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  • Mots d'ailleurs : le Québec sous la plume d'écrivains et de penseurs étrangers
  • Jimmy Thibeault (bio)
Luc Bureau , Mots d'ailleurs : le Québec sous la plume d'écrivains et de penseurs étrangersMontréal, Boréal, 373 p.

Luc Bureau présente ici une anthologie fort intéressante qui entraîne son lecteur (québécois) dans l'univers bien connu du « chez-soi », mais d'un « chez-soi » décentré par un regard qui se veut extérieur, étranger, de passage : le regard du voyageur. Mots d'ailleurs : le Québec sous la plume d'écrivains et de penseurs étrangers réunit les textes de trente-trois écrivains-voyageurs de diverses nationalités (Français, Britanniques, Amé ricains, Allemands, Autrichiens, Russes et Belges) qui, à travers le regard expérimenté de ceux qui ont vu autre chose, portent un jugement parfois favorable, parfois difficile, sur un Québec encore en développement (l'ensemble des textes couvre la période du XIXe au milieu du XXe siècles). Ces voyageurs d'occasion « sont dans la vie de tous les jours qui romancier (Albert Camus, Pierre Loti, Grace Metalious, Anthony Trollope), qui essayiste (Friedrich Engels), géologue, poète (Rupert Brooke, Susanna Moodie), géographe, historien, professeur, journaliste (Raymond Aron), économiste (Gustave de Molinari), politologue, militaire (Vauban), dramaturge. Les relations de voyages qu'ils réalisent après coup constituent une sorte d'épluchage de la mémoire et une pièce justificative de leur escapade ».

Les textes, généralement bien écrits, amènent le lecteur à (re)visiter certaines parties du Québec et à en (re)découvrir toute la richesse. Comment, par exemple, ne pas succomber à la tentation de revoir les caps Éternité et Trinité alors que Walt Whitman écrit d'eux qu'ils l'ont « remu é plus profondément que tout ce [qu'il a] pu voir jusqu'à présent. S'ils étaient en Europe ou en Asie, nous en entendrions parler dans des poèmes ou des rhapsodies, et des dizaines de fois par année, dans nos journaux et revues »? Pour certains voyageurs, ce sont plutôt les villes de Montréal et de Québec qui s'imposent comme centre d'intérêt. D'autres se laissent séduire par la simplicité et la joie de vivre des Canadiens français. Plusieurs [End Page 541] tombent sous le charme des Canadiennes françaises. Presque tous commentent les faibles chances de survie d'une langue française isolée sur un vaste territoire de langue anglaise. Stefan Zweig, par exemple, affirme en 1911 : « Je ne sais rien de plus émouvant dans notre vision du monde actuel que ces îlots linguistiques isolés qui, après avoir subsisté pendant des siècles, s'effritent petit à petit et vont au-devant de leur perte, contre laquelle ils se rebellent, mais sans espoir. » Un espoir que Raymond Aron perçoit, plus de soixante-cinq ans plus tard, dans l'option souverainiste de René Lévesque qui venait d'être porté au pouvoir par la première é lection, en 1976, du Parti Québécois : « Aux Canadiens français de choisir la voie qui leur offre les meilleures chances de sauvegarder, dans une Amérique de langue anglaise, leur culture propre. »

La découverte d'un territoire, comme le souligne Rupert Brooke, doit cependant se soumettre parfois au dur jeu de la comparaison chauviniste qui, plus souvent qu'autrement, ne tient pas compte des contextes sociaux, économiques, politiques et géographiques dans lesquels évolue le pays visité. Ainsi, Freidrich Engels, de passage à Montréal, écrit que « le Canada est plus riche en maisons délabrées que n'importe quel pays, hormis l'Irlande ». J.-E. Vignes parle quant à lui du Canada comme d'un pays soumis au clergé romain, qualifie le jugement de Voltaire au sujet du climat de « jugement plutôt modeste en disant quelques arpents [de neige] », présente la langue canadienne comme un patois reculé d'un autre siècle et il termine son texte en disant que « [l]a Légende canadienne n'est donc qu'un tissu de mensonges et ceux qui s'en servent et...

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