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University of Toronto Quarterly 76.1 (2007) 20-35

Nouvelle1
Michel Lord
Département d'études françaises, Université de Toronto

Assistons-nous au déclin de la nouvelle dans le champ littéraire québécois ? Le nombre des publications diminue d'année en année, phénomène explicable sans doute par le fait que le genre se vend mal, attire peu de lecteurs dans un monde où il y en a de moins en moins pour tout ce qui touche à la chose littéraire. Faut-il s'en alarmer ? Je ne crois pas, car la pléthore est pire selon moi que la disette.

En 2005, la moisson demeure fort intéressante, avec des nouvelliers importants (Naïm Kattan, Michael Delisle) ou en train de le devenir (Réal Ouellet, Suzanne Myre, Marie Hélène Poitras). On réédite aussi des auteurs phares que l'on a trop tendance à oublier, dont Adrien Thério (Ceux du Chemin-Taché) n'est pas le moindre.

Les thématiques les plus variées sont évidemment traitées, mais deux configurations me semblent surnager : le discours sur l'ici et l'ailleurs, l'exil et le royaume dirait Camus, et la représentation des animaux, des hommes et des femmes, cela bien sûr dans le désordre et entremêlé aux thèmes universaux du bonheur et de la soufrance, de la vie et de la mort, de l'amour et de la haine. Regarder le monde, celui qui se trouve tout près ou en nous (nos jardins réels, imaginaires ou intimes), ou plus loin, ailleurs dans d'autres pays (le Sud, la France, le Japon, l'Algérie et même l'Au-delà fantastique), avec un regard passionné ou distrait, voilà ce pourrait unifier ce corpus nouvellistique qui pour se raréfier d'une année à l'autre demeure toujours riche en couleurs de toutes sortes.

L'Ici Et L'ailleurs : Tous Les Jardins Du Monde

Toujours très actif dans la recherche savante (voir dans la section « Sciences humaines » les comptes rendus de deux autres ouvrages — sur Exquemelin et sur les Nouvelles françaises au XVIIIe siècle — parus en 2005), Réal Ouellet revient avec un deuxième recueil de nouvelles, après l'excellent Regards et dérives (L'instant même, 1997). Publiant depuis plus de trente-cinq ans des études sur le roman, la nouvelle et les écrits de la Nouvelle-France, Ouellet en sait quelque chose sur l'art de raconter et se révèle égal lui-même dans chacun des domaines qu'il aborde. Dans les douze nouvelles de son dernier recueil, Par ailleurs, on retrouve l'habile conteur, toujours obsédé par certains motifs, dont l'écriture, de première ou de seconde mains, et la dérive existentielle. Mais s'y ajoute un élément nouveau et récurrent, celui de l'ancrage dans la terre, dans le jardin, dans le plaisir de le cultiver. Ainsi, [End Page 20] le texte de tête, « Le Nègre », donne le ton. Un homme qui était heureux de travailler comme « nègre » pour des auteurs célèbres se trouve malheureux le jour où on l'invite à (et où il décide de) rédiger son propre roman. Il connaît le succès, est invité à la télé, mais il perd sa sérénité. Un jour, il devient ghost writer (l'expression lui semble plus appropriée à son nouveau statut) pour un écrivain antillais :

Le mot nègre, si méprisé dans les cercles littéraires, me convient parfaitement, car il suggère une patience d'artisan et une discrétion tout à fait dans mon caractère. Mais j'avoue que l'expression ghost writer, à laquelle je n'ai jamais pensé, ouvre sur un monde fantastique plein de promesses. Un fantôme, n'est-ce pas ce que poursuivent tous ces écrivains que vous publiez ?

(L'italique est dans le texte.)

Ce faisant, renouant avec les plaisirs de l'écriture de l...

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