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  • Nouvelle1
  • Michel Lord (bio)

Biofictions, fictions réalistes, magiques ou mirobolantes à l'occasion, tantôt troublantes et tragiques, tantôt comiques et désopilantes, la nouvelle québécoise en 2004 est fidèle à elle-même, continuant sur sa lancée, faite d'une grande diversité esthétique et thématique, difficilement réductible à quelques traits communs. Cela, à l'image d'une société, d'un monde frag-mentés, tourmentés, en perpétuelle transformation, et que les nouvelliers dépeignent, refractent, diffractent, tordent et distordent à qui mieux mieux, à grands traits ou à petits coups de crayon, de clavier, de griffe. Des nouvelliers importants ont offert cette année d'excellents recueils (Donald Alarie, Sylvie Massicotte, Gilles Pellerin) ou des rétrospectives (François Barcelo, Élisabeth Vonarburg) de leur production s'étalant parfois sur un quart de siècle. De nouveaux venus aussi (David Dorais, Michèle Poliquin) et de jeunes auteures (Suzanne Myre, Mélanie Vincelette) illustrent la vitalité d'un genre qui, pour demeurer encore vigoureux, est passablement moins proliférant que le roman.

L'heure n'étant pas à la synthèse des centaines d'instantanés qui composent ces recueils de nouvelles, j'ai choisi cette année de présenter en rafale et dans un ordre tout aléatoire, où se mêlent allégrement coups de coeur et déceptions, la série de livres reçus, qui tous exploitent, chacun à sa façon, les multiples relations que l'être entretient avec le monde, ses abîmes, ses violences, ses failles et, parfois, ses instants de félicité, ses merveilles.

Donald Alarie n'en est pas à ses premières armes dans le monde de la nouvelle. Il y a plus d'un quart de siècle, il publiait son premier récit bref (La visiteuse [avec] Le dragon blessé de Claude R. Blouin, Trois-Rivières, Atelier de production littéraire de la Mauricie, 1979) repris dans son troisième recueil (Les figurants, Pierre Tisseyre, 1995). Son quatrième et dernier, Au café ou ailleurs (XYZ éditeur), nous montre un nouvellier en pleine possession de ses moyens. Bien qu'il ait déjà publié des nouvelles de bonnes longueurs, Alarie excelle ici - comme dans son deuxième recueil (Un homme paisible, Pierre Tisseyre, 1986) qui contient quarante et une nouvelles) - dans l'extrême faire bref, avec ces trente-deux nouvelles rassemblées dans ce petit recueil d'un peu plus de cent pages. Cinq textes seulement ont déjà paru en revue, mais plusieurs entretiennent des liens [End Page 483] thémathiques avec des nouvelles précédentes. La première, « Violence », exploite le double motif de la violence et de la peur qu'Alarie a traité dans « Ayez pitié de moi ! » (Les figurants). Dans le texte antérieur, un homme s'inquiétait de lui-même parce qu'il avait tué un chien et craignait de ne pas pouvoir maîtriser sa propre violence à l'égard des hommes. Cette fois, un homme attaqué un soir dans la rue réagit en terrassant son agresseur, mais également en s'en prenant plus tard à un collègue professeur. Il craint dorénavant sa propre violence. Chez Alarie, le monde fait violence aux personnages, qui réagissent comme ils le peuvent à cette agression du r é el. Le plus souvent, les personnages ont peur de ce monde qui leur fait violence, peur du réel souvent le plus banal, et cherchent refuge dans le rêve ou la folie (« Rêve »); ils ont peur de vieillir (« Au café »), peur d'être seuls (« Téléjournal »), peur de mourir (« Cimetière »). Certains ont à la fois peur d'être seuls et sont incapables de franchir même le pas de la porte pour aller vers le monde extérieur, comme cette femme dans « Les voisins ». La dépression pèse sur plusieurs personnages (« Larmes », « Quand sa fatigue l'aura vaincu »), et mène parfois à l'incapacité de continuer à travailler, à enseigner (« Démission »). Outre la violence et le repli volontaire ou non sur soi, des échappatoires existent, dont le recours à des formes de théâtralité, de voyeurisme ou d'art. Dans «Théâtre», une femme se met...

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