement, la mythanalyse porte ses constats sur le terrain sociologique, car elle cherche à dégager, selon le propos de Gilbert Durand (dans Figures mythiques et visages de l'œuvre), « le jeu dynamique par lequel un groupement humain lié par un destin culturel agence ses craintes et ses désirs, ses visées et ses visions du monde, pour constituer l'âme par laquelle il s'identifie et survit en tant que tel à travers les avatars et les vicissitudes du devenir ». Monique Boucher se trouve ainsi à lier partiellement son analyse au développement de l'univers culturel et social du Québec de la Révolution tranquille, qui se résume ici ni plus ni moins à la révolte contre les autorités religieuses et à « l'affirmation identitaire ».

Que nous enseigne ce « récit mythique commun » ? D'un point de vue général, et en dépit du regard particulier que sollicite chacun des auteurs [End Page 74] étudiés, il ne nous apprend somme toute rien que nous ne sachions déjà, à savoir que l'immaturité est reine au Québec. Gilles Marcotte, cité par l'auteure, le disait clairement il y a déjà trente ans (dans Le roman à l'imparfait) à propos du roman qui naît avec la Révolution tranquille : « La maturité, l'âge adulte, c'est justement ce contre quoi ils [les romanciers] en ont, la menace contre laquelle leurs personnages cherchent à se prémunir. Tout se passe, chez eux, comme si le roman retombait en enfance. » Depuis, les choses n'ont changé en rien, si ce n'est en pire. En revanche, l'intérêt de l'ouvrage réside dans la démarche de la mythanalyse elle-même pour dire les choses. C'est avec compétence et conviction que Monique Boucher montre comment toute cette littérature ne cesse d'idéaliser le monde de l'enfance, que ce soit pour le célébrer ou pour dénoncer ce qui le corrompt. Cette idéalisation génère toute une thématique qui lui est propre dans l'imaginaire symbolique et qui s'exprime souvent sur le mode antagoniste : la rêverie du paradis perdu versus l'expulsion édénique, la pureté versus la corruption, l'osmose maternelle (et les figures de l'inceste) versus le déficit paternel. Tout cet univers thématico-symbolique habite un lieu...

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