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  • Roman
  • Pierre Karch (bio)

Il y a eu, cette année, des romans qu'on aimerait avoir le temps de relire, parce qu'ils apportent à notre intelligence, à notre imagination, à notre cœur, une nourriture que ne négligent pas non plus nos sensations, tant celles qui ébranlent que celles qui énervent ou même qui excitent. Ces œuvres sont rares. Elles sont, la plupart du temps, le fruit d'auteurs qui ont atteint une grande maturité par l'expérience qu'ils ont fait de la vie, par leurs lectures et leurs voyages. Grâce à ces romancières et ces romanciers, on fait la connaissance d'ami(e)s qui nous parlent sans détour, même s'ils multiplient les images inédites pour créer un univers purifié par le travail de l'esprit. Écrire est pour eux une occupation intellectuelle.

Il en est d'autres — et ils sont malheureusement plus nombreux — que l'on doit au clavier d'auteurs qui se croient tout permis, parce qu'ils n'ont pas de culture et qui ne peuvent donc pas distinguer le beau du laid, l'insignifiant de l'essentiel. Je laisse à chaque lecteur le soin de distinguer le froment de l'ivraie. Tout ce que peut et doit faire un critique, c'est donner quelques indices de la valeur des romans qu'il a lus.

Boréal

On ne peut pas citer la première phrase de Augustino et le chœur de la destruction, dernier roman de Marie-Claire Blais, car elle s'étend sur presque trois cents pages. Mais on en retient de petits bouts, comme celui-ci qui résume bien la menace qui pèse de plus en plus fort sur l'humanité : « la religion détruira le monde ». Et ce monde semble sortir d'un carnaval avec ses grotesques, ses masques, son présent sans lendemain qui rappelle celui de Michel Tremblay, qui le situe sur le Plateau Mont-Royal, alors que Blais lui donne une île comme espace. Difficile de détourner le regard de ce miroir grossissant, mais à peine déformant.

Tête heureuse, c'est le nom que se donne Bérénice pour signer les courriels qu'elle envoie à son fils, le narrateur du dernier roman de Louis Caron. Elle a toujours été une femme exceptionnelle et elle compte bien le demeurer jusqu'à la fin de ses jours : « il me reste 3 mois à vivre 3 mois [End Page 1] pour apprendre à mourir c'est pas beaucoup et il paraît qu'il faut pas trop compter sur les derniers temps ». Elle a des secrets à apprendre à ce fils, et elle décide de le faire en l'entraînant dans une aventure qui paraît folle, mais qui est au contraire très savante. Quand le fils découvre la vérité, c'est le moment que choisit sa mère pour « mourir vivante ». On ne peut qu'admirer la belle écriture du romancier qui a reçu le prix Duvernay 1984 et qui continue de le mériter.

Quand on lit un titre comme Une belle mort, on se demande si on devrait aller plus loin, surtout si on a déjà lu Une mort bien douce de Simone de Beauvoir. Gil Courtemanche cède la parole à un narrateur qui, au début du roman, passe les fêtes de Noël en famille. Les enfants ont grandi, mais leur « mère rapetisse » et leur « père grossit depuis que le parkinson lui a ôté de la bouche tous les mots qui résonnent encore dans sa tête ». L'auteur semble plus renseigné que moi sur les effets de cette maladie dégénérative. Mais, ce qui est plus intéressant, c'est l'étude des rapports qui ont changé entre ce père qui « toute sa vie, à coup de gifles et de gueule [leur] a enseigné les bonnes manières, le s'il vous plaît et le merci, la tenue de la fourchette et du couteau, le dos droit et les coudes jamais sur la table » et qui, sur ses derniers jours bave et ne sait plus se tenir à table, ce qui doit être tr...

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