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  • Les mots à l’écoute. Poésie et silence chez Fernand Ouellette, Gaston Miron et Paul-Marie Lapointe
  • Isabelle Viviers (bio)
Pierre Nepveu, Les mots à l’écoute. Poésie et silence chez Fernand Ouellette, Gaston Miron et Paul-Marie Lapointe Québec, Éditions Nota bene, coll. Visées critiques, [1979] 2002, 361 p., 11,95$

Si la poésie québécoise naît d'une parole péniblement conquise, et ainsi procède d'une forme de silence, il demeure indéniable qu'il subsiste en elle les traces indélébiles de ce mutisme. Dans son essai Les mots à l'écoute. Poésie et silence chez Fernand Ouellette, Gaston Miron et Paul-Marie Lapointe, Pierre Nepveu analyse l'œuvre des poètes en rapport avec la question du silence. Par son étude des marges, son écoute des mots, l'attention particulière qu'il porte au langage, Nepveu renouvelle le regard posé jusqu'alors sur la poésie de la Révolution tranquille. Il y a dans sa méthode critique un dépassement des clichés habituels relatifs à cet « âge de la parole ». L'auteur ne s'exprime plus uniquement en terme de poésie du pays, de quête [End Page 138] identitaire ou encore de lyrisme collectif. Il fait entrer cette poésie dans une problématique plus universelle.

Les mots à l'écoute est, à l'origine, la thèse de doctorat soutenue par Pierre Nepveu en 1978, à l'Université de Montréal. Il s'agit en fait de trois essais, sur l'œuvre de trois des auteurs de poésie les plus importants au Québec au cours de la période suivant la grande noirceur. L'ouvrage est d'abord publié en 1979, aux Presses de l'Université Laval, dans la collection « Vie des lettres québécoises ». La réédition de l'œuvre dans la collection « Visées critiques », aux éditions Nota bene, atteste donc de l'importance de la publication et prouve la légitimité de cet ouvrage reconnu par l'institution. Entre sa première parution en 1979 et sa réédition en 2002, le recueil ne subit aucune transformation, la préface de Michel Biron constituant le seul ajout. Si nombre de chercheurs aguerris, dont Roger Chamberland, Jean Fisette, François Dumont et Michel Lemaire, ont souligné le caractère novateur de l'ouvrage de Nepveu, il ressort également de la réception de l'œuvre que cette nouvelle voie critique passe inévitablement par un regard plus serré posé sur le texte.

L'ouvrage de Nepveu s'attarde sur la question du silence en poésie en donnant à ce dernier une importance aussi grande que celle accordée jusque-là à la parole, dans la mesure où le silence est entendu ici comme un acte d'énonciation in absentia. En s'intéressant à cette part d'invisible et de non-dit, Nepveu renouvelle la critique puisque son approche est ancrée profondément dans le texte. L'auteur montre les diverses formes que prend le silence chez chacun des auteurs. Ainsi, le silence est signalé, chez Ouellette, à la fois par des ellipses, des raccourcis, des espacements ou encore par une pratique de la brièveté, ce qui favorise une concentration du sens. Nepveu montre que la poésie de Ouellette relève « d'une expérience fondamentale de la tension [...] qui a lieu dans le mouvement à la fois fulgurant et conscient du sujet vers la totalité ». Cette tentative de donner forme à l'informe et d'ainsi faire voir au lecteur une part d'immatériel participe, chez Ouellette, d'une recherche de l'absolu, d'une quête spirituelle.

Nepveu propose une lecture de la poésie mironienne qui tente de recentrer l'attention du lecteur sur le texte lui-même. L'essayiste fait la démonstration, assez convaincante d'ailleurs, que le territoire mironien est moins celui de la « Terre de Québec » que celui de la poésie, avec ses égarements, ses dépossessions. Le moi, chez Miron, est victime d'un dédoublement et cette dissolution de l'identité du sujet reste intimement liée à la perte, au silence. L'égarement pour Miron passe par...

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